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Boxe: Christian Mbilli, à quand la chance mondiale?

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Opposé au dangereux Carlos Gongora la nuit prochaine à Montréal, son camp de base, Christian Mbilli continue sa route vers son rêve de ceinture mondiale chez les super-moyens. Toujours invaincu après vingt-trois combats, le Français se rapproche peu à peu des grands noms de la catégorie. Mais qu’est-ce qui le sépare encore de ces gros combats? Eléments de réponse.

"Dans tous les cas, je serai champion du monde". Christian Mbilli n’est pas du genre à se cacher. Invaincu en vingt-trois combats depuis ses débuts professionnels en février 2017, le boxeur français est le membre de la "Team Solide" des Jeux de Rio – il avait été battu en quart de finale – le plus proche du Graal planétaire. La "conquête" de Tony Yoka a pris du plomb dans l’aile, et c’est un euphémisme, avec deux défaites de rang contre Martin Bakole et Carlos Takam. Le beau parcours pro de Mathieu Bauderlique a buté sur la demi-finale mondiale WBC chez les mi-lourds, battu par Callum Smith en août dernier. Souleymane Cissokho vient de passer des super-welters aux welters et va devoir patienter et prouver avant d'avoir sa chance. Mbilli, lui, continue de se rapprocher. Pas à pas.

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A l’heure de faire face la nuit prochaine à Montréal à l’Equatorien Carlos Gongora (21-1, 16 KO; 33 ans), ancien champion du monde IBO (fédération moins reconnue que les quatre principales, WBC, WBA, IBF et WBO) et "adversaire le plus dangereux qu’il ait affronté jusqu’à présent" dixit l’ancien manager de l’équipe de France olympique John Dovi, constat confirmé par le site de référence BoxRec qui classe le choc en cinq étoiles pour la première fois de sa carrière, la machine à KO tricolore des super-moyens (23-0, 20 KO; 27 ans) s’affiche au deuxième rang du classement WBC et au cinquième pour la WBA et le célèbre magazine The Ring. La chance mondiale est là, à portée de gants. Mais il y a comme une impression de redite. Car ces phrases sont désormais répétées depuis quelques combats.

Alors, à quand un combat pour un titre planétaire? Pour comprendre ce qui l’en prive pour l’instant, il faut rappeler sa situation. Exilé au Québec, Mbilli est engagé avec le promoteur local Eye of The Tiger, société dirigée par Camille Estephan. Qui investit sur lui et tente de lui apporter les meilleures opportunités. Mais qui n’a pas la puissance ou les finances des plus grands promoteurs de la planète. Si on rajoute le fait que beaucoup de ses rivaux n’ont pas très envie de se retrouver dans un ring avec le puissant Mbilli, refusé par de nombreux adversaires potentiels ces dernières années, le Français ne se retrouve pas en position de force pour négocier les plus gros combats dans une discipline où votre influence en coulisses compte souvent plus que votre punch. Alors il a pris le chemin pragmatique.

"La stratégie est d’avancer dans les classements des différentes fédérations, a-t-il expliqué ces derniers jours au micro de la chaîne Twitch de RMC Sport, et d’aller chercher un statut de challenger obligatoire." Ce qui forcera tôt ou tard le champion à remettre sa ceinture en jeu contre lui. Et de détailler: "Arrivé où j’en suis, tout le monde veut des combats où ils sont payés par rapport au danger. Tu vas me rencontrer et te faire casser la gueule pour 50.000 dollars alors que tu sais que tu peux avoir un combat moins dangereux au même prix ou un combat plus dangereux mais plus rémunérateur. Je suis parfois un peu déçu et vexé mais c’est un business, on ne peut rien y faire. C’est à mon équipe et moi d’aller chercher des combats obligatoires. (…) On met une très grosse pression aux fédérations internationales pour pouvoir m’obliger à rencontrer certains types de boxeurs. Et on essaie de promouvoir mon image, d’être un peu plus visible, un peu plus bankable." La diffusion de ses combats sur le célèbre réseau télé américain ESPN, via un accord entre le grand promoteur Top Rank et Eye of The Tiger, participe par exemple à ça.

Dans la catégorie de Mbilli, les super-moyens, le champion unifié et incontesté – il possède toutes les ceintures qui comptent – se nomme Saul "Canelo" Alvarez. La plus grosse star de la boxe actuelle. L’affronter serait une quête d’histoire, car jamais un boxeur français n’a été champion du monde à quatre ceintures, et la garantie d’un gros chèque. Mais sauf miracle, ce ne sera pas pour cette année. "C’est la question à un million de dollars, sourit Mbilli. La boxe, c’est compliqué. Je kifferais combattre Canelo immédiatement après Gongora mais malheureusement, il y a trop de facteurs qui entrent en compte, trop de paramètres entre les promoteurs, les chaînes télé, les fédérations. Au classement, on est proche. Mais on ne sait pas si on l’est tant que ça. En tout cas, je donne tout pour ça. (…) Je suis fier de ma position actuelle mais je suis quelqu’un qui vise toujours plus. Je sais que je peux être champion du monde si on m’en donne l’opportunité."

Vu ses classements, la route la plus rapide consiste à devenir le challenger obligatoire pour la WBC. Une fédération qui compte un champion, Canelo, et un titre intérimaire autour de la taille de l’Américain David Benavidez. Ce dernier le remet en jeu ce week-end face à son compatriote Caleb Plant, ancien champion IBF battu par Canelo pour le titre unifié et incontesté en novembre 2011 et actuel numéro 1 du classement WBC. Si la logique est respectée, le vainqueur de ce choc qui sent la poudre devrait affronter en septembre prochain le champion mexicain si ce dernier conserve ses ceintures le 6 mai prochain face au Britannique John Ryder, champion intérimaire WBO et challenger obligatoire pour cette fédération. Et derrière, Mbilli pourrait prendre le perdant de Benavidez-Plant pour désigner le challenger obligatoire après le vainqueur.

Problème? Le système étant tournant entre les fédérations, il faudra ensuite attendre que les autres challengers obligatoires aient leur chance avant d’en dégoter. Ce qui peut se compter en mois voire en années. Un timing dans lequel d’autres pourraient tenter de lui prendre la place, à l’image du Canadien Eric Bazinyan, numéro 3 du classement WBC et autre membre de l’écurie Eye of The Tiger. Le Français espère un autre chemin pour accélérer les choses. "Benavidez et Plant sont les deux potentiels boxeurs que je risque de rencontrer avant Canelo. Les deux sont dans ma ligne de mire. On espère rencontrer soit le gagnant soit le perdant, ce qui va nous permettre d’aller chercher Canelo derrière à moyen terme."

Une victoire face à un de ces deux noms le propulserait dans une autre dimension. Mais avant de penser à ça, il faut passer l’obstacle Carlos Gongora, numéro 9 du classement WBC, contre qui Mbilli remet en jeu ses ceintures WBA International et WBC Continental Americas. L’idée de base était d’affronter le Kazakh Ali Akhmedov, numéro 4 de ce classement battu par… Gongora pour le titre IBO en décembre 2020, mais ce dernier a refusé. "Son équipe et lui étaient catégoriques, ils ne voulaient pas du tout me rencontrer, confie Mbilli. Il n’était peut-être pas confiant. Heureusement, on a pu se rattraper avec un adversaire de qualité." Qui a fait deux fois les JO – à chaque fois battu par un futur médaillé – et avec un style parfait pour embêter le Français.

"Il est grand, gaucher, disponible sur les jambes, ce qui peut perturber Christian qui apprécie les boxeurs qui restent en face et font la bagarre, analyse Dovi. Il va essayer de déstabiliser Christian par ses déplacements." Pour ce défi face à un boxeur intelligent et bon en contre-attaque, ce qui peut être dangereux pour un Mbilli connu pour mettre du volume, le Français qui combat pour la troisième fois en six mois annonce avoir effectué "la meilleure préparation de (s)a vie". "Ce sera un combat explosif. On a affaire à un frappeur, comme moi. Si un des deux est moins concentré, ça peut se finir vite. A partir du cinquième ou sixième round, ça va commencer à être chaud pour lui. Il va sentir la douleur. Je vais saisir la moindre opportunité de le mettre KO mais à ce niveau-là, pour que l’adversaire t’en donne, c’est plus difficile."

Pas loin de son objectif, l’homme qui annonce battre "tous ceux devant (lui) au classement" et qui travaille depuis des mois "les petits détails à affiner, la stratégie, la technique, la défense ou la patience" sait qu’il ne doit pas se louper face à l’Equatorien. "Je n’ai pas le droit à l’erreur, pas le droit de décevoir. On est vraiment rendu au tournant de ma carrière. Après ce combat, on va encore passer à l’étape supérieure." "La manière va déterminer beaucoup de choses, conclut Dovi. Battre un membre du top 10 avant la limite, dans les premiers instants du combat, ça le propulserait à un rang différent. S’il fout Gongora en l’air, comme on l’espère, ça va le positionner tout de suite. Ça peut lui permettre de franchir un palier psychologique et technique mais aussi aux yeux du grand public et des Américains, car ce sont toujours eux qu’il faut convaincre. Il a les moyens et les armes pour." La route du Graal mondial passe par là.

https://twitter.com/LexaB Alexandre Herbinet Journaliste RMC Sport