Pourquoi le retour de la boxe à Roland-Garros est un événement

Pas de terre battue, de "vamos", et de silence imposé pendant les échanges. Mais un bruit continu, on l’espère, de la sueur et des coups, et le souvenir de quelques légendes de la grande époque. Temple du tennis, le court central de Roland-Garros va changer ce vendredi soir de costume, pour accueillir une belle soirée de boxe, au cours de laquelle combattront notamment les Français Tony Yoka (face au Croate Petar Milas), Souleymane Cissokho (face au Russe Ismail Iliev), et Mathieu Bauderlique (face au Russe Igor Mikhalkin). Une première depuis… 47 ans.
Cerdan, un succès avant de rencontrer Piaf
Un ring à Roland-Garros, c’est un événement, mais ce n'est pas nouveau. Jusqu'en 1974, l’enceinte de la Porte d’Auteuil avait accueilli neuf réunions pugilistiques, et vu se produire certains des plus grands boxeurs tricolores de l’histoire. On pense à Marcel Thil, qui y avait battu l’Américain Vince Dundee devant 14.000 personnes en 1931, au "bombardier marocain" Marcel Cerdan, qui y avait dominé en juillet 1946 un autre Américain, Holman Williams, avant d’aller fêter son succès au Club des Cinq pour y faire la connaissance d’une certaine Edith Piaf, ou à Jean-Claude Bouttier, qui y avait défié Carlos Monzon en 1973 dans un duel organisé par Alain Delon, et qui avait participé à la dernière soirée de boxe à Roland un an plus tard.

"Roland-Garros, ça veut dire tennis, forcément, dans la tête des Français, confie Tony Yoka. Moi-même je ne savais pas qu’il y avait déjà eu de la boxe là-bas, la dernière fois c’était il y a presque 50 ans. Mais j’ai regardé les images du dernier (avant-dernier, ndlr) combat, Bouttier contre Monzon en 1973, et je me suis dit que ça serait bien d’y rajouter nos noms. Ça change de ce qu’on a l’habitude de faire. Sortir la boxe de son contexte, aller chercher un autre regard, un autre public, c’est une bonne chose. Roland-Garros, c’est très prestigieux, et on fait quand même un sport qui s’appelle le noble art."
Une discipline qui, au-delà des ceintures, se construit autour des grandes rivalités et des décors fantastiques. "Ça me fait quelque chose, témoigne Souleymane Cissokho. C’est un lieu historique pour le sport français, un lieu mythique. De très grands champions sont passés par là. J’ai vu des photos de l’époque, c’était exceptionnel. En tant que boxeur je suis comblé. J’ai boxé au Madison Square Garden à New York, j’ai boxé devant 70.000 personnes il n’y a pas longtemps, et là Roland-Garros, c’est quelque chose de grand dans ma carrière."
La "maison" de Belmondo et de Paris 2024
Cette fois, environ 8.500 spectateurs devraient prendre place sous le toit du court Philippe-Chatrier, dont le dernier anneau n’a volontairement pas été ouvert. Loin des grandes affluences américaines ou anglaises, mais encourageant pour la boxe hexagonale, en phase de reconquête du grand public.

"On essaye de construire un projet depuis cinq ans, ce n’est pas facile, explique le promoteur Jérôme Abiteboul. On est partis de très loin, là c’est un premier succès, même si on a envie de faire de grandes choses. (…) On est très fiers d’organiser cette soirée ici, à la sortie du Covid. On est presque les premiers à remplir le nouveau court Philippe-Chatrier, puisque le tennis n’a pas eu cette chance. On remet la boxe au cœur du débat, c’est bon pour ce sport, on va essayer de s’installer ici pour longtemps. C’est un stade où l’on a eu de grands combats." C’est aussi, compte tenu de la récente actualité, un joli clin d’œil. "Il y a ce goût particulier en plus, parce que c’est le stade de Jean-Paul Belmondo (passionné de Roland-Garros et de boxe, ndlr), souligne Abiteboul. On va essayer de lui rendre un bel hommage."
Une chose est sûre: il ne faudra pas attendre un autre demi-siècle après ce 10 septembre 2021 pour revoir de la boxe à Roland, puisque l’enceinte accueillera les épreuves olympiques lors des Jeux de Paris en 2024. "On ouvre un peu le bal, sourit Cissokho. Il y a beaucoup de choses uniques qui créent un engouement autour de cette réunion." Reste maintenant à faire le travail sur le ring.