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Boxe: monstre dans le ring, bad boy en dehors, les deux facettes de Gervonta Davis

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L’invaincu Gervonta Davis retrouve son rival Ryan Garcia ce week-end à Las Vegas pour une explication dans le ring (en direct à partir de 2h dans la nuit de samedi à dimanche sur RMC Sport 1). Avant ce choc ultra attendu, portrait du boxeur venu des quartiers chauds de Baltimore qui oscille entre excellence sportive dans le ring, où sa puissance met tout le monde KO ou presque, et sombres affaires en dehors.

Sa vie ressemble à un scénario. Jusqu’au clin d’œil d’un de ses acteurs qui a façonné un personnage de fiction. Quand Gervonta Davis franchit pour la première fois les portes de la salle Upton Boxing Center, à Baltimore, le futur "Tank" – qui affronte Ryan Garcia ce week-end à Las Vegas dans un choc d’invaincus ultra attendu – va y rencontrer un père de substitution. Âgé de six ans, il tombe sur coach Calvin Ford. Un ancien membre de gang et ex-taulard qui a trouvé sa rédemption via cette salle et la source d’inspiration du personnage de Dennis "Cutty" Wise dans la célèbre (et sublime) série The Wire.

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Dans ce chef-d’œuvre télévisuel, Dennis Wise tente de sortir des gamins des dangers de la rue à travers le noble art. Un parallèle avec l’histoire entre Davis et Ford, toujours son entraîneur aujourd'hui. "Avec Tank, dans un sens, on s’est sauvé l’un l’autre", témoignait le second dans Boxing News en 2017. Elevé dans les quartiers chauds de Baltimore, une des villes les plus touchées par la criminalité et les morts par armes à feu aux Etats-Unis, l’Américain passe ses premières années à survivre plus qu’à vivre. "Mes deux parents étaient toxicomanes. Ma mère nous a abandonnés. On s’est retrouvé seuls, mon frère et moi. On a été placés en foyers. (…) Je me battais tout le temps, à l’école, dans la rue."

Comme Ryan Garcia, à peu près au même âge mais pas pour les mêmes raisons, Davis est orienté vers la boxe par son oncle: "Il me voyait me battre donc il m’a emmené à la salle". Il va y trouver un but, une occupation et une deuxième famille. "J’étais livré à moi-même, toujours dehors dans chaque embrouille. Ils m’ont donné l’amour dont j’étais privé à la maison." Ils vont aussi lui donner un cadre et une passion. "La seule punition, c’était de le priver de boxe, s’amusera Ford quelques années plus tard. Il détestait ça! Il voulait boxer tous les jours. Et ça a payé."

Sa carrière amateur, bouclée sur un bilan de 206-15, le voit multiplier les titres nationaux. Mais sans aller jusqu’aux Jeux Olympiques. Un chemin similaire à celui de Garcia. Davis commence sa carrière pro un poil plus vieux que son futur rival, à dix-huit ans, en février 2013. Les débuts sont fracassants. Dix victoires en deux ans, dont une seule décision, et des adversaires qui tombent souvent très tôt. Surpuissant, Davis peut éteindre la lumière sur un coup. Un profil qu’il va continuer de cultiver malgré un niveau d’adversité qui augmente.

Le saut dans le grand bain planétaire survient au dix-septième combat, en janvier 2017. Opposé au boxeur portoricain invaincu Jose Pedraza, celui qui n’avait jusque-là jamais combattu pour le moindre titre chez les pros met son adversaire TKO au septième round pour remporter la ceinture mondiale IBF des super-plumes. Davis devient champion du monde. Et un modèle pour les échos de son passé. "Qu’est-ce ça va faire pour les gamins de Baltimore? Vous n’avez même pas idée", s’extasie alors Calvin Ford. Le boxeur doit abandonner sa couronne deux combats plus tard, quand il rate le poids avant d’affronter le Nicaraguayen Francisco Fonseca et voit l’IBF rendre le titre vacant.

Davis a perdu l’or autour de sa taille. Mais en croisant les gants avec Fonseca en co-main event du combat événement entre Conor McGregor et Floyd Mayweather, qui l’a pris sous son aile via Mayweather Promotions, "Tank" se retrouve face aux yeux de plusieurs millions de personnes – cela reste le deuxième pay-per-view le plus vendu de l’histoire des sports de combat aux Etats-Unis derrière Mayweather-Pacquiao en 2015 – et voit sa popularité exploser après sa victoire par KO. Il récupère ensuite la couronne WBA des super-plumes en 2018 avant de prendre la ceinture WBA « régulière » (il y a un champion au-dessus, quoi) des légers en 2020. Il disputera les deux en octobre 2020 dans le plus gros combat de sa carrière jusque-là face au Mexicain Leo Santa Cruz, envoyé faire dodo au sixième round sur un uppercut inoubliable.

La suite épouse un schéma similaire même si Isaac Cruz réussit l’exploit de le pousser à la décision en décembre 2021. En vingt-huit combats professionnels à vingt-huit ans, tous remportés, Davis a terminé l’adversaire avant la limite… vingt-six fois. 93% de KO/TKO! De quoi attirer une comparaison qui ferait plaisir à tout personne qui gagne sa croûte en montant dans le ring, avec une légende dont il partage le grand écart entre la petite voix fluette et la violence envoyée entre les cordes. "Il procure le même effet que Mike Tyson, lance John Dovi, ancien manager de l’équipe de France olympique et consultant RMC Sport. Quand les gens se levaient à quatre heures du matin pour regarder les combats de Tyson, tout le monde s’attendait à ce que ça ne dure pas longtemps, à du punch. Gervonta, c’est pareil. C’est vraiment un boxeur excitant."

Un monstre entre les cordes, qu’on a depuis longtemps envie de voir face aux autres pépites de sa génération dans les mêmes eaux de poids comme Ryan Garcia, Vasiliy Lomachenko ou Devin Haney (champion incontesté des légers qui défend ses titres le 20 mai contre Lomachenko). Mais un bad boy en dehors. Comme si les démons de sa ville n’arrivaient pas à se détacher du gars de Baltimore. Il y a l’agression d’un ami d’enfance en 2017, des charges abandonnées au tribunal. Il y a une bagarre à Washington en 2018. Il y a des arrestations pour violence conjugale, lors d’un match de basket à l’université de Miami en 2020 (une scène filmée) et en fin d’année 2022 (la femme qui a appelé les autorités contre lui se rétractera peu après).

Il y a cet accident de voiture en mars 2021, quand il grille un feu rouge avec son Lamborghini SUV et rentre dans une voiture avant de quitter la scène sans s’occuper des quatre blessés dans l’autre véhicule, dont une femme enceinte. Une affaire pour laquelle il sera jugé début mai et dans laquelle il peut risquer une peine de prison. De quoi pousser beaucoup de fans à espérer sa défaite contre Ryan Garcia comme un retour de karma. Mais comme toujours, les choses ne sont pas si simples.

Davis est aussi cet homme qui apporte de l’aide (et de l’espoir) aux enfants de Baltimore ou qui a payé l’enterrement d’une jeune fille de vingt-et-un ans de la ville tuée dans son salon de coiffure. Entre Tyson ou Mayweather, liste tout sauf exhaustive, le noble art a présenté d’autres profils naviguant entre excellence dans le ring et comportements au-delà de la limite en dehors. Mais à l’heure des réseaux sociaux rois, on laisse – à raison – moins passer à Davis et aux représentants de sa génération. A lui d’écrire la suite de son scénario avec une encre moins polémique.

Face à Ryan Garcia, qui le chauffe depuis longtemps et qui a accepté toutes ses demandes pour pouvoir l'affronter, celui qui a réussi à créer sa propre économie en pay-per-view sur Showtime (co-diffuseur du choc du week-end avec DAZN) doit signer l’acte qui fera pour de bon de lui une superstar du noble art et même au-delà. Puissant, efficace, plein d’assurance dans sa boxe et de plus en plus bon en défense, il a toutes les armes pour. Favori pour son quatrième combat en carrière à Las Vegas, le quatrième face à un adversaire invaincu sur ses… cinq dernières sorties dans le ring, "Tank" cherchera sans doute à marquer les esprits avec un gros KO dont il a le secret. La prochaine page d’un scénario qu’on espère moins en obscur et plus en clair dans le futur.

https://twitter.com/LexaB Alexandre Herbinet Journaliste RMC Sport