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XV de France: Dupont, Ntamack, nouvelles têtes de gondole du rugby français?

Les deux internationaux Antoine Dupont et Romain Ntamack brillent sur le terrain depuis plusieurs mois. Leurs performances ont elles des répercussions commerciales en dehors? Peuvent-ils être les étendards d’un rugby qui n’a jamais aimé mettre des individus en avant? A trois ans de la Coupe du monde, l’enjeu est pourtant fort.

Est-ce le moment de trouver des successeurs à Sébastien Chabal et Frédéric Michalak, les deux rugbymen français les plus connus du grand public mais pourtant à la retraite depuis respectivement six et deux ans? Ils ne font pas (encore?) comme leurs glorieux aînés la une du journal de 20h de TF1 ou des défilés de mode, mais Antoine Dupont et Romain Ntamack ont le profil pour devenir les icônes du rugby français et donc, d’attirer les annonceurs. D’ailleurs, leurs performances XXL depuis des mois ont elles d’ores et déjà attiré les marques? "On ne peut pas encore parler d’effervescence" explique Christophe Quiquandon, fondateur de l’agence marketing Bros, qui s’occupe d’Antoine Dupont et dont ce dernier est, comme d’autres sportifs de haut-niveau, actionnaire.

"Il y a évidemment un laps de temps de processus de décision, surtout par les temps qui courent, poursuit-il. Mais on sent quand même qu’il y a une dynamique". Même en ces temps de pandémie, où le "budget image" est plus restreint. Selon nos informations, les deux joueurs arrivent à gagner environ 10% pour Dupont et jusqu’à 20% pour Ntamack de leur rémunération globale grâce à la publicité. Mais de la même manière qu’ils ont traversé comme des comètes le paysage du rugby français, de leurs premiers pas jusqu’au Bouclier de Brennus en passant par le niveau international, ils sont en pleine "mue" en terme de communication.

Antoine Dupont, enfant de Castelnau-Magnoac entre Hautes-Pyrénées et Gers, est très soucieux de ses racines et de l’image qu’il peut renvoyer. Mais il doit maintenant aller au-delà des deals commerciaux qu’il pouvait passer à ses débuts. De simples accords avec "Léon et Marcel", une entreprise qui fournit des plats préparés en circuits courts (avec un vrai lien envers les producteurs et une authenticité des produits, labélisés ou bio, qui lui était cher) à des contrats avec des marques internationales comme Land Rover, Adidas ou les montres Bell and Ross. Sans se renier, il faut explorer.

"Superman sur le terrain, Clark Kent dans la vie"

"C’est une personne authentique, explique Quiquandon. Il a donc besoin d’un tout petit peu de temps pour donner la pleine mesure de sa personnalité. Mais il est malin, espiègle et très curieux du fonctionnement de ce monde-là. Et on ne construit pas un personnage. Le sien a déjà beaucoup de valeurs". Où les marques viendront encore chercher de la normalité chez les rugbymen. "Pour elles il y a le double message d’être à la fois le super-héros sur le terrain et le mec bien et très simple, le Clark Kent dans la vie. C’est intéressant, un peu comme un contre-pied au football. Mais Antoine pourrait vous surprendre à l’avenir."

En tous cas, les deux ont compris depuis longtemps le vecteur que représentent les réseaux sociaux et n’hésitent pas à toucher directement leur public grâce à eux. 163.000 abonnés pour Dupont sur Instagram, 189.000 pour Ntamack, c’est encore à des années lumières d’un Kylian Mbappé (plus de 46 millions!), mais ces deux joueurs ont un potentiel encore à polir. Pourtant, quand on est le fils d’un international comme Ntamack, que le père, Emile, a été un des premiers rugbymen à lancer sa marque de vêtements, la réflexion est limpide. "Il faut savoir toi ce que tu veux faire argumente Emile. Ne pas être un homme publicitaire, savoir ce qui t’intéresse et savoir écouter. Et les choix seront faits. Forcément, il est sollicité. Mais ce que je dis à Romain, c’est de comprendre que tout ça vient dans un second temps. Le terrain doit être prioritaire."

Pour autant, ce gamin de 20 ans sait ce qu’il veut. Belle gueule, tête bien faite, silhouette athlétique et, comme son collègue Dupont, pas un mot qui ne dépasse. Tout ça a de quoi attirer. "Ses dernières performances lui permettent une certaine exigence", explique l’agent sportif Stéphane Dray. Romain Ntamack est devenu ambassadeur monde chez Adidas et il est, depuis peu, le premier athlète d’un sport collectif à avoir été choisi par la marque de montre GPS de course Garmin. Et ce pour les trois prochaines années. "Chez Garmin, ils n’étaient pas du tout positionnés sur les sports co, ajoute Dray. Plutôt sur des sports type triathlon, running et cyclisme. Et ils ont essayé d’innover et c’est la performance de Romain qui a été mise en avant. Avec une part d’élégance car c’est une marque qui a voulu développer des montres plus "casual", axées sur la ville. Et Romain correspondait parfaitement à ce mix entre la performance et l’élégance."

Le rugby toujours loin du foot

D’autres, comme Eden Park ou Red Bull pourraient suivre. A trois ans de la Coupe du monde que la France va jouer sur son sol, l’enjeu est grand. "C’est un tournant à ne pas rater, assure Christophe Quiquandon. Il y a un alignement des planètes avec cette étoile du nord qui est la Coupe du monde en France et les bonnes performances du XV de France, l’émergence de figures comme Antoine et Romain qui incarnent la bonne dynamique. Au moment où le sport Français a besoin d’énergie, peut-être un peu d’alternative au "tout football". Comme un contrepoids, mais il faut juste lui donner un sentiment et une tonalité plus contemporaine."

Moderniser son image et ainsi attirer de nouveaux licenciés qui voudraient marcher dans les pas de leurs idoles. Le rugby sera toujours loin du foot (on parle d’un rapport de un à dix actuellement en moyenne en terme de revenus publicitaires pour certains joueurs) mais il doit profiter de cette vague. "On a l’exemple vivant de Sébastien Chabal, souligne Emile Ntamack. Son déploiement médiatique a fait faire un bond en avant au rugby. Au-delà des prestations sur le terrain et c’est tant mieux. Et c’est aujourd’hui un personnage public, il peut donner son avis. C’est un bien pour le rugby." Sans barbe ni cheveux longs, Dupont et Ntamack ont l’héritage entre leurs mains. A eux de bien l’exploiter.

Wilfried Templier