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Coupe du monde: qui est le patron du biathlon français?

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Après une saison 2018\/2019 décevante pour Martin Fourcade, qui a permis à d'autres Français de prendre la lumière, la question du leadership se pose pour les Bleus. Début de réponse ce dimanche pour la première épreuve individuelle de la saison de Coupe du monde de biathlon à Ostersund en Suède.

Six Français seront au départ du sprint ce dimanche à Ostersund en Suède, première épreuve individuelle de cette saison de Coupe du monde de biathlon. Le contingent tricolore s'apparente à une "dream team": quatre ont terminé dans les 12 premiers du classement général de la Coupe du monde la saison dernière.

Si tous les regards sont encore rivés sur Martin Fourcade, septuple vainqueur consécutivement entre 2012 et 2018 du gros globe de cristal, l'homme de 31 ans a laissé sa couronne au Norvégien Johannes Boe en 2019 après une saison cauchemardesque. Et ses camarades de l’équipe de France en ont profité pour s’émanciper. Quentin Fillon-Maillet a décroché sa première victoire en Coupe du monde et a terminé premier Français au général avec une troisième place. Le toujours régulier mais jamais médaillé en individuel Simon Desthieux est lui enfin monté sur un podium et a terminé quatrième du général. Enfin le vice-champion du monde Antonin Guigonnat était jusqu'à la dernière course dans le top 10 avant de prendre une 11e place au général juste devant Martin Fourcade. De quoi rebattre les cartes en équipe de France ?

"Martin reviendra au meilleur niveau, on le connaît" 

"C’est qui le patron ?". La question a bien fait marrer les deux chambreurs en chef Antonin Guigonnat et Emilien Jacquelin. Ils ont passé leur été à taquiner Quentin Fillon Maillet et Martin Fourcade sur la place de leader des Bleus. "On disait que Martin perdait son statut de leader incontesté et que Quentin avait bien envie de le convoiter, rigole Guigonnat. On a bien charrié mais je pense que c’est resté bon enfant." 

"C’est un très mauvais perdant Martin, renchérit Jacquelin. Il veut rester le numéro 1 français et surtout redevenir le numéro 1 mondial, retrouver sa place, c’est ça qui l’anime." Il faut dire qu’ils avaient en face deux bons clients. Deux gros caractères. "Martin aime beaucoup ce statut donc il a envie de le garder, détaille Fillon-Maillet. On se charrie par rapport à ça, mais ce n’est pas du tout mon but d’être le leader de l’équipe, les choses se font naturellement." Simon Desthieux observe lui la situation avec détachement: . "Ça n’a rien changé, je pense que Martin reste le leader incontesté et on a énormément de respect pour ce qu’il a toujours fait. Je parle de lui comme s’il n’était plus là (rire)… Mais il est toujours là ! Et il reviendra au meilleur niveau on le connaît. Il a vécu une saison blanche mais ça n’a rien changé dans notre équipe. Les choses se font naturellement et ça se passe très bien."

"Dans un troupeau de vaches, il y a toujours un guide"

La question du leadership dans un groupe où tous les athlètes peuvent potentiellement monter sur un podium, et quatre peuvent même le faire régulièrement n’est pas si anodine que ça. "Dans un troupeau de vaches il y en a une qui guide. C’est plus simple, image Antonin Guigonnat. Il est toujours leader dans le groupe et l’ambiance de groupe. Et c’est quelque chose qu’il aura toujours, cette faculté à être leader et pas seulement dans les résultats sportifs. C’est quelqu'un qui est bon pour guider un groupe tout simplement."

Vincent Vittoz, débarqué à la tête du groupe la saison dernière, n’a pas observé de changement dans les comportements. "Il a ce tempérament de leadership, revient Vittoz sur Fourcade après la saison manquée de son leader. il ne l’a pas perdu même son hiver dernier était en dedans. Il reste meneur du groupe dans beaucoup de situations." Et l’ancien champion du monde de ski de fond avec son staff fait en sorte que tout se passe bien dans un groupe qui va passer 5 mois d’hiver ensemble, et qui a déjà transpiré tout l’été, minimum deux semaines par mois en regroupement. Ensemble. Vie en chalet, sorties de ski communes en laissant la carabine de côté pour ne pas se concentrer sur soi, le staff reste vigilant. "C’est un équilibre, c’est sûr qu’il y a des forts tempéraments qui se dégagent, reconnaît Vittoz. Plus la compétition arrive et plus chacun va se recentrer sur soi, mais ça c’est normal. On doit simplement faire en sorte de canaliser le côté excessif s’il doit apparaître pour continuer de bien vivre ensemble."

"Il n’y a pas de tension" 

Et pour reprendre un poncif affreusement usité du sport: le groupe vit bien! "On a tous compris que le fait que le groupe marche bien ça nous aide tous plus que le fait de mettre de l’énervement, abonde Quentin Fillon-Maillet. Quand on a des choses à dire, on se les dit, je ne dis pas qu’il n’y a jamais de disputes mais les choses sont réglées et il n’y a pas de tension. Et je trouve qu’il y a une bonne amitié entre nous. Et quand je dis amitié, ce n’est pas juste des collègues de travail, on partage des émotions ensemble."

"Ça reste très sain parce que Martin est encore le leader incontesté de par son palmarès, rappelle Guigonnat. Avec Quentin et Simon on a montré qu’on était parfois capable de le battre et de faire des podiums en Coupe du monde, mais ça ne se tire pas dans les pattes, c’est très sain. On fait un sport tellement dur, exigeant et surtout parce que c’est très facile de rater une balle au tir. Forcément même s’il y a des ego parce qu’on est des champions, le biathlon amène une modestie parce que c’est vraiment trop facile de rater une balle… On se comprend quoi."

"Attentif tout au long de ma carrière à laisser de la place pour tout le monde"

Le boss, Martin Fourcade toujours donc, a vécu un passage de témoin tendu en 2010 à l’époque avec Vincent Jay. Il reste attentif. "Mon absence a ouvert des portes et leur a permis de s’exprimer, reconnaît Fourcade, là où avant ils étaient peut-être un peu oppressés par ma présence. Dans la vie de groupe je n’ai pas l’impression que ça ait changé des choses dans le sens où je pense avoir été très attentif tout au long de ma carrière à laisser de la place pour tout le monde, sachant que j’en prends déjà assez d’un point de vue médiatique pour ne pas en rajouter dans la vie de groupe. La hiérarchie, ou plutôt les rapports humains dans le groupe sont sensiblement les mêmes que ce qu’ils étaient l’an dernier." 

Si la méforme de leur leader n’a pas modifié l’ordre des choses du groupe, certains se sont un peu plus affirmés comme Quentin Fillon Maillet. "Je me sens plus apte et plus mature pour prendre des décisions par rapport au groupe que ça ne l’était les autres années, admet 'QFM'. Légitimement par rapport à mes résultats."

Mais ce pas de côté au niveau sportif a-t-il permis à ses coéquipiers de se dévoiler ? C’est la poule et l’œuf… "Quelque part, ça nous a peut-être permis de nous dévoiler que Martin n’ait pas été au top de ce qu’il a pu faire les années d’avant, tente d’analyser Simon Desthieux. Mais ça on ne le saura jamais parce que en fait aussi bien on arrive dans nos plus belles années avec Quentin et Antonin. On n’en sait rien en fait finalement."

"Battre Martin, ça légitime nos performances" 

L’ombre du quintuple champion olympique ne pèse en tout cas toujours pas trop sur ses camarades. "Nous, on a juste envie de le battre parce que battre Martin Fourcade, c’est tellement une légende que ça crédibilise nos performances, clame Antonin Guigonnat. Ça nous met en valeur. Et en tout cas moi je ne me sens pas du tout dans l’ombre de Martin Fourcade, je me sens à côté de lui et dans la lumière qu’il a réussi à attirer sur ce sport qui est à la base un sport confidentiel. Déjà le ski en France c’est restreint… Alors quand on y ajoute une carabine dans le dos et du tir à 50m, on n’est plus beaucoup."

Stéphane Bouthiaux, ancien entraîneur de l’équipe et aujourd'hui patron du ski nordique à la FFS se régale de les voir évoluer avec un peu plus de recul. "C’est clair que le groupe vit très bien aujourd'hui. Des gros potentiels il y en a au moins quatre plus deux jeunes qui ont les dents. Chacun doit faire avec les ambitions des autres, analyse Bouthiaux. Et je pense que plus il y a de gens ambitieux et surtout qui sont ambitieux légitimement et mieux c’est. Ils se tirent la bourre tous les jours ensemble à l’entraînement et c’est vraiment un groupe de très haut niveau. Et ça ne peut que pousser l’ensemble du groupe vers le haut y compris Martin." Et continuer de faire de la France, la meilleure nation du biathlon mondial chez les hommes.

Julien Richard