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JO 2022: Richardson Viano, premier Haïtien aux JO d'hiver, veut rendre fière "une patrie qui morfle"

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Sur les 91 nations représentées lors des Jeux olympiques d’hiver de Pékin 2022, Haïti le sera pour la toute première fois de son histoire. La perle des Antilles sera unie comme un seul Homme derrière son unique athlète, le jeune skieur alpin Richardson Viano. Un gamin arraché de la misère d’un orphelinat à l’âge de 3 ans, adopté par un couple d’Italiens installé à Briançon dans les Hautes-Alpes.  

Cela fait des jours et des jours que son visage juvénile et les vidéos de ses arabesques sur neige tournent en boucle sur la chaîne de la télévision nationale. Le réveil risque donc de sonner très tôt ce vendredi pour les Haïtiens, forcément au courant de la nouvelle. Toutes et tous voudront se presser devant un écran pour assister dès potron-minet, 13 heures de décalage horaire avec Pékin oblige, à un instant de fierté nationale, le défilé inédit et historique d’un athlète et du drapeau d’Haïti lors d’une cérémonie d’ouverture de Jeux Olympiques d’Hiver. Celui qui le brandira dans le Nid d’oiseau de Pékin, est un jeune poussin de 19 ans, un skieur alpin répondant au nom de Richardson Viano. "Porter le drapeau le 4 février sera un moment incroyable, imagine déjà 'Richie' ça va être juste magique."

La magie, plus de 15 ans après la misère. Car l’histoire n’avait pas bien commencé pour le natif de La Croix Des Missions. Abandonné peu après sa naissance en 2002, il est d’emblée recueilli dans un orphelinat où il passe les trois premières années de sa vie. Le sort tristement banal de beaucoup d’enfants dans ce pays parmi les plus pauvres de la planète. Mais au bout du tunnel pour Richardson, la lumière, aussi éblouissante que la neige immaculée, avec cette adoption venue d’Europe. De France plus précisément, où un couple d’Italiens installé à Briançon dans les Hautes Alpes le prend sous son aile en décembre 2005, en plein hiver. Son père adoptif Andrea Viano est guide de haute montagne. "Au bout de deux semaines en France, il m’a mis sur des skis, et j’ai tout de suite adoré ce sport, se souvient Richardson. J’ai commencé à skier tous les jours, je ne vivais plus que pour ça."

"La fédération haïtienne de ski? Au départ j’ai cru à une blague"

Premier club à l’âge de 5 ou 6 ans, à Puy-Saint-Vincent, premiers entraînements, premiers piquets, premières courses, le petit "Richie" est doué, au point d’intégrer en catégorie jeune le circuit international à l’âge de 16 ans, en 2018. "C’est à partir de cette année-là que j’ai entendu parler de la Fédération Haïtienne , raconte ce fan d’Alexis Pinturault et de Marcel Hirscher. C’est Jean-Pierre Roy, le président, qui m’a appelé un soir pour me proposer d’en faire partie. Au départ, je pensais que c’était une blague, je n’étais même pas au courant que çà existait. Je lui ai dit que j’allais finir la saison avec la France parce que j’avais toujours skié pour la France et je lui ai proposé de voir ça une fois le printemps venu."

Quelques mois plus tard, cornaqué par Jean Pierre Roy, alias "Rasta-Piquet", lui-même ancien skieur, et seul membre de sa fédération, les démarches sont engagées. Et en juillet 2019, Richardson obtient son passeport haïtien. Il skie depuis sous la bannière de son pays natal et s’apprête donc sur le slalom et le slalom géant de Yanqing à devenir le premier représentant de son pays à participer aux JO d’hiver en 24 éditions de cette grand-messe du sport mondial. "C’est une grande fierté, sourit Richardson. Je suis vraiment très content, très enthousiaste et très excité à l’idée de participer aux JO en tant qu’athlète. Ça a toujours été un rêve pour moi. J’attends vraiment ce moment avec impatience pour pouvoir porter haut les couleurs de mon pays."

Le CIO a demandé à la fédération de valider l’hymne, en cas de victoire 

Et pour faire plus que de la figuration. Car à seulement 18 ans l’an passé lors des championnats du monde de ski alpin de Cortina d’Ampezzo, Richardson Viano a montré aux suiveurs du Grand Cirque Blanc, qu’il était bien plus qu’un simple faire valoir. Dans un très bon jour et sur une neige qui lui convenait parfaitement, il s’était classé 35ème du slalom géant, une performance notable. "Ce jour-là j’étais super bien et tout était aligné. Après je ne vais pas vous raconter que je vais jouer la médaille d’or parce que le niveau extrêmement élevé. Il y a des gars super forts mais je compte vraiment faire de mon mieux, me faire plaisir et prendre un maximum d’expérience." 

Pas de médaille d’or en tête mais au cas où, le comité international olympique a tout prévu. Il y a quelques semaines, un officiel a demandé à Jean-Pierre Roy de valider le drapeau, mais aussi l’hymne. Ce qui a beaucoup fait rire "JiPi ". "Alors le drapeau oui il faut le valider pour la cérémonie et tous les documents officiels. Mais l’hymne ça veut dire quoi? Cela veut dire qu’on va peut-être avoir une médaille. Faudrait pas qu’ils se trompent d’hymne si jamais Richie gagne. J’ai trouvé ça génial."

Une patrie qui morfle 

Beaucoup de bonheur et de sourires donc, sur les visages de ces Haïtiens de France, qui n’oublient pas leurs racines, et les galères de leur pays. C’était d’ailleurs bien le but de Jean-Pierre Roy quand il a créé cette fédération il y a une dizaine d’années, si fier d’amener aujourd’hui son premier athlète aux JO. "C’est le fruit d’un travail acharné. Mon objectif c’était de montrer que l’équipe existait. On n’a pas de neige, on n’a pas de montagnes, mais on a des Haïtiens. On nous fait des tremblements de terre, on a des problèmes politiques, le président Jovenel Moïse assassiné l'été dernier. Mais c’est pas grave, on déplace les montagnes, au nom de tous les Haïtiens et de cette patrie qui morfle. On est là debout et ça c’est important."

Autant que de montrer sa valeur sur ces J.O de Pékin pour Richardson Viano. Aujourd’hui aidé par une bourse du CIO pour progresser dans sa jeune carrière, de jolies courses durant cette quinzaine pourraient bien inciter d'autres mécènes à miser encore un peu plus sur lui. De son côté, il rêve plus tard de grandes réussites dans le ski, et espère pouvoir un jour retourner en Haïti pour venir en aide aux enfants de l’orphelinat où il a vécu les premières années de sa vie. 

Arnaud Souque, au village olympique de Yanqing (Chine)