JO 2024: avant le choc en football, comment les supporters argentins vivent-ils l’accueil hostile du public français?

Bordeaux s’apprête à revivre de sacrées émotions grâce au football, ce vendredi soir. Dans cette période trouble, marquée par la relégation des Girondins en National 2, la ville va vrombir pour le quart de finale du tournoi olympique de foot entre la France et l’Argentine (21h). Et ce ne sera pas toujours de plaisir. Car cette affiche devrait se dérouler dans un climat très hostile en tribunes de la part du public français contre les jeunes joueurs de l’Albiceleste. Le tournoi olympique de rugby à 7 l’a démontré dès le début des Jeux avec des sifflets nourris contre les Argentins sur chacun de leurs essais et lors de l’hymne national.
"Les Français ont mal pris une chose qu’Enzo Fernandez a faite, mais qui n’avait pas de sens"
La victoire des coéquipiers d’Antoine Dupont en quarts de finale face à ces mêmes Argentins avait été célébrée dans une clameur hors norme par le Stade de France sur fond de nouvelle rivalité sportive entre les deux pays. Mais pas seulement. Si l’Argentine s’enorgueillit fièrement de sa victoire sur la France lors de la dernière Coupe du monde de foot après une finale épique (3-3, 4 t.a.b. 2), elle a aussi clairement dépassé les bornes dans ses célébrations.
Il y eut les gestes grossiers du gardien Dibu Martinez mais surtout ce chant raciste repris en boucle par les supporteurs sur l’origine supposée des joueurs de l’équipe de France. Le sujet a refait surface début juillet après le nouveau sacre argentin en finale de la Copa America quand Enzo Fernandez a diffusé en live sur les réseaux sociaux montrant la reprise en chœur de ce chant par tout le groupe, avant de vite couper la séquence. Mais trop tard pour éviter une immense polémique.
Une vague d’indignation s’est emparée du sport français et cela a même pris un virage diplomatique avec des excuses de l’Argentine. Ce qui n’a pas suffi à calmer le ressentiment du public français manifesté bruyamment en rugby à 7. "C’était assez surprenant pour nous, on ne s’attendait pas à une telle réaction des Français", s’est étonné Federico, supporteur argentin croisé devant le Stade de France en marge du tournoi de rugby. "Mais on comprend que les relations entre les deux pays ne soient pas au beau fixe, avec ce qu’il s’est passé au foot."
Pour beaucoup, cette rivalité reste sportive même si le désamour français pour l’Argentine semble davantage nourri par le dérapage de Fernandez. Adrian, la cinquantaine venu assister au match de handball France-Egypte avec un maillot ciel et blanc floqué Messi sur le dos, plaide une incompréhension entre deux cultures différentes. "Il me semble que la France a mal pris quelque chose qu’Enzo Fernandez a faite mais qui n’avait pas de sens", se défend-il. "C’était quelque chose de très folklorique."
"En Argentine, nous avons un autre concept de ces choses 'racistes' mais qui ne le sont pas du tout", assure-t-il.
Pour cet habitant de Buenos Aires, cette rivalité s’arrête toutefois aux portes du stade. "Tout va très bien, je n’ai eu aucun souci avec les fans français que j’ai croisés", a-t-il assuré. "Il n’y a aucun problème, tout se passe bien."
Elle semble aussi réservée aux sports collectifs. Le sabreur Pascual Maria di Tella n’a ainsi ressenti aucune onde négative dans les tribunes du Grand Palais lors de son entrée en lice dans la compétition samedi dernier à une heure, il est vrai, matinale. Lui voit davantage ce ressentiment français comme un héritage du dernier Mondial.
"Si vous aviez gagné le Mondial, tout le monde vous aurait aussi hué en Argentine"
"Nous avons la Coupe du monde donc je suis content avec ça", s’est-il amusé. "Je peux comprendre. Si vous aviez gagné la Coupe du monde contre l’Argentine et que vous étiez venus en Argentine, tout le monde vous aurait hué aussi. Il n’y a pas de mauvais sentiments." Il y en aura peut-être un peu ce vendredi soir d'autant que Javier Mascherano, sélectionneur de l'équipe argentine olympique, avait défendu Fernandez en plaidant une différence d'interprétation "culturelle" et des chants sortis de leur contexte.
La Fédération argentine prend, elle, vraisemblablement ce match face aux Bleuets très au sérieux. Selon le journal El Semanario, elle aurait décidé de faire venir plusieurs barras bravas de clubs argentins, ces groupes d’ultras réputés très violents et à l’origine de plusieurs débordements dans le football argentin. Cela s'annonce bouillant en espérant que cela reste dans les limites du cadre "amical" des Jeux olympiques.