UFC: Caio Borralho, le combattant intello qui vise la même ceinture que Nassourdine Imavov

Il possède le physique de l’emploi. Mais pas vraiment la tête… Avec ses lunettes sur le nez, portées depuis ses trois ans et un diagnostic de myopie et astigmatisme, le visage du musculeux Caio Borralho semble plus tenir du prof de maths que du challenger à une ceinture UFC. Mais pas besoin de choisir: le Brésilien a été le premier et aspire à devenir le second. Une dichotomie qui devrait encore l’accompagner face à Jared Cannonier, son adversaire pour son premier main event à l’UFC ce week-end à Las Vegas, entre agressivité au combat et côté intello pour le préparer. Et qui le mènera au top 5 des -84 kilos, la catégorie du Français Nassourdine Imavov (actuel numéro 4 du classement qui a battu… Cannonier en juin), ou juste à ses portes en cas de victoire sur l’Américain.
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Caio Borralho débute son histoire avec les sports de combat à six ans, quand il commence le judo dans sa ville de Sao Luis. Ce fan des films de Bruce Lee, Jackie Chan et Jean-Claude Van Damme accroche direct.
"Je suis tombé tout de suite amoureux de ce sport, racontait-il au site Sherdog en avril 2023. J’avais beaucoup d’énergie enfant et ma mère voulait que je l’utilise. J’ai fait des compétitions et gagné des titres aux niveaux régional et national." A dix-neuf ans, battu sur une clé de bras dans un tournoi, son mentor Emilio Moreira le pousse à s’essayer au jiu-jitsu pour enrichir sa palette. "Je me sentais forcé au départ, se souvient-il. Je n’aimais pas ça. Mais j’y ai pris goût peu à peu."
La route vers son futur dans la cage a débuté. Il va ensuite tester le muay thaï et le kickboxing à vingt ans, avec un combat amateur qui agit comme un déclic. "L’adrénaline de ce combat était le point de départ de ma passion pour le MMA", détaillait-il dans une interview à Cageside Press en août 2019. L’idée de cette discipline qui mixe les différents arts martiaux grandit en lui. Après une victoire dans un premier combat amateur en juin 2014 à Sao Luis, à vingt-et-un ans, le Brésilien a compris. "J’ai réalisé que je voulais gagner ma vie en combattant". Il décide de "dédier (s)a vie à devenir champion à l’UFC". Et fait un choix fort pour atteindre son rêve. "Je savais que je devrais quitter ma ville pour devenir un nom dans ce sport. J’ai quitté ma famille et j’ai déménagé à Sao Paulo."
Il doit aussi abandonner son… université. Car le garçon qui revendique avoir "toujours été un intello" a la tête bien faite. Inspiré par son grand-père prof de maths, il devient tuteur pour de jeunes élèves dans cette matière (et en chimie) dès ses quinze ans. Il continuera enseigner dans des écoles – comme l’ancien champion de sa catégorie Rich Franklin, pour le clin d’œil – ou à domicile pendant ses trois années à étudier la chimie industrielle à l’université fédéral de Maranhão après l’équivalent du baccalauréat. Une fois à Sao Paulo, il retrouvera les bancs universitaires pour un cursus d’éducation physique qu’il finira par boucler en 2019. Mais sa priorité va bien au MMA.
"Mon coach m'a dit d'oublier le MMA"
Borralho joue sur son côté intello pour fonder l’académie The Fighting Nerds avec coach Pablo Sucupira et débute sa carrière pro fin 2014. Quelques mois plus tard, première embûche sur le parcours pour ce qui reste à ce jour son seul revers, une décision unanime concédée à Joao Carvalho en juillet 2015 dans l’organisation brésilienne Bradar Fight devant ses amis et sa famille chez lui à Sao Luis. Mais un "combat pivot". "C’était une dure leçon mais il a fallu ça pour changer la trajectoire de ma carrière. Cette défaite a complétement changé la façon dont je voyais le sport. Je pensais que je pouvais devenir champion du monde juste avec un bon judo et du jiu-jitsu. Je ne passais pas beaucoup de temps à travailler mon striking. J’avais peur de striker et je me tournais tout de suite vers le grappling. Mon coach m’a dit d’oublier le MMA pour un an et de travailler uniquement sur la boxe, le kickboxing et le muay thaï."
Entre toutes ces disciplines, il va monter plus de trente fois dans le ring en un peu plus d’un an. "Je voulais m’habituer à cette adrénaline tellement différente de celle d’un combat de judo ou de jiu-jitsu." Borralho aura su faire fructifier cette pause. "C’est seulement après ça que je suis retourné au MMA et que je me sentais suffisamment bien pour continuer ma quête. Et je n’ai plus perdu depuis." Ses neuf premiers combats dans des organisations brésiliennes lui permettent d’emmagasiner de l’expérience. Et de se trouver un surnom, "The Natural". Rien à voir avec l’ancien champion UFC des lourds et mi-lourds Randy Couture, qui arborait le même sobriquet, mais un clin d’œil à sa volonté de briller sur tous les plans en combat. "Après une victoire, j’étais interviewé dans la cage et on m’a demandé si je préférais gagner par KO ou soumission. J’ai répondu que peu importe comment le combat tournait, c’était naturel pour moi. Et qu’ils pouvaient m’appeler comme ça."
Avec son bilan de 7-1 (et un no contest), l’UFC lui offre une opportunité avec une place aux Dana White’s Contender Series, l’émission où le patron exécutif de l’organisation Dana White peut signer de nouveaux noms s’ils l’impressionnent sur un combat. Vainqueur de Aaron Jeffrey sur décision unanime en septembre 2021, il n’obtient pas de contrat mais peut revenir tenter sa chance un mois plus tard. Pour une victoire par TKO au premier round sur Jesse Murray en -93 kilos (il avait commencé sa carrière en -70 avant de vite monter en -84, où il "souffre beaucoup moins" pour perdre le poids) qui lui ouvre les portes de la plus grande organisation de la planète MMA.
Depuis? Six victoires en autant de combats à l’UFC, dont deux bonus de "performance de la soirée" contre Michal Oleksiejczuk et Paul Craig, qui l’ont mené à la douzième place du classement des poids moyens et à un choc contre Cannonier pour continuer à grimper et poursuivre sa série de seize combats sans défaite (quinze victoires, dont ses treize derniers combats, et un no contest). Un chemin construit avec les autres membres des Fighting Nerds, où il peut notamment croiser les combattants UFC Jean Silva, Mauricio Ruffy, Carlos Prates, Kaynan Kruschewsky, Bruna Brasil ou encore Thiago Moises (quand il n’est pas à l’American Top Team).
Une équipe qui cultive une approche collective et intellectuelle de la préparation de combat qui colle bien à la peau de celui qui bénéficie notamment des enseignements en jiu-jitsu de Wagner Mota, coach de longue date de Demian Maia. "Je suis un gars cérébral qui pense beaucoup pendant ses combats, qui sait suivre un plan et une stratégie. J’explore toutes les faiblesses de mes adversaires. C’est ma marque de fabrique. Notre objectif d’équipe est double. Le premier est de changer la perception des gens sur les combattants. Notre équipe propose des cours d’anglais et de prise de parole en public. On aime jouer aux échecs et regarder des animés. Nous sommes des intellos du combat. On se réunit pour étudier les combats et les mouvements. On veut dissiper l’idée que les combattants ne sont pas des personnes intelligentes."
L’autre objectif est d’accompagner les victimes de harcèlement. "Les intellos et les jeunes à part sont ceux qui en souffrent le plus. On veut que ces enfants nous voient combattre et gagner dans la plus grande organisation de MMA de la planète. Les intellos peuvent faire n’importe quoi tant qu’ils mettent leur cerveau à l’œuvre, que ce soit travailler derrière un ordinateur ou combattre à l’UFC." En route vers le top 5 s’il bat Cannonier, ce spécialiste du grappling – il adore les triangles de bras – également capable d’éteindre la lumière adverse avec ses poings (demandez à Paul Craig) pourrait rejoindre Nassourdine Imavov parmi les nouveaux challengers crédibles de la catégorie.
"Je viens pour la ceinture, pas seulement pour être à l’UFC", annonçait-il en 2019, deux ans avant de rejoindre l’organisation. "Je vais montrer à tout le monde qu’un nouveau champion arrive", lance-t-il aujourd’hui comme une promesse. Celle faite à ses proches dans sa tête. Caio Borralho compte bien y arriver, pour lui comme pour eux. "Je combats pour moi, et car j’aime la compétition, mais toute ma famille est dans ce rêve avec moi. Ils me soutiennent tellement. Je vais les rendre fiers, comme mon coach que je veux faire devenir champion du monde avec moi. Mon rêve est aussi son rêve. Je veux que tout le monde puissance voir que si vous avez foi en Dieu et que vous n’arrêtez pas de croire en vous, personne ne peut vous empêcher de réaliser vos rêves." Même sans la tête de l’emploi.