DIRECT. Oudéa-Castéra devant l'Assemblée nationale: "Signaler des dérives, c'est une obligation morale, pénale", rappelle la ministre des sports

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C'est la fin de l'audition de la ministre des sports
L'audition d'Amélie Oudéa-Castéra dans le cadre de la commission d'enquête sur les dysfonctionnements au sein de plusieurs fédérations sportives a duré plus de trois heures.
Durant ce laps de temps, la ministre des sports a rappelé qu'il y avait eu "des dérives inacceptables" et réaffirmé que l'Etat prenait ses responsabilités, prônant "la tolérance zéro". Discriminations, actes homophobes, racisme, violences sexistes et sexuelles... La ministre a détaillé les mesures de prévention existantes ayant été ou allant être renforcées. "Signaler, ce n'est pas une option, c'est une obligation morale, pénale", a-t-elle rappelé.
Un plan d'action pour l'Insep attendu avant la fin d'année
L'Insep, le seul organisme public placé sous le contrôle du ministère des sports. Des violences sexistes et sexuelles sont remontées. Une lettre a été envoyée par la ministre des sports au directeur le 11 octobre et deux athlètes, Claire Palou et Emma Oudiou, ont été auditionnées début septembre par la commission d’enquête sur les dysfonctionnements des fédérations dans le sport.
"Je ne comprends pas pourquoi la commission de discipline, dans l'affaire Claire Palou, n'a pas été saisie. Il y a eu un manquement et des dysfonctionnements. Le plan d'action du directeur général est attendu dans les toutes prochaines semaines, avant la fin de l'année."
"Signaler, ce n'est pas une option, c'est une obligation morale, pénale"
Des personnes informées mais qui n'ont rien signalé, que deviennent-elles ?
"Une enquête judiciaire est en cours, ce sont des personnes qui peuvent être auditionnées encore. J'espère que ces précédents nous rendront tous meilleurs collectivement. Signaler, ce n'est pas une option, c'est une obligation morale, pénale même quand il s'agit de mineurs. C'est l'article 40. Quand on est président de fédération, à la tête d'une délégation de service public, c'est une obligation de signaler. Une obligation de signaler vers les préfets et les ministères. Il n'est jamais trop tard pour se réveiller. Je veux lancer un appel à tous ceux qui ont vu des choses et ont des suspicions de le signaler. Signaler c'est sauver des vies."
Noël Le Graët, "un dirigeant hors-sol" pour Oudéa-Castéra
"Il m'a suffi de voir la prise de parole de Noël Le Graët et le coup de peinture sur les travailleurs migrants au Qatar pour comprendre qu'on avait un dirigeant hors-sol. Ensuite, il a fallu du temps pour que les victimes se saisissent de la parole et mettent des mots sur ce qu'il s'est passé. Je suis restée à ma place, j'ai laissé les autorités prendre leurs responsabilités. La justice rendra ses conclusions quand elle sera prête. Les instances, le conseil d'éthique, le monde du foot ont ensuite souhaité le départ de Noël Le Graët."
Oudéa-Castéra veut plus de reconnaissance pour les acteurs bénévoles
"Je veux que les bénévoles partout en France aient la reconnaissance de leur action, que les comptes personnels de formation tiennent compte de cela. Les bénévoles ne le font pas pour l'argent, mais au service du sport. Un des progrès essentiels que notre société doit faire, c'est une reconnaissance plus juste du bien commun de la part des différents acteurs."
"Oui, j'ai renoncé aux deux tiers de ma rémunération pour ma passion pour le sport"
"Vous voulez des précisions sur mes revenus précédents ? Mon Salaire chez Carrefour, où j'occupais le poste de directrice e-commerce, data et transformation digitale du groupe, était au global, tout compris, de 1,4 million par an au maximum. (400 000 euros brut, 400 000 euros fixe et une dotation d'action en performance d'environ 600 000 euros).
À la Fédération française de tennis, en tant que directrice générale, on m'a proposé en mars 2021 un salaire fixe de 400 000 euros brut et un bonus pouvant aller jusqu'à 100 000 euros. Soit 500 000 euros au maximum. C'est un coefficient de un à trois par rapport à ce que je touchais à Carrefour.
C'est déclaré page 4 de ma déclaration d'intérêt, dans ma déclaration de patrimoine également. Mes déclarations de salaires le sont en net. J'ai refait à l'euro près mes calculs, ces déclarations sont parfaitement exactes. J'ai renoncé aux 2/3 de ma rémunération pour ma passion pour le sport."
"Quand quelque chose de trop grave s'est produit, il n'y a plus de licence possible"
"Le message qu'il faut faire passer aux fédérations via ce contrôle d'honorabilité, c'est que quand quelque chose de trop grave s'est produit, il n'y a plus de licence possible. Il ne faut plus une seule brèche dans ce système."
"Encore du travail sur les VSS au niveau de la FFF"
Rien dans le contrat de la FFF sur des indicateurs concernant les violences sexistes et sexuelles ?
"Trois documents concernent l'engagement des Fédérations : les projets sportifs fédéraux, les projets pluriannuels de performance et un document étayant le respect des principes fondamentaux de la République, mis en place par Maracineanu. Je ne dis pas qu'il ne faut pas renforcer certaines missions de délégations. On voit là où il y a un nombre anormalement bas de signalements par rapport au nombre de licenciés. On a les éléments, ce qu'il faut c'est pousser plus fort et ne rien lâcher. Il y a encore du travail au sein de la FFF et des conseillers techniques sportifs au niveau du temps accordé à la formation aux violences sexistes et sexuelles (VSS), ils le savent car ils partent de loin."
"Nos fédérations savent ce qu'elles ont à faire"
Pour suivre le travail des fédérations, il faut des indicateurs précis. Des clauses d'éthique, de respect dans les conditions de délégations aux fédérations ?
Amélie Oudéa-Castéra : "Me dire que dans le sport français il n'y a pas assez d'indicateurs, c'est faux. Il y en a beaucoup et ils sont publics. Tout ce qu'on veut factualiser, on le peut. Des audits, une cartographie des risques pour pouvoir suivre tout cela dans le temps... Nos fédérations savent ce qu'elles ont à faire. Former des champions, développer la pratique et être irréprochable au niveau éthique (discriminations, antisémitisme, racisme, dopage...). Quand on veut emmener un sujet au niveau auquel le législateur l'a placé, on a tous les leviers pour le faire."
Inventer une forme "d'impeachment" de certains présidents de fédérations ?
"Il faut un dialogue serré, exigeant, précis, s'appuyant sur des chiffres, une cartographie des risques selon les fédérations. Que l'on manie aussi des éléments avec l'Agence nationale du sport (ANS) qui peuvent permettre, parfois, d'accorder ou non certaines subventions, avant d'actionner le bazooka des retraits de délégations. J'active le système, avec des audits nombreux. S'il faut renforcer les choses, inventer une forme "d'impeachment" de certains présidents de fédérations, dans les cas les plus graves, quand les fédérations sont bloquées, peut-être qu'il faut créer ces formes de rappel. "Un Etat qui tient tout son rôle, et une autonomie des fédérations", c'est ce que disait le Général de Gaulle. Les fédérations ne sont pas indépendantes, elles sont autonomes. C'est un bon système, celui qui permet par exemple à la France d'être l'un des meilleurs pays du monde en termes de sports collectifs. Ceux qui ne veulent pas y participer, il faut aller les chercher. Cela vaut également pour la lutte contre le racisme."
Oudéa-Castéra: "Il faut que l'action de prévention soit la plus efficace possible"
La rapporteure : "Des dirigeants qui ne connaissent pas les dispositifs, les articles, ne signalent pas ou ne font pas remonter, ne signalent pas les dysfonctionnements... il ne faut rien minimiser. Quels sont les leviers de votre ministère pour y remédier ?"
Amélie Oudea-Castéra : "je pense que dans les auditions - je les ai lues à 96% - il y a eu parfois des caricatures, je ne minimise rien. Maintenant est-ce qu'il faut changer les choses ? Bien sûr, sinon on ne serait pas là. Le contrôle d'honorabilité, embarquer toutes les fédérations là-dessus, avoir des formations... Il faut que l'action de prévention soit la plus efficace possible. Je ne peux pas être plus alliée à ce que vous dîtes. Je suis même prête à aller plus loin, à interdire aux violeurs de remettre les pieds dans un club de sport. On me répond que c'est du registre de la liberté individuelle de permettre aux gens de reprendre une licence dans un club sportif. À titre personnel, est-ce que je suis prête à les revoir dans une structure sportive ? Pas tellement, non."
Pas assez de comité d'éthique dans les Fédérations ?
"Sur l'ensemble des 86 fédérations, nous n'en avons plus que deux qui n'ont pas de comité d'éthique. Je réponds à David Lappartient que nous ne sommes pas à 17% mais à 2,5%."
Oudéa-Castéra: "Faire jouer aux instances tout leur rôle"
Oudéa-Castéra: "Le meilleur service à rendre aux Fédérations est d'éxiger d'elles qu'elles aillent au bout de leur responsabilité. On va au bout de la procédure disciplinaire, on ne se contente par de muter une personne accusée de violences sexuelles ou sexistes. (...) Il y a eu trop de crises pour qu'il n'y ait pas le besoin d'aborder ces choses-là. La priorité est de faire jouer aux instances tout leur rôle."
Oudéa-Castéra sur les actes homophobes: "On va continuer car ce n'est pas possible"
Amélie Oudéa-Castéra: "Comment renfocer notre lutte contre les actes discriminatoires, notamment les actes homophobes ? J'agis, il y a des protocoles, y compris par la FIFA et l'UEFA, qui ont pris un certain nombre de règles. J'ai pris fermement position lors d'un funeste dimanche soir au Parc des Princes, j'ai appliqué ces protocoles. Combien de gens m'ont ri au nez ? Je ne vais rien lâcher, je vais continuer à faire remonter les signalements sur la feuille de match, prendre contact avec les clubs pour leur demander de prendre position. On va continuer car ce n'est pas possible."
Sur les attaques de l'association Rouge Direct: "Qu'est-ce qui s'est passé lors des évènements récents ? Pour la première fois, on a fait un courrier avec quatre signatures pour exiger des présidents de club qu'ils agissent. J'ai eu le malheur de dire que des ateliers de sensibilisation allaient être utiles... Qu'est-ce qui m'est reproché ? D'avoir rajouter ce levier en plus de reste ? C'est en additionnant ces leviers qu'on arrive à éradiquer ces actes discriminatoires."
Signal-Sports étendu à d'autres discriminations ?
Amélie Oudéa-Castéra: "Mon sentiment est que l'action du défenseur des droits et des tribunaux permet d'absorber le flux en la matière dès lors - et j'insiste sur le 'dès lors' - que les instances disciplinaires exercent jusqu'au bout leur responsabilité. L'urgence de Signal-Sports est d'aller au bout sur le sujet des violences sexuelles et sexistes."
"Lorsque les autres discriminations nous parviennent, nous ne les laissons pas de côté. Mais il faut mettre des priorités sur les priorités. Les violences sexistes et sexuelles doivent rester la priorité dans le traitement. C'est d'abord les instances disciplinaires et la justice qui doivent être mises le plus en avant possible."
"J'assume que la priorité de Signal-Sports soit les violences sexuelles et sexistes, car le sujet est l'omerta. Quand il y a des cris de singe ou des insultes homophobes dans un stade, tout le monde l'entend, il n'y a pas le besoin de le révéler. (...) Sur ces sujets, nous n'avons pas besoin d'outils mais de sursaut."
Oudéa-Castéra sur le développement de la plateforme "Signal-Sports"
"Pour accélérer sur la visibilité de Signal-Sports, notre site internet a été complètement modifié, avec un encart en haut à droite. Ces actions sont venues renforcer des premières mesures qui avaient été prises. J'ai jugé qu'il était de mon devoir d'écrire une lettre au directeur général de l'Insep, ce que j'ai fait le 11 octobre dernier, pour que la communication sur l'existence de cette plateforme puisse être renforcée. J'ai souhaité engager une vaste campagne de communication qui s'enclenchera au début de l'année 2024 et se traduira notamment par la diffusion de contenus sur les réseaux sociaux."
"S'agissant les moyens, j'ai demandé et obtenu des effectifs supplémentaires. Un certain nombre de ces emplois ont été pourvus. Je crois aujourd'hui que la cellule Signal-Sports a désormais les moyens de tenir sa mission correctement. L'existence de cette plateforme est une force du sport français."
Oudéa-Castéra: "Je continuerai à regarder en face tout ce qui mérite d'être corrigé et réparé"
Oudéa-Castéra: "Sur le plan de la gourvenance, une réforme importante a été opérée avant mon arrivée en 2022. J'ai accompagné chacune des fédérations dans la mise en oeuvre effective de ces mesures. Lors des crises que j'ai eu à traverser, je suis intervenue à chaque fois pour rappeler au bon fonctionnement éthique et démocratique. Nous en avons collectivement tirer des expériences. Ces crises de nature et de causes diverses m'ont condutite à intervenir sur le renforcement de l'éthique et de la vie démocratique. (...) Je continuerai à regarder en face tout ce qui mérite d'être corrigé et réparé."
Oudéa-Castéra: "On n'est pas au bout du chemin"
Oudéa-Castéra: "Bien sûr, on n'est pas au bout du chemin. Le travail doit se poursuivre. Il y a des axes prioritaires: marteler l'obligation de signalement, responsabiliser en ce sens chaque acteur de la scène, mieux faire connaître le canal de 'Signal Sport', continuer à sécuriser l'articulation entre les procédures, parachever le système de contrôle d'honorabilité et enfin mieux accompagner les victimes."
Oudéa-Castéra: "Tolérance zéro"
Oudéa-Castéra: "L'Etat a pris ses responsabilités et, depuis 2020, les gouvernements se sont mobilisés comme jamais sur ces sujets. Une véritable révolution a été opérée entre 2019 et 2022. Dès mon arrivée, j'ai fait mien ce combat avec une ligne claire: tolérance zéro. J'ai fait preuve d'une fermeté totale lors des situations de crise dans les Fédérations, notamment la plus puissante d'entre elles, la FFF."
Oudéa-Castéra dénonce "des dérives inacceptables" dans le monde du sport
Oudéa-Castéra: "Les témoignages que vous avez recueillis renforcent ma conviction: le sport est la source de dérives qui sont inacceptables. Pour mettre un terme à ces violences et ces dérives, nous devons rassembler les forces vives, appeler chacun à prendre ses responsabilités."
C'est parti pour l'audition d'Amélie Oudéa-Castéra
La ministre des Sports va s'exprimer devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale.
Bonjour à tous
Bienvenue sur le site et l'application de RMC Sport pour suivre l'audition d'Amélie Oudéa-Castéra devant l'Assemblée nationale. La ministre des Sports est attendue à partir de 15h30 dans le cadre de la commission d'enquête sur les dysfonctionnements au sein de plusieurs fédérations sportives. Avant elle, Didier Deschamps, Noël Le Graët, Lilian Thuram ou encore Laurent Blanc sont notamment passés devant cette commission.