Top 14: le Stade Toulousain va-t-il de nouveau régner?

Voilà une histoire qui pourrait saouler ceux qui supportent les clubs de Top 14 qui ne sont pas domiciliés en Haute Garonne. Les amateurs de rugby qui dès les années 1980 s’asseyaient dans les travées du Parc des Princes, ou leurs descendances qui ont ensuite pris la direction du Stade de France à partir de la fin des années 1990. Et donc ceux qui, d’ici à nos jours, ont entendu les gorges toulousaines déployer du "Tou-lou-sains, Tou-lou-sains" ou pire encore le taquin "on vient, on gagne et on s’en va". Car si on se retourne un instant sur le palmarès du "Stade" lors des quatre dernières décennies, il est éloquent.
Treize des vingt Boucliers et les quatre Coupes d’Europe du club ont été glanés sur cette période. Avec des séquences de domination sans partage: 1985, 1986 et 1989, les quatre à la suite entre 1994 et 1997, les deux Boucliers de 1999 et 2001 assorti des Coupes d’Europe 2003 et 2005, puis les trois titres de champion de France et la Coupe d’Europe entre 2008 et 2012. Alors quand une bande d’insolents "Rouge et Noir" écrase la saison passée de la manière dont elle l’a fait, on se demande si l’omnipotence stadiste n’est pas de retour. Et que déjà, cette saison, ils peuvent refaire le coup.
"Bien sûr que quand on a repris l’entraînement cet été, on s’est dit que le but serait d’imiter la saison écoulée, dit le manager du haut niveau au club, Jérôme Cazalbou. Mais pour autant, on peut légitimement penser que des équipes comme Clermont, le Racing, Toulon, voire d’autres qui n’ont jamais été aussi haut comme Lyon et Bordeaux actuellement, nous donne un championnat hyper resserré. Donc on sait que ces cycles-là seront très difficiles à faire et que ça demande aux équipes de se concentrer encore plus, de travailler encore plus pour ne réussir ne serait-ce qu’un doublé."
"On sent qu’ils ont envie d’y retourner"
Pour mémoire, Toulouse a tout fracassé la saison passée: trois défaites seulement en Top 14, une série d’invincibilité de quatorze matchs d’octobre à avril, le plus grand nombre de points (98) et d’essais inscrits (102) sur une saison régulière et un gouffre avec le deuxième, Clermont (15 points d’écart). "On a réussi à atteindre ce niveau car on a travaillé dur, tous ensemble. Et on a créé un groupe fort", avoue le troisième ligne François Cros. Mais il prévient aussi: "Si on se voit trop beau on va prendre le revers de la médaille. Il ne faut en aucun cas relâcher cette détermination et cette envie de travailler ensemble qu’on a tous les jours."
Pour autant, ce groupe a peu évolué. Richie Arnold a été remplacé par son jumeau Rory. Numériquement, Chalureau a pris la place de Gayraud et Miquel celle de Faasalele. Des promotions en interne ont compensé les départs de Pointud et Ghiraldini. Peu de mouvements et des prolongations à tour de bras (Castets, Holmes, Ntamack, Akhi, Guitoune, Kolbe, Médard, Baille, Cros, Dupont, Faumuina, Tekori, Mauvaka, Ramos, en attendant Kaino, Tolofua et Placines). Et surtout, encadrée par quelques trentenaires comme Kaino (36 ans), Tekori (36), Médard (33) ou Huget (32), une vague de jeunes de Ntamack (20 ans) à Marchand (26) en passant par Dupont (23) forment le noyau de l’effectif.
Avec l’avenir devant eux selon l’entraîneur des trois quarts Clément Poitrenaud: "C’est une équipe jeune, qui avait besoin de connaître les frissons de la victoire, de s’aguerrir lors des matchs de phases finales et de se rendre compte qu’ils étaient capables de les gagner. Maintenant qu’ils y ont goûté, on sent qu’ils ont envie d’y retourner. Ils ne sont pas blasés. Malgré la victoire ils restent jeunes et ambitieux. On sent qu’ils ont encore envie d’aller en chercher et qu’ils travaillent dur pour." Et l’homme s’y connaît.
Les insouciants sont attendus au tournant
Quatre fois Poitrenaud a soulevé le Bouclier de Brennus. Et accessoirement, trois fois la Coupe d’Europe (!). Il freine alors quelque peu… "Un règne? C’est un peu vite dit. On a renoué avec le succès seulement la saison dernière. Et les temps ont changé, le championnat est bien plus homogène, avec de grosses équipes dans ce Top 14 qui rendent les choses bien plus compliquées pour gagner années après années."
Pourtant, depuis le retour des internationaux, le Stade Toulousain semble reparti sur les bases de l’an passé. Sept matchs toutes compétitions confondues, sept victoires. Et même en jouant de manière plus poussive comme le week-end dernier à Agen (8-13), ça passe. Une sorte de confiance qui mène inéluctablement au succès, même si tout reste fragile au très haut niveau.
Alors, belote et rebelote? "Ça, je ne peux pas vous dire, répond l’entraîneur des avants Régis Sonnes. Déjà on a gagné un titre. Avec une équipe jeune, une nouvelle génération, qui apprend, se construit. Qui a su gérer les émotions l’année dernière pour aller chercher ce Bouclier. Maintenant, il faut voir l’après titre, comment cette équipe réagit. Mais jusqu’ici ça répond bien. C’est une nouvelle génération, pleine d’avenir. Ils ont plein d’appétit. De l’insouciance aussi. On aime ça." Mais les insouciants sont attendus au tournant. Et après la venue de Toulon ce dimanche, un très gros morceau qui n’a pas dû oublier sa déconvenue de l’an passé à la même époque (39-0), ils vont devoir bien gérer le mois de janvier.
Car après, il faudra rentrer du bois pour l’hiver. Au Stade Français, les deux dernières journées de Coupe d’Europe (au Connacht, Gloucester) et la venue de l’UBB, avant que les (nombreux?) internationaux fassent défaut durant le Tournoi des VI Nations. Pour ensuite filer vers les beaux jours, les phases finales et leur madeleine de Proust. "Tout le monde dans le groupe, anciens ou plus jeunes, est conscient que ce sont des moments rares, avoue l’arrière Thomas Ramos. On rêve tous de gagner des titres tous les ans. Mais rien ne sera facile. A nous d’être sérieux pour espérer faire comme nos anciens. Moi, à l’époque, j’étais un enfant supporter. Ça devait être des moments exceptionnels. Donc forcément ça donne envie." Aujourd’hui les enfants ont grandi. Et rêvent eux aussi d’écrire l’histoire.
>> Antoine Dupont de retour contre Toulon