RMC Sport Sports de combat

UFC 279: "Il m’a dit: ‘Toi! Avec moi!’", le phénomène Khamzat Chimaev par ceux qui l’ont préparé

placeholder video
Prévu contre Nate Diaz à l'UFC 279, Khamzat Chimaev affrontera finalement Kevin Holland (à partir de 4h dans la nuit de samedi à dimanche en exclusivité sur RMC Sport 2) après avoir raté sa pesée. Nouveau phénomène de l'UFC, le Suédois d'origine tchétchène l'est aussi à l'entraînement. Deux combattants français qui ont aidé à le préparer ces dernières semaines nous racontent. 

Il devait être le centre d'attraction de la semaine. Il l'a été, pleine lumière, mais pour les mauvaises raisons. Entre le déclenchement d'une bagarre générale en coulisses, qui a obligé l'UFC à annuler la traditionnelle conférence de presse du jeudi, et une pesée ratée de près de... quatre kilos pour son choc face à Nate Diaz, qui a forcé l'organisation à chambouler ses combats de haut de carte pour l'UFC 279 de ce samedi, Khamzat Chimaev aura su rester fidèle à son image de "gangster". 

>> Suivez l'UFC 279 et toutes les soirées UFC avec les offres RMC Sport

Mais le Suédois d'origine tchétchène, qui souffrirait d'un problème médical selon la rumeur, n'aura pas marqué beaucoup de points niveau professionnalisme. Il faudra une belle performance contre Kevin Holland, son nouveau partenaire de danse dans la cage alors que Diaz affrontera Tony Ferguson, pour mettre du positif sur quelques jours où rien n'a filé droit. Vu son état d'esprit du moment, on ne le garantira pas. Mais vu son talent, il y a largement la place. 

Casserrolles ou pas, "Borz" (le loup, son surnom) reste un phénomène toujours invaincu en carrière (11-0) qui a secoué l'UFC depuis qu'il en a fracassé les portes à l'été 2020, avec deux victoires dans deux catégories différentes en dix jours. Promis aux plus belles conquêtes et bientôt à une chance pour le titre des welters, le nouveau monstre a marché sur tout le monde ou presque à l'UFC (Gilbert Burns lui a donné beaucoup de fil à retordre dans son dernier combat, victoire à la décision pour son premier choc face à un top 3) avec cinq succès en autant de sorties dont quatre premières ultra dominatrices. 

"Pas de pitié avec qui que ce soit"

Un talent brut et animal, d'abord, mais aussi et surtout une force de travail forgée entre les murs du Allstars Training Center de Stockholm. Où deux combattants français, Ilian Bouafia et Axel Sola, recrutés comme sparring-partners en qualité de strikers gauchers longilignes idéaux pour préparer Diaz, ont pu partager sa dernière préparation. Offrant ainsi une plongée unique dans ce qui fait la force de l’ancien lutteur venu au MMA après avoir vu Conor McGregor éteindre José Aldo en treize secondes fin 2015. 

"J'ai dit oui direct, ce n'est pas tous les jours qu'on peut s'entraîner avec un top 5 UFC", sourit Sola, ancien numéro 1 mondial et champion d'Europe amateur, actuel combattant au Brave FC (4-0). Le membre du Boxing Squad, club niçois de coach Aldric Cassata où s'entraîne entre autres Manon Fiorot, n'est resté que quelques jours auprès du phénomène, qu'il connaît depuis 2018 au gré de voyages personnels chez Allstars. Il n'a sparré "que trois rounds" avec lui. Suffisant pour garder quelques souvenirs. "C'est un des gars qui m'a le plus impressionné. De loin. C'est vraiment unique."

"C’est un monstre, renchérit Bouafia, jeune combattant pro (1-0). Franchement, il m’a choqué. Je pense que tous ceux qui tournent avec lui sont choqués." Il y a l’intensité, déjà. "Pas de pitié avec qui que ce soit, témoigne Sola. Il n'aime pas perdre et il y va. Il est là pour gagner, là c’était encore un peu plus car il préparait un combat mais tu peux voir qu'il a toujours été comme ça. Pas de pitié sur les frappes ou les amenées au sol." 

Pour les nouveaux, c’est passage par le rite d’initiation Chimaev. "Quand je suis arrivé, les gens lui ont dit: "Il y a un boxeur français qui vient d’arriver, un gaucher, il va vite", raconte Bouafia. Et au premier entraînement commun, quand on doit se mettre par deux pour un sparring léger, je n’ai même pas le temps de me retourner que je le vois qui me regarde et qui me dit: ‘Toi! Avec moi!’ (Rire.) Avec le temps, j’ai remarqué que les nouveaux gars qui venaient passaient un sale quart d’heure. Un nouveau gars qui paraît bon, c’est pour lui."

"On dirait un animal"

Bouafia, qui combat le 24 septembre au Fight Surpass 2 à Roubaix, était passé une première fois à Stockholm début juin, pour s’entraîner. Contacté par coach Andreas Michael après son départ pour revenir aider à preparer Diaz, il est reparti sans hésiter. Pour rester près de deux mois avant de s’envoler avec Khamzat pour Las Vegas, où la star a pris dans ses bagages "tout le club, une quinzaine de personnes".

Intégré au groupe restreint autour de Chimaev, avec les combattants UFC Volkan Oezdemir, Guram Kutateladze ou Caio Borralho, il a pu goûter pleine bouche aux méthodes du "Borz". "C’est un truc de malade, sourit-il. Trois, quatre entraînements par jour. Il met des coups, il met des coups… Il est connu pour sparrer dur et il ne rigole pas. C’est un métier et il n’est pas là pour faire ami-ami mais pour travailler. Il n’y a pas de surprise à sa réussite car il travaille comme un malade. On dirait un animal."

Un loup au double visage. "Dans la vie, c’est un super mec, reprend-il. À Las Vegas, quand on va dans des magasins, il nous dit de prendre des trucs et tout est pour lui. Au restaurant aussi. L'autre jour, il a demandé à arrêter la voiture pour faire donner 100 dollars à un mendiant croisé à un feu rouge. Il ne refuse pas une photo, il discute avec tout le monde. Mais à l’entraînement, tu te dis: qu’est-ce qui se passe? Il te regarde comme ça. (Il imite un regard méchant.) (Rires.) Il se transforme en loup, vraiment." "Les entraînements vont durer deux heures, mais vraiment deux heures, complète Sola. C'est quelqu'un de très acharné mais c'est aussi sa salle qui a une méthode d'entraînement propice à ça et qui matchait avec sa logique."

Connu pour sa lutte suffocante, Chimaev surprend ses partenaires d’entraînement par la qualité de son striking. "Je suis un boxeur mais les premières fois, je ne comprenais pas, il restait debout avec moi, se souvient Bouafia. Il met la pression habituelle du lutteur contre le boxeur, qui doit baisser son activité et son efficacité pour éviter que l'autre descende dans les jambes, et en plus tu t’en prends plein la tête. Il frappe vite et ses mains sont archi lourdes. Même quand tu vois qu’il ne veut pas faire mal, tu sens quand même bien son coup. Et il te met une pression constante. Je ne l’ai jamais vu reculer. Même rester à l’arrêt devant toi, c’est rare. Il veut juste te détruire."

"C'est une lutte sans fin"

"Il boxe bien en gaucher comme en droitier, ajoute Sola. Il a une frappe sèche, rapide, et surtout il change de rythme. Il n'y a pas beaucoup de combattants qui font ça. Il va t'habituer à une certaine vitesse et d'un coup il va accélérer. Je ne l’avais pas vu venir quand il me l’a fait. Il est très difficile de prévoir ce qu’il va faire." Pas facile de tenir debout. En lutte et en grappling, c’est encore plus la galère… 

"J’ai une bonne défense de lutte, car j’ai des jambes puissantes, c’est vraiment dur de me faire tomber, pointe Bouafia, mais avec lui tu vas tomber, c’est sûr et certain. Que ce soit en dix secondes, vingt seconde ou une minute. Il y a un mix entre la technique, la puissance et l’agilité. Sa lutte est fluide, il ne te rentre pas dedans comme un bourrin. Tu défends une attaque en double leg, il va partir sur une single leg, tu le défends, il va te prendre en ceinture, tu la défends, il va prendre ton dos, tu le défends, il va te prendre ton coup, et ainsi de suite jusqu’à ce que tu tombes. C’est une lutte sans fin."

"Il enchaîne de position en position beaucoup plus rapidement que la plupart de ses adversaires, et avec tellement de précision, c'est pour ça qu'il domine si facilement, poursuit Sola. Tu te fatigues car tu es obligé d'utiliser ta force pour rattraper ton retard sur les timings, alors que lui est dans son temps. Il a aussi un très bon cardio." "Son contrôle au sol ou contre la cage est dingue, s'extasie Bouafia. Il vient chercher ton poignet derrière ton dos, tu es bloqué comme avec des menottes et il te frappe. Et pas des petites frappes. A ce moment-là, tu te demandes pourquoi tu as commencé le MMA. (Sourire.)"

Une maîtrise en lutte pas basée sur la seule puissance. "Ce n'est pas quelqu'un qui va chercher à t'écraser physiquement, analyse Sola. Il laisse beaucoup plus d'espace que la plupart des combattants quand ils font tomber et cherchent à contrôler. Cet espace te permet de bouger, mais c'est là qu'il te la fait à l'envers car il va anticiper ton mouvement. L'espace lui permet aussi de mettre des frappes plus facilement que s'il était collé pour te mettre du poids et te garder au sol. Il ne va pas forcer, pas s'acharner. S'il voit qu'une amenée au sol ne marche pas, il passe sur une autre, mais très vite." Sola conclut sur un constat apeurant pour la concurrence de celui qui a annoncé vouloir conquérir plusieurs catégories à l'UFC: "Il bat tout le monde à la salle, aussi bien des 77 kilos que des 93. Il sera champion un jour. Ce n'est qu'une question de temps."

Alexandre Herbinet