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Gaël Fickou: "On n’est pas nuls à ce point"

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Blessé durant l’intersaison, le trois-quarts centre international du Stade Toulousain Gaël Fickou fait son retour sur les terrains de Top 14 ce week-end face au Stade Français (samedi 14h45). Il doit effacer une saison difficile avec son club, puis une tournée cauchemar avec le XV de France en Afrique du Sud. Il accepte les critiques mais refuse toutefois de noircir le tableau. Et à seulement 23 ans (32 sélections), il doit assumer un nouveau statut en club. Et pourquoi pas chez les Bleus.

Gaël Fickou, avez-vous l’impression d’écrire une nouvelle page avec votre club cette saison ?

J’ai été blessé donc je me suis souvent entraîné seul, sans avoir d’incidence sur le groupe. Mais je reviens petit à petit. Après, c’est vrai que nous avons un nouveau groupe, avec de nouveaux joueurs, de nouveaux leaders qui se sont imposés. Nous avons perdu douze joueurs à l’intersaison. C’est quand même énorme. Car ils étaient très importants dans le vestiaire et sur le terrain. Donc aujourd’hui, c’est une autre histoire, même si ça fait un petit moment que l’on dit ça. Peut-être deux ou trois ans. Maintenant, il faut vraiment passer à autre chose et accélérer. Redonner un bon niveau à ce groupe, une autre image du Stade Toulousain. Parce que ces derniers temps, elle s’est ternie de par nos résultats. C’est très important de mettre la marche avant. Dès maintenant. Ce n’est pas gagné. Le Top 14 est dur, de nouveaux clubs ont éclos comme La Rochelle ou Lyon. Donc on va tout faire pour écrire une nouvelle histoire, mais en étant conscients des difficultés qui nous attendent.

Qu’est-ce qui a été le plus traumatisant la saison passée ?

Sincèrement, c’est surtout la fin de saison. Parce que jusqu’en janvier-février, ça se passait plutôt bien. Après, tout s’est écroulé. Les internationaux ont manqué, nous avons eu beaucoup de blessés, beaucoup de déconvenues à domicile. On perd contre Pau, ça nous tue. Après, on court derrière les points et ça devient compliqué. Surtout quand tu vas à Toulon, par exemple. On a un peu trop baissé la tête, trop subi la situation. On n’a pas fait preuve de… (il hésite et soupire) pas de courage car tout le monde s’est envoyé à 100%. Mais c’est juste qu’à la fin, inconsciemment, on a lâché petit à petit et on s’est enterrés tout seuls.

Qu’est-ce qui pourrait effacer ça ?

On ne l’effacera jamais. Cette saison a été noire et ça va rester. Dans dix ans, on dira : « Cette génération, elle a failli faire descendre le Stade Toulousain en Pro D2 ». Même si aux points, on en était loin, on était douzièmes donc à un pas de la treizième place et d’une relégation. Ça, il faut en prendre conscience. Maintenant, pour passer à autre chose, il faut arrêter de parler de ça. Que ce soit vous, médias, ou nous entre joueurs, on en parle toutes les cinq minutes. A tous les matchs, toutes les semaines. Moi, je prends souvent l’exemple de Manchester United. Ils ont eu des années noires ces derniers temps et là, ils reviennent au plus haut niveau avec une grosse équipe, autant de changements dans le staff que dans les joueurs. Et ils se reconstruisent petit à petit. Il y a des cycles. Ces dernières années n’étaient pas pour nous, j’espère que celle-ci sera la bonne. Je ne dis pas gagner, parce que ça va être très dur, mais être dans les six premiers du championnat. Quand on joue au Stade Toulousain, on est là pour ça. C’est un grand club, prestigieux. Mais à nous de le rendre prestigieux. Car ces dernières années, il ne l’est pas tant que ça.

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Depuis plusieurs années, il y a un renouvellement des cadres au sein de l’effectif. Devez-vous en être un maintenant ?

Je ne sais pas. Je m’investis énormément dans tout ce qu’on fait offensivement et défensivement chez les trois-quarts. Dans la communication. Maintenant, ce n’est pas à moi de dire si je suis un leader. Ça se fait tout seul. Ce qui est sûr, c’est que je pense être quelqu’un qui compte pour l’équipe et j’essaye de me donner à chaque fois à 100%. Je pense n’avoir jamais triché sur le terrain. Parfois je suis bon, parfois je ne suis pas bon, ça arrive à tout le monde. Mais leader, je ne peux pas le dire. Ugo (Mola) aspire à ce que je prenne encore plus la parole, donc sur le terrain il faut peut-être que je prenne plus les choses en main.

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A seulement 23 ans, cela fait déjà cinq ans que vous jouez en Top 14 puis en équipe de France. Comment jugez-vous votre parcours ?

On peut toujours faire mieux. Etre meilleur. Mais ça fait cinq ans que je porte régulièrement le maillot du Stade Toulousain et que j’arrive à prendre de plus en plus de place au sein de l’équipe de France. Donc je suis content. J’ai conscience que je dois beaucoup progresser. Dans plein de domaines : le jeu après contact, la défense, le jeu au pied. Et continuer à peaufiner mes qualités aussi. Les appuis, la vitesse, l’évitement.

C’est le débat actuellement : le bagage technique des joueurs. Issu de la formation française, vous estimez-vous assez « armé » ?

A part les Néo-Zélandais, qui sont au-dessus du lot à ce niveau là… Mais je pense que ça dépasse le rugby en soi. Pour eux, c’est une religion et ils en font depuis qu’ils ont cinq ans. C’est comme le football chez nous, sport dans lequel on fournit les meilleurs joueurs du monde ou tout du moins la plupart en tous cas. Et bien c’est la même chose pour eux. C’est-à-dire que des Pogba, des Kanté, des Mbappé, ils en sortent chaque année. C’est parce qu’ils ont compris que depuis l’âge de cinq ans, ils touchent des ballons, ils ne font que ça à l’école, pendant leurs jours de repos, le week-end, etc. Donc forcément, ils sont plus doués que nous sur ce secteur-là. Mais après, on n’a pas à rougir des autres nations. Sincèrement, les Australiens ne sont pas plus techniques que les Français. Les Sud-Africains non plus. C’est juste qu’ils sont peut-être mieux préparés dans certains secteurs.

Mais vous étiez de la tournée de juin en Afrique du Sud. A la sortie, après trois défaites, que se dit-on quand on est international français ?

Sincèrement, je me suis posé énormément de questions parce qu’on n’a pas été bons du tout. Et d’ailleurs, on n’en est pas fiers. Mais sincèrement, je ne pense pas qu’ils nous ont battu sur la technique. Ils nous ont battu sur la puissance, la vitesse de déplacement, le replacement, la discipline. Ils nous ont mis une leçon sur la discipline. Sur l’engagement, la vitesse d’exécution, le changement de course, etc. Ils ont été très bons là-dessus. Mais techniquement, je ne pense pas qu’on ait à rougir sur ces matchs-là.

Et ça se rattrape ?

Je pense qu’en ce moment, l’équipe de France a mis l’axe sur le physique. Mais il n’y a pas que ça, c’est sûr. Tu as beau faire du physique pendant des heures et des heures… La discipline, ça ne se corrige pas en faisant du physique. La discipline, c’est dans la tête, la façon dont on s’entraîne, etc. Il faudra le réguler. Après, on a encore beaucoup à progresser, notamment pour être au niveau des Blacks. Mais on n’a pas non plus à rougir par rapport aux autres nations. On n’est pas nuls à ce point.

La Coupe du monde est dans deux ans. Pouvez-vous toujours rêver être champions du monde ?

Je ne vais pas dire qu’on va la gagner. Ce serait prétentieux de dire ça avec la tournée qu’on vient de faire. Tout le monde me prendrait pour un fou. Ce qui est sûr, c’est qu’on va tout mettre en place pour faire de belle choses là-bas. Essayer de la remporter, bien sûr. Je ne dis pas qu’on va le faire mais juste qu’on va tout faire pour se donner les moyens de le faire.

A 23 ans, il rêve de quoi Gaël Fickou ?

De gagner des titres avec le Stade Toulousain, le Six Nations et la Coupe du monde avec l’équipe de France. Et d’être un grand joueur. J’en rêve. Faire partie des belles histoires.

C’est dur d’être sportif de haut niveau ?

C’est dur mais je ne me plains pas. Il y en a qui galèrent dix fois plus que nous. C’est dur mais c’est génial et on a une vie de rêve. C’est sûr que parfois, on se lève le matin et on n’a pas envie. Ça peut arriver. Mais mon père, il se levait pour faire des trucs bien plus durs que ça ! Donc je n’ai même pas le droit de râler. Ça reste une passion. Etre sur une pelouse, courir après un ballon, partir à l’autre bout du monde, jouer dans des stades remplis. Et gagner très bien nos vies aussi. Que demande le peuple (sourire) !

Ce sont des doutes aussi ? Des moments difficiles ? 

Je pense que, quand on a une vie de sportif, elle est en accélérée. On vit plein de choses. Des déceptions et des joies très fortes. Déception en Afrique du Sud. Et joie avec par exemple la fin de match face au pays de Galles (victoire 20 à 18 après 20 minutes d’arrêts de jeu) lors du dernier Tournoi des Six Nations. C’était tellement fort qu’on s’en souviendra dans dix ans. Ce sont des matchs qu’on retient. Oui, on vit des moments particuliers. Un coup, c’est très bien. Et celui d’après, très mauvais. C’est ça qui est dur à gérer. Des fois, tu es en pleine confiance et tout le monde « t’a à la bonne ». Et le lendemain, tu es moins bien et tout devient plus compliqué. C’est sans cesse une remise en question. De tous les jours. Et ça passe par le travail. Le lendemain, on recommence et ça va mieux. C’est des cycles.

Wilfried Templier