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Boxe: pourquoi le troisième Fury-Wilder reste un choc bouillant

Long à se dessiner après une bataille contractuelle, le troisième combat entre Tyson Fury et Deontay Wilder pour la ceinture WBC des lourds aura lieu ce samedi soir à Las Vegas (5h30, heure française). Avec un Britannique pour la première fois dans la peau du chassé et un Américain qui l’accuse d’avoir triché lors du deuxième et en quête d’une "revanche par le sang", malgré la domination totale du "Gypsy King" il y a près de vingt mois, le choc ne manque surtout pas d’intérêt.

Près de vingt mois qu’on ne les a pas vus dans un ring. Mais cette fois, après plusieurs rebondissements, on y est. Tyson Fury et Deontay Wilder se retrouvent pour croiser les gants une troisième fois ce samedi soir dans la T-Mobile Arena de Las Vegas. Après la première en décembre 2018 (nul controversé car le Britannique avait dominé avant de se faire mettre au sol dans le dernier round) et la deuxième en février 2020 (démonstration de Fury, vainqueur par TKO au septième round), les deux rivaux vont se disputer la ceinture WBC des lourds détenue par le "Gypsy King" (30-0-1 ; 21 KO). Vu le scénario des deux premiers combats, où Fury aura au final été très peu inquiété en dix-neuf rounds, on pourrait trouver cette trilogie inutile.

L’argument s’entend. Mais ce choc qui a mis longtemps à se dessiner – Fury était passé à autre chose en estimant que la date limite de la clause de revanche inclue dans le contrat du deuxième combat avait été dépassée avant de voir un arbitrage judiciaire obliger cette trilogie, d'abord prévu le 24 juillet avant un report car le Britannique avait contracté le Covid – ne manquera tout de même pas de piquant. Par principe, déjà. Dans une discipline où les stars s’affrontent de moins en moins (qu’elle semble loin, l’époque des Four Kings dans les années 80…), en voir deux se retrouver entre les cordes pour la troisième fois en moins de trois ans reste un plaisir, comme un clin d’œil aux grandes trilogies des lourds du passé (Ali-Frazier, Patterson-Johansson, Holyfield-Bowe ou encore Ali-Norton).

Deux semaines après avoir vu Oleksandr Usyk détrôner Anthony Joshua pour les titres IBF-WBO-WBA des lourds, ce qui donne une nouvelle perspective au futur vainqueur s’il compte (et c’est le cas pour les deux) unifier les quatre ceintures principales de la catégorie, l’attrait se veut également sportif. Il n’y a pas photo: Fury est le meilleur boxeur des deux, et il l’a prouvé, que ce soit en dansant autour de l’Américain (premier combat) ou en lui rentrant dedans et en avançant sur lui (deuxième). Mais avec sa droite surpuissante, qui lui a permis de signer quarante-et-un KO en quarante-deux victoires chez les pros (42-1-1), Wilder peut éteindre la lumière de l’adversaire à tout moment et renverser même le plus mal engagé des combats. "Ils ont besoin d’être parfaits pendant douze rounds pour me battre, je n’ai besoin que de deux secondes", répète souvent le "Bronze Bomber" dans une formule qui résume bien son style.

Toujours ultra dangereux, quoi, surtout quand le garçon est en mission. On ne saura jamais s’il y croit vraiment, même s’il en donne l’impression, mais l’Américain n’a jamais digéré sa défaite de février 2020 et sorti toutes les excuses possibles pour tenter de l’expliquer. On a eu droit à son costume d’entrée dans le ring trop lourd et qui lui aurait coupé les jambes. Aux accusations sur un Fury qui aurait lesté ses gants ou les aurait mis de la mauvaise façon afin de pouvoir frapper avec l’os et de faire plus mal. Il a aussi mis en cause son ancien coach, Mark Breland, accusé d’être de mèche avec le camp adverse, d’avoir jeté la serviette trop tôt (car partie intégrante du grand complot) et d’avoir trafiqué son eau avec un produit pour lui détendre les muscles.

"Si je n'ai gagné que parce que j'ai triché, pourquoi tout changer?"

Résultat? Exit Breland et bienvenue Malik Scott, qu'il avait battu par KO au premier round en mars 2014 et qui a désormais rejoint Jay Deas pour s’occuper ensemble de sa préparation. Scott affirme avoir participé à faire "grandir" la boxe de son protégé, à la rendre moins unidimensionnelle, et ose lancer que Deontay "ne perdra plus jamais dans sa carrière" derrière cette évolution. Mais il en revient très vite à "sa droite qui vous envoie sur la Lune" et à sa faculté de "vous tuer" sur le ring pour vendre l’envie de "revanche par le sang" répétée par Wilder. Cette source de motivation lui apportera-t-elle de quoi renverser la table? Ou lui jouera-t-elle un encore plus mauvais en l’entraînant à faire des erreurs dans sa quête d’étancher sa soif de KO?

"Il devrait tout donner pendant cinq ou six rounds, et s’il l’attrape, il l’attrape", estime le légendaire Mike Tyson. On peut entendre le conseil. Mais s’il ne "l’attrape" pas, le retour de bâton fera très mal. Fury, lui, doit aborder un défi inédit pour lui. Grand favori des bookmakers, tout sauf illogique vu les deux premiers combats, et considéré par la plupart des observateurs et fans de boxe comme le meilleur lourd de la planète (il détient aussi la mythique ceinture The Ring), le "Gypsy King" défend pour la première fois de sa carrière un titre mondial!

Il n’avait pas pu le faire après sa victoire sur Wladimir Klitschko en 2015, ce qui était pourtant prévu, plongeant dans une forte dépression dans les mois suivants. Jamais plus fort que quand il se trouve dans la peau du chasseur, comme face à Klitschko mais aussi lors des deux combats contre Wilder, le Britannique est devenu le chassé et devra le gérer. La situation ne lui a pas fait perdre sa science du trash-talking, évidente chaque fois qu’on a placé un micro devant son nez ces derniers jours, ni sa faculté à rentrer dans la tête de l’adversaire avec ses mots.

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Il suffisait de l’écouter en conférence de presse ce mercredi, face à un Wilder impassible mais qui n’arrivait pas à masquer combien tout bouillait en lui, pour saisir combien un combat contre lui est aussi une bataille mentale: "Deontay m'a accusé de tout, a accusé son équipe, son entraîneur, le costume, les blessures. Qui d'autre? Ah oui, la Commission athlétique du Nevada, ils étaient aussi dans le coup. Et l'arbitre. Peut-être que s'il n'avait mentionné qu'une de ces excuses, on aurait pu y croire, mais quinze? Allons! Ce que ça me dit, c'est que c'est une personne faible mentalement, que je vais encore assommer samedi soir. Il a changé toute son équipe, sa façon de s'entraîner... Mais si je n'ai gagné que parce que j'ai triché, pourquoi tout changer? Quelqu'un peut-il répondre à cette question? Je sais qu'il ne le peut pas, parce qu'il n'a pas le cerveau pour le faire."

Et de conclure: "Il sait que ce qu'il dit est un mensonge. Et au fond de son âme, il sait qu'il a perdu. Il a perdu la première fois, il a perdu la deuxième fois et il va perdre la troisième fois. Et après, il retournera travailler dans cette chaîne de fast-food où il bossait avant de faire carrière dans la boxe. Jusqu'à la retraite." En face, Wilder l’invitait à se préparer "pour le champ de bataille et la guerre". Près de vingt mois qu’on ne les a pas vus dans un ring. Les fauves vont bientôt être libérés. Et ça risque de chauffer très, très fort. Pour vous faire patienter, le RMC Fighter Club, podcast consacré aux sports de combat de RMC Sport, vous propose cinquante minutes de présentation d’un choc immanquable si on aime le noble art et les mastodontes des rings.

https://twitter.com/LexaB Alexandre Herbinet Journaliste RMC Sport