Top 14: "L'objectif, c'est qu'on nous respecte de nouveau", Grégory Alldritt veut remettre La Rochelle dans le jeu

Cela fait une éternité que La Rochelle n’avait pas connu une intersaison aussi "longue"...
C'est surtout qu'on n'avait jamais connu ça, parce qu'on a toujours été en demi-finale ou finaliste, quasiment. On a toujours eu des prépas très, très courtes. Ça fait bizarre, mais c'est le jeu: tu finis tôt (début juin), tu reprends tôt (14 juillet). Là, on a plutôt bien bossé, ça nous a fait du bien. Maintenant, ça ne sert à rien d’être les plus en forme si on n’est pas bon au rugby.
Comment va le groupe maritime, selon votre ressenti de capitaine?
C'est un groupe qui a énormément souffert pendant quelques semaines, mais qui n'a pas lâché, qui a répondu présent, qui s'est donné à 300%. Cette longue intersaison nous a permis de prendre le temps de bien travailler et d'essayer de progresser sur le côté physique. Le physique fait au moins 60-70% du boulot. Donc, si déjà on peut être prêts sur ce secteur, on a une bonne avancée. Maintenant, on va essayer de transposer ça sur le terrain. Beaucoup de jeunes sont rentrés, il y a une bonne mixité et, pour le moment, ça marche plutôt bien. C'est quelque chose qui peut-être nous a manqué aussi sur la saison dernière, d'avoir un petit peu de profondeur d'effectif. Et d'avoir aussi des joueurs challengés par le bas. C'est vraiment quelque chose qui est en train de se passer sur cette présaison.
L’étiquette de "groupe vieillissant" commençait à vous coller à la peau, non?
Oui, bien sûr. Mais on a aussi beaucoup de jeunes joueurs qui jouent. Quand je vois Oscar (Jegou) qui explose. Même Matthias (Haddad-Victor) qui reste encore très jeune. On a Hoani (Bosmorin) derrière. Donc on en sort aussi des jeunes et ils sont performants. Bien sûr, c'est comme dans toutes les équipes, certains sont un peu plus vieillissants. Et d'autres sont là pour prendre la place. Mais ce n'est pas parce qu'il y a des joueurs un peu plus vieillissants que c'est la fin. Je pense à Uini (Atonio). C'est sûr qu'il nous a trop bien habitués à faire 35 matchs par saison, où il jouait en moyenne 70 minutes. Si on s'attend à ce qu'il fasse pareil encore cette année, on se trompe. Mais il sera toujours le même joueur, aussi performant sur les matchs.
Atonio coach mêlée, ça donne quoi?
C'est quelqu'un qui déjà connaît hyper bien l'effectif. Et qui connaît très bien la mêlée. Pour le moment, ça se passe très bien. On bosse super bien. Je ne suis pas inquiet pour la suite. Je pense qu'il est prédestiné à faire ça. Et ça se voit qu'il est à l'aise avec ça. C'est quelqu'un qui se trompe rarement. Et qui passe rarement à côté de ses matchs.
Vous parliez plus haut de souffrance ces dernières semaines. Physique? Mentale? Les deux?
Les deux. Parce que quand tu cours, quand tu ne vois pas un ballon de rugby pendant trois semaines, c'est long au bout d'un moment. Mais c'est ce qui forge aussi la tête et le corps. Au final, il y a des bienfaits à ça.
"Je pense qu'on a un petit peu trop surfé sur nos titres, en pensant que ça allait se faire tout seul. Ça a été acté comme une fin. Maintenant, on est revenu à une place où il faut qu'on travaille dur pour regagner notre respect. Ça passe par le travail, par l'investissement, par l'attitude."
Avez-vous évacué les événements de ces derniers mois, entre la non-qualification en phase finale du Top 14, cette série de neuf matchs sans victoire ou encore cette élimination dès les huitièmes de finale de la Coupe d’Europe?
Ça a été débriefé collectivement, individuellement, en fin de saison dernière. Maintenant, bien sûr, on n'est pas fiers de nous. On fait, en moyenne, dix à douze saisons en pro. Et encore, sans blessure, avec une belle carrière. De gaspiller une munition, quand tu vois l'effectif qu'on a, bien sûr que c'est embêtant. L'objectif de cette année sera d’au moins finir la saison en pouvant se regarder dans la glace. On n'oublie pas. Mais on passe à autre chose et on essaye de transformer un petit peu notre groupe.
Votre manager Ronan O’Gara a-t-il acté en interne la "fin de cycle" qu’il avait décrétée au soir de la défaite à Pau (26e journée de Top 14), en juin dernier?
Bien sûr que c'est la fin de quelque chose. Je pense qu'on a un petit peu trop surfé sur nos titres, en pensant que ça allait se faire tout seul. Ça a été acté comme une fin. Maintenant, on est revenu à une place où il faut qu'on travaille dur pour regagner notre respect. Ça passe par le travail, par l'investissement, par l'attitude. L'objectif, c'est qu'on nous respecte de nouveau. Ce qu'on n'a pas mérité après notre saison dernière et après les prestations qu'on a pu faire, c'était tout à fait normal. Je pense qu'on était persuadés qu'on donnait 100%. Mais en fait, on donnait 60%.
Quel était le discours, à la reprise?
Beaucoup de travail, beaucoup d'investissement. Mais après, quand tu sors d’une saison comme ça, pas besoin de beaucoup de discours dans ces moments-là. Je pense que c'est là où ça m'a beaucoup plu. Je pense que ça a beaucoup plu à tout le monde. On peut se permettre d'être optimiste, au regard de l'engagement qu'il y a eu de la part de tous les joueurs. Ronan a retrouvé un groupe qui s'est vraiment donné beaucoup sur ses premières semaines. Je pense que ça lui a redonné espoir aussi.
Beaucoup de signaux positifs, visiblement?
Mais c'est une présaison, hein. Ce qui compte, c'est d'être bon en septembre et de garder ça jusqu'en juin. Une saison, c'est long.
Et le manque de régularité vous a justement fait souvent défaut, pas plus tard encore que la saison passée…
Deux défaites à domicile… Si tu nous rajoutes huit points, on joue le barrage à domicile en fin de saison. Peut-être pas quand même la demi-finale, mais on n'est pas loin du compte. Ce qui a posé souci, c'est de prendre 50 points à Lyon. Des défaites comme ça qui marquent. Perdre Castres à la maison, Vannes à la maison. La défaite à Bayonne. Ce sont des matchs où il a manqué de l'investissement et de l'attitude… À la limite, je m'en fous de les perdre. Mais au moins de les perdre les armes à la main.
"Sur les deux, trois dernières années, on ne peut pas se comparer à Bordeaux et à Toulouse. Nous, ce qu'on veut, c'est revenir au moins dans les discussions"
Un temps fragilisé par la crise de résultats, le staff du Stade Rochelais n’a que très peu évolué à l’intersaison, le club jouant la carte de la continuité. Montrer que vous pouvez partir en reconquête d’un titre dans ces circonstances, avec peu ou prou les mêmes hommes, est-il un levier de motivation supplémentaire?
Je l'espère. Normalement, il y a eu cette remise en question. C'est bien de garder tout le monde. Mais il faut des personnes qui soient conscientes de la situation et qui sachent se remettre en question. Pour le moment, c'est chose faite. On a un peu changé notre méthodologie. Le staff a modifié certains trucs. Nous, les joueurs, on a modifié notre investissement. Maintenant, à voir, on ne va pas faire de promesses trop tôt. Mais en tout cas, bien sûr qu'on est revanchards envers nous-mêmes. Et on va essayer de le montrer.
Et de venir titiller le Stade Toulousain et l’UBB, les deux mastodontes depuis deux ans?
Honnêtement, sur les deux, trois dernières années, on ne peut pas se comparer à Bordeaux et à Toulouse. Nous, ce qu'on veut, c'est revenir au moins dans les discussions. L’année dernière, personne ne parlait de nous. À nous de travailler fort, d'être de nouveau un peu craint, au moins à domicile. De ne pas entendre dans la presse que les équipes veulent venir gagner à Deflandre. C'est quelque chose qui nous touche. Et ensuite, d'essayer de faire des déplacements avec une attitude au moins irréprochable.
On vous sait sensible à la question des cadences, régulièrement d’actualité dans le rugby. Le débat s’invite aussi de nouveau dans le football en ce moment, avec le cas du Paris Saint-Germain…
Le problème, il est persistant… Maintenant, ce qui me rend hors de moi et que je ne comprends pas, c'est quand je vois l'intelligence de l'EPCR de nous organiser un match chez les Stormers (le 13 décembre prochain, deuxième journée de Champions Cup, ndlr), pendant le Cape Town 7, qui nous fait décaler le match à Port Elizabeth… Je pense que pour des personnes qui sont censées réfléchir et penser aussi un peu à la sécurité des joueurs, je pense que ça aurait été mieux de faire une réception des Stormers un autre week-end, qu'on puisse jouer à Cape Town. Ça nous évite quand même deux, trois heures de trajet. Mais apparemment, ils n'apprennent pas de leurs erreurs. On va encore faire au mieux pour éviter de finir comme Toulouse, avec trois ou quatre mollets (blessés) après leur déplacement en Afrique du Sud. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise… C'est dingue quand même que ce soit encore nous qui trinquions pour des décisions idiotes.