Top 14 : "La Coupe du monde en ligne de mire" assure Antoine Dupont

Antoine Dupont - AFP
Comment vivez-vous tout ce qui vous arrive cette saison?
(sourire) Je le vis plutôt bien parce que c’est tout ce que j’ai toujours voulu. Je profite à fond de toutes les choses qui me sont arrivées cette année, qui sont des choses formidables. Donc voilà… je profite.
Est-ce qu’on s’habitue à cette soudaine médiatisation?
On s’habitue c’est sûr. On est peut-être plus regardé, plus analysé mais après ça ne me choque pas, ça ne me dérange pas plus que ça. Je lis, oui, je lis les articles quand je les vois mais après ça ne me perturbe pas donc pour le moment ça va.
De par vos origines (NDLR : Dupont vient du village de Castelnau-Magnoac, dans les Hautes Pyrénées. C’est là qu’il a débuté le rugby à l’âge de 4 ans), vous paraissez loin du star-system…
Je pense que c’est aussi notre nature, on a toujours été comme ça dans ma famille. C’est peut-être aussi dû au milieu d’où on vient, où on est plus tourné vers les valeurs humaines. Les stars de la télévision, ce n’est pas trop notre standing (rires)…
Est-ce que vous avez progressé cette saison?
Oui bien sûr, je suis plus à l’aise que lors de mes premiers matchs. Plus on joue, plus on acquiert de l’expérience. C’est plus facile de jouer après. En plus, cette année j’ai quand même plus de temps de jeu et j’ai eu l’occasion d’attaquer pas mal de matchs. Donc forcément on se sent plus à l’aise quand on est sur la feuille d’entrée.
Avec votre jeune âge, est-ce que les adversaires tentent de vous intimider sur un terrain?
Moi, je ne suis pas du genre à trop parler sur le terrain. Donc j’échange rarement à part si je les connais en face. Sinon, non. Pour le moment, je n’ai pas eu de vieux briscard qui m’a insulté ou qui m’a enfoncé la tête dans le sol… ça va pour le moment, j’y échappe ! (rires)
«Le projet sportif du Stade Toulousain m’a plu»
Vous avez participé au dernier Tournoi des 6 Nations (en Italie et face au Pays de Galles), que vous a apporté ce séjour en Bleu?
Peut-être ça m’a apporté un peu plus de confiance. De confiance en moi, de confiance sur mon jeu et après peut-être aussi sur mes partenaires, ça a eu peut-être une petite influence. Peut-être que maintenant… (il réfléchit) Je ne l’ai pas remarqué mais peut-être que maintenant ils m’écouteront un peu plus. Après sinon, je ne vois pas. C’est surtout de l’expérience personnelle et c’était quand même une jolie récompense.
Depuis tout petit vous supportez le Stade Toulousain. Est-ce que ça a été décisif dans votre décision de rejoindre ce club?
Oui, oui ça a sûrement joué et pesé dans la balance mais s’il n’y avait pas eu une opportunité sportive… Je n’y suis pas allé que parce que c’était le Stade. C’est sûr, ça tombait bien parce que c’était un club qui était particulier pour moi mais j’y suis surtout allé pour le projet sportif qui m’a plu. La ville, je me rapprochais de chez moi. C’était un tout mais ce n’était pas que pour ça et ce n’était pas la majeure partie de mon choix.
Vous allez devoir participer à la reconstruction du Stade Toulousain...
Oui, c’est sûr, ils sont dans une phase un peu compliquée mais je pense que le recrutement qui a été fait pour l’année prochaine est bon. Il y a pas mal de bons joueurs qui arrivent et avec tous les jeunes joueurs qui sont déjà en place au club, je pense, j’espère que ça va donner une bonne dynamique pour repartir sur de bonnes bases après les quelques saisons difficiles qu’ils ont eu.
Qu’allez-vous laisser derrière vous à Castres?
Beaucoup d’amis que je me suis fait sur ces trois années. Beaucoup qui sont partis, d’autres qui seront encore là. Après j’ai beaucoup de bons souvenirs: c’est là où j’ai démarré mes premiers matchs en pro, même si la saison a été compliquée. Mais la fin avait été heureuse car on se sauve juste sur les derniers matchs (NDRL : le maintien en Top 14 en mai 2015). Moi je n’ai jamais vécu de titre mais vivre un maintien, c’est quand même quelque chose de fort aussi. Après, la saison dernière a été tronquée pour moi car je suis parti à la Coupe du Monde des – 20 ans. Je n’ai pas pu finir la saison avec Castres et je n’ai pas pu goûter aux phases finales. Donc j’espère pouvoir finir cette année sur des phases finales et aller le plus loin possible.
«Christophe Urios m’a apporté ce côté humain dans le jeu qui lui est cher»
Quelle relation avez-vous avec Christophe Urios?
Je pense qu’elle s’est améliorée au fil du temps. Non pas qu’elle était mauvaise au début mais les consignes qu’il me donnait, ce qu’il attendait de moi, je ne tendais pas vers ça. C’était un peu compliqué. On n’était pas sur la même longueur d’onde. Du coup je n’avais pas trop de temps de jeu. Mais depuis le début de saison ça va mieux. Je ne jouais plus, il y a une période un peu difficile après ma signature. Il en a parlé dans la presse il y a peu. C’est vrai ce qu’il a dit, c’est ce que j’avais ressenti aussi. Il m’a un peu laissé dans mon coin. Moi je n’avais pas trop compris au début et donc du coup, ça s’était un peu ressenti après sur les matchs où j’avais peu de temps de jeu. Et quand j’en avais, j’étais peu efficace. Ça a été une période un peu compliquée mais c’est revenu dans l’ordre.
Que vous a-t-il apporté?
Il m’a apporté tout ce côté humain dans le jeu qui lui est cher. Et surtout à mon poste. Depuis le début, à chaque fois qu’on avait des entretiens, tous les points à améliorer étaient rarement techniques ou tactiques. Il me disait en gros que je savais jouer au rugby, que je comprenais le rugby mais pour mon poste, il fallait que je guide mes avants. Que je leur parle, que je sois prêt d’eux. Il faut que je les emmène. Et c’était toute cette partie-là où moi, je n’insistais pas vraiment dessus. Et si je me suis amélioré là-dessus aujourd’hui, c’est sûrement grâce à lui.
Quelles sont vos ambitions pour les années à venir?
Si je continue comme ça, ça sera très bien. Que je joue, que j’ai du temps de jeu en top 14… c’est sûr que maintenant que j’ai fait ces deux matchs avec l’équipe de France, forcément, ça reste dans la tête et on a envie d’y revenir. Même si on sait que c’est dur, qu’il faut travailler dur et faire de bons matchs avec le club. Mais maintenant, je pense que je suis obligé aussi de me fixer ça comme objectif.
La coupe du monde 2019 est-elle dans un coin de votre tête?
Maintenant que j’y ai été une fois, j’ai envie de continuer à y être… donc forcément, cette Coupe du monde, elle est un peu en ligne de mire pour tout le monde. Mais c’est encore du moyen terme. Ce n’est pas ma préoccupation de demain.
Christophe Urios, manager du Castres Olympique
« Effectivement, on a su voir très vite qu’il avait des qualités individuelles étonnantes, notamment d’explosivité, de vitesse, de robustesse aussi. Une forme de maturité aussi, assez étonnante. Par contre, je voyais un très grand inconvénient pour moi à son poste :, le problème de relation qu’il pouvait avoir. Problème parce qu’il n’échange pas beaucoup, il n’est pas proche des avants notamment. Pour son poste, c’était compliqué. Donc je me disais, ouais c’est un garçon qui a beaucoup de qualités et de talents mais est-ce que à ce poste-là, ça va suffire ? Donc depuis un an et demi maintenant, on travaille beaucoup avec lui sur son leadership. Parce que cette relation-là, par rapport à son poste, elle est essentielle selon moi. Donc ça c’est sa grande évolution. Aujourd’hui, il est plus à l’aise. Ce n’est pas encore un très grand leader, ce n’est pas encore un très grand communiquant mais il est plus à l’aise avec les gens, avec les avants. Donc au-delà de son évolution rugbystique qui lui incombe, parce que c’est un travailleur, il est en train de progresser de ce côté-là. Il faut maintenant qu’il apprenne à aboyer, à mordre… ou à embrasser. Tout ce qui fait que tu es un grand leader, que tu as une très bonne relation avec tes avants. Il a joué dans un club, Auch, où il y avait un maître à ce poste-là : Jacques Fouroux. Et dieu sait qu’il n’avait pas les qualités qu’a Antoine Dupont aujourd’hui. Mais par contre dans ce côté rassembleur, il était énorme. Et j’aurai voulu qu’Antoine aborde ça encore plus jeune. C’est vrai pour lui, mais aussi pour beaucoup de nos jeunes dans notre formation française. On ne l’aborde pas beaucoup. Et à ces postes-là, c’est essentiel. »