XV de France: "Je restais trop passif", avoue Poirot, désormais vice-capitaine des Bleus

Jefferson Poirot, est-ce une revanche pour vous et le groupe de disputer un quart de finale la semaine prochaine après avoir été beaucoup critiqués ces derniers mois?
Oui, forcément une petite revanche, il y a aussi beaucoup de supporters. Moi ce que je retiens, c’est qu’il y a eu beaucoup de supporters dans les stades, cela voulait dire qu’ils y croyaient, sinon ils ne seraient pas venus jusqu'au Japon. Mais c’est vrai que médiatiquement on n’avait pas forcément la cote. Pour nous, c’est plaisant. On est à notre en place en quart de finale. Cela nous enlève une certaine pression. Maintenant, c’est du bonus, et une ambition personnelle. Jusque-là, nous étions entre guillemets chassés par des nations comme les Tonga et les Etats-Unis, qui pensent que nous pouvons être fébriles sur ces matchs-là, et maintenant on passe à chasseurs. Ce sont des situations que l’on préfère.
Ne devriez-vous pas faire abstraction de ce qui se dit dans les médias ou sur les réseaux sociaux?
Je pense que nous avons bien réussi à faire abstraction parce que tous ces éléments nous ont quand même renforcé. On aurait pu s’écrouler sur un match contre l’Argentine (23-21) avec toute cette pression médiatique, et on ne l’a pas fait. Nous sommes parvenus à nous mettre dans nos bulles et à nous appuyer sur les certitudes que nous avons acquises lors des matchs de préparation de cet été.
Jusqu'où pouvez aller désormais?
Quand on a débuté la compétition, tout le monde était d’accord pour dire que l’objectif était bien sûr de la gagner mais avec également des objectifs intermédiaires, c’est-à-dire gagner le match contre l’Argentine et sortir des poules.
Etes-vous d’accord si on vous dit que ça ne passera pas dans la suite de la compétition si vous n’élevez pas votre niveau?
Oui, on est d’accord. On connaît nos forces mais aussi nos failles. On sait qu’on n’aura pas le droit à un passage à vide aussi long que face aux Etats-Unis (33-9) et aux Tonga (23-21). Mais on sait aussi que nous avons parfaitement maîtrisé le plan et la structure en début et en fin de match. Contre l’Argentine, nous avons réussi à mettre à mal cette équipe durant 40 minutes. Le but est de le faire plus longtemps et de minimiser les passages à vide.
Quel regard portez-vous sur le pays de Galles qui vous avait battus lors du Tournoi alors que vous meniez largement à la mi-temps ?
C’est une équipe qui n’a pas forcément changé depuis le Tournoi. Elle a fait le Grand Chelem, elle n’avait pas grand-chose à changer. En mêlée c’est costaud avec un droitier (Tomas Francis) déterminant. Ça sera notre gros combat de dimanche.
A titre individuel, vous avez pris une nouvelle dimension ces derniers mois en équipe de France. Qu’en pensez-vous?
Le fait d’avoir intégré un groupe autour de Guilhem (Guirado) m’a fait grandir aussi et m’a fait prendre conscience que je devais prendre aussi des responsabilités. En discutant avec des joueurs d’expérience de ce groupe, ça m’a fait grandir. C’est là que j’ai peut-être passé un cap, comme d’autres joueurs, mais il faut qu’il y en ait le plus possible dans ce cas-là.
Est-ce important pour vous d’avoir pris ces responsabilités?
Oui, c’est avant tout important pour l’équipe d’avoir beaucoup de personnes pour relayer le message. C’était aussi important pour moi car je ne pouvais pas rester dans cette situation. Ça faisait trois ans que j’étais en équipe de France et je restais encore trop passif. La défaite en Angleterre, en février dernier, m’a fait sortir de ma zone de confort. Il a été question de s’épauler un peu plus les uns les autres.
Avez-vous été agacé par le débat autour du capitanat?
Ce n’est pas que ça m’agace. Mais pour nous les joueurs, c’est clair et il n’y a pas de débat. Ça s’est étalé en longueur médiatiquement mais pour nous il n’a jamais été question d’un changement de capitaine. Nous avons toujours été clairs sur ce sujet. L’idée était plutôt de s’épauler et d’apporter un plus à l’équipe. C’est ce qui a fonctionné sur ce début de compétition avec trois capitaines différents (Guirado contre l’Argentine, Picamoles contre les Etats-Unis et Poirot contre les Tonga) et trois résultats favorables.
"Guilhem (Guirado) est libéré"
Comment sentez-vous Guilhem Guirado depuis le début de cette Coupe du monde?
On le sent assez libéré. Il vit sa troisième Coupe du monde. C’est honorable, une très grande carrière. On le sent aussi libéré parce qu’il a des mecs avec qui il peut travailler. J’ai un grand respect pour lui parce que pendant quatre ans ça a été dur, avec pour la première fois un changement de staff. Aucun capitaine n’a vécu ça. Il a réussi à tenir le navire, c’est beau.
Lui comme d’autres sont malheureusement associés à la défaite en équipe de France?
Lui et une génération. J’en fais partie aussi. C’est aussi un système qui a été remis en cause. Comme je l’ai dit, il y a eu un changement de staff. Nous avons remis des choses en place. C’est compliqué. Malgré tout, nous sommes en quart de finale, nous ne sommes pas morts, ni à jeter.
Cette accumulation de défaites est-elle décourageante?
(Sourire) Parfois, c’est hallucinant. Depuis quatre ans, on a connu énormément de scénarios catastrophes et des défaites encourageantes. Je n’imagine même pas ceux qui sont là depuis dix ans. Mais décourageant non. Quand je tourne la tête et que je regarde les joueurs avec qui je suis ici, je me dis que ça va tourner à un moment. C’est sûr et certain. Nous avons des joueurs à très gros potentiels et qui l’ont montré sur la compétition, comme Damian Penaud pour ne citer que lui.
Avez-vous mal vécu le discours de certains affirmant qu’il fallait faire une croix sur 2019 pour se concentrer sur 2023?
C’était vraiment le discours, c’est pour ça que je dis que nous avons été assez forts pour nous mettre dans notre bulle. Mais oui, ça nous a agacés. Des anciens joueurs ont connu ces situations et se sont permis de dire ça alors qu’il y a eu des périodes où ils n’étaient pas meilleurs que nous. Et ils s’en sont sortis et ont fait de belles Coupes du monde. J’ai trouvé beaucoup d’anciens joueurs pessimistes alors qu’ils ont été à notre place. Mais on s’en est servi pour être là.
Rêvez-vous parfois de soulever la Coupe du monde?
Je n’en rêve pas la nuit mais je n’imagine pas rentrer dans une semaine. J’ai du mal à me dire que je peux être à la maison la semaine prochaine.