Judo: Riner veut faire sauter le verrou à Paris

Teddy Riner a souvent joué au cachotier. Adepte du mensonge par omission, il a par le passé caché des blessures ou s’est présenté à des championnats diminué. Bouche cousue. Mardi, il a toutefois ouvert grand sa boîte à émotions pour livrer les doutes qui l’ont traversé. Au menu : peur, blocage. Mais aussi sa joie et son excitation d’être de retour à Paris, trois ans après sa dernière participation (défaite au 3e tour) et dix ans après son sixième et dernier succès à Bercy.
La blessure à la cheville qui l’a privé des Mondiaux 2022 a fait descendre par l’ascenseur son socle de confiance : "Quand je monte sur un tapis j’ai peur. Maintenant il faut lâcher. Ce n’est jamais évident de revenir de blessure, surtout celle-ci où j’ai évité l’opération. Il y a eu des points de blocage ce que je n’avais jamais eu dans ma carrière. Aujourd’hui, le temps compte."
"S’il y a bien un événement que l’on ne peut pas louper, ce sont les JO"
Riner sait que l’horloge qui amène aux Jeux olympiques glisse doucement vers la fin. Ce dimanche, il n’aura plus que 537 jours avant la cérémonie d’ouverture de Paris 2024. Le décuple champion du monde a besoin de temps pour arriver en forme optimale. Chaque blessure, c’est du retard. Et à presque 34 ans, ce processus de montée en puissance est long. Quand Riner doute, il grignote et ce sont aussi des kilos à effacer pour se rapprocher d’un poids de forme. Il s’est cependant voulu rassurant : "Aujourd’hui c’est débloqué mais je fais attention. S’il y a bien un événement que l’on ne peut pas louper, ce sont les JO. Quand on est moins bien, on lève le pied. Plus tôt dans ma carrière je n’aurais pas eu cette attitude."
Au printemps 2021, une blessure au genou contractée au Maroc avait stoppé sa préparation vers les Jeux. Un gros pépin qu’il avait caché jusqu’à la diffusion d’un documentaire de France Télévisions la veille des JO à Tokyo. Ce mardi, au dojo de Paris (14e arrondissement), le colosse a le sourire. Il blague, prend dans ses bras un combattant brésilien. Il s’échauffe au sol avec son sparring-partner Frédéric Mirédin. Franck Chambilly, l’un de ses coachs, donne les thèmes, et Serge Dyot, un autre de ses conseils, le corrige. Riner déroule plusieurs fois Mirédin sur le dos et montre ses progrès dans le travail au sol. Un chantier engagé après les JO de Tokyo.
Yasuhiro Yamashita, champion olympique et quadruple champion du monde, lui avait conseillé d’aller saisir ces occasions qui peuvent rapporter gros. Message reçu : "On a beaucoup bossé le sol, explique Riner. Aujourd’hui j’ai beaucoup plus d’armes. Le dire c’est facile. Je vais essayer de le prouver en compétition. C’est un combat avec moi-même. Souvent je vois l’opportunité et je n’y vais pas. Maintenant autant faire les choses en compétition pour être rôdé lors des grands rendez-vous." Il sera servi ce dimanche à Bercy avec le Sud-Coréen Kim Minjong, médaillé mondial, le Japonais Ota ou le Géorgien Tushishvili, l’un de ses plus dangereux adversaires.
Objectif top 8 mondial
Riner est rentré d’un long stage au Kazakhstan où, de son propre aveu, il a été servi avec 20 lourds rien que pour lui sur le tatami. Ce mardi, lors des nage-komi (projections) et des randoris, on a bien vu que le mental était déverrouillé. Il jette haut sa jambe sur uchi-mata et reste moins dans le rapport de force. "Il ose", approuve Laurent Calleja, autre entraîneur de son équipe : "Je suis mobile, je bouge bien. Je suis content du judo que j’ai. C’a été très dur de retrouver des sensations, de faire tomber. C’était le parcours du combattant. Le doute qui m’a animé, si c’est ça, je ne vais pas aux JO dans cet état-là. Ça progresse. Je suis content."
Riner n’a jamais aimé les tournois. Il a toujours préféré les championnats. C’est un passage obligé. Pour répéter quelques routines, se reconnecter avec le public français en vue des JO, et marquer des points pour remonter au classement mondial. Le Français est actuellement 25e poids lourds de la planète. Il vise une place dans le top 8 pour s’assurer une place de tête de série et un tableau plus progressif d’ici Paris. A Bercy, il est à la maison. La salle sera guichets fermés. Tout ce qu’il faut pour prendre un bon shot de cette confiance si nourrissante.