UFC 282: comment Paddy Pimblett est devenu une superstar en quelques mois

La situation raconte un événement qui a perdu son affiche principale. Mais elle symbolise aussi une explosion de notoriété. Pour sa dernière carte "numérotée" de l’année, l’UFC 282 ce week-end à Las Vegas, la plus grande organisation de MMA a placé en co-main event – l’avant-dernier combat de la soirée – le duel entre le Britannique Paddy Pimblett (19-3, 27 ans) et l’Américain Jared Gordon (19-5, 34 ans). Particularité? Aucun des deux n’est membre du top 15 du classement des challengers de leur catégorie, les légers. Un statut qui devrait les priver d’une telle position sur la carte. Sauf quand on s’appelle Paddy "The Baddy" Pimblett.
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En quelques mois, le combattant de Liverpool est devenu l’une des stars de l’UFC, où il a enchaîné trois victoires depuis ses débuts dans l’organisation en septembre 2021. Un peu plus que ça même, à l’écouter. "Je veux devenir la plus grande star de ce sport et je le suis sans doute déjà au moment où on parle, avance-t-il dans une interview à ESPN. Personne ne fait mes chiffres. Les semaines où je combats, quand l’UFC diffuse des choses sur moi, elles font dix fois plus de vues que celles des autres. (…) Je ne peux pas aller quelque part sans devoir enchaîner les photos. J’ai toujours dit que ça allait arriver. Si vous regardez mes interviews il y a dix ans, je répétais que j’allais devenir la plus grande star du MMA. Je suis en train de me donner raison."
"Je suis celui que tout le monde veut en interview, celui que tout le monde veut voir, enfonce-t-il dans un autre entretien à ESPN. Ceux qui veulent le nier peuvent le faire mais ils savent qu’ils ont tort." Tout sauf illogique pour lui, donc, d’avoir été catapulté en co-main event suite à la blessure du désormais ex-champion des mi-lourds Jiri Prochazka et l’annulation de son combat revanche contre Glover Teixeira. "J’étais déjà le main event du peuple", nous confiait-il à l’annonce de cette information. Et de compléter: "J’ai toujours été la raison pour laquelle les gens achetaient des places pour cet événement, le gars qui met des culs sur les sièges".
La preuve par les stats et une comparaison avec les autres acteurs principaux de l’UFC 282 pour celui passé de 28.000 followers Instagram avant l’UFC à 2,3 millions aujourd’hui. "J’ai plus de followers que Magomed Ankalaev, Jan Blachowicz, Jared Gordon, Bryce Mitchell et Ilia Topuria combinés, pointe-t-il au micro du podcast Fight Disciples. Pourquoi ne devrais-je pas être co-main event?" "Des milliers de Britanniques vont venir à Vegas pour ce combat, ajoute-t-il. La T-Mobile Arena n’aura jamais vu quelque chose comme ça. (…) Sans manquer de respect à Blachowicz et Ankalaev, quand j’aurai terminé mon combat et mon interview, l’énergie va s’éteindre. Quelques milliers de spectateurs vont quitter la salle."
Aucun doute dans son esprit, il est déjà une des étoiles qui brillent le plus dans la galaxie MMA. "Dans notre sport, il y a quelques gens dont le nom est très vendeur: Khamzat Chimaev, Sean O’Malley, Conor McGregor et moi. Ce sont les principaux." Pour un garçon encore loin d’être champion, et que peu voient arriver à la ceinture voire au top 5, les déclarations flirtent avec la fanfaronnade. Mais il y a aussi du vrai. Il y a quelques semaines, alors que les caméras de l’UFC étaient depuis plusieurs jours avec lui pour tourner les images du Countdown, l’habituel film en inside sur la préparation de l’événement, l’intéressé s'en amusait: "Ils savent qui est leur prochaine superstar et ils investissent intelligemment en conséquence".
Quand il débarque à l’UFC, Pimblett est surtout connu des fans assidus du MMA européen, qui l’ont vu prendre la ceinture des plumes du Cage Warriors à 21 ans en septembre 2016 (en battant par TKO le Français Johnny Frachey). Sa première sortie à l’UFC, une victoire par KO au premier round sur Luigi Vendramini, va attirer des regards. Mais la chose se fait à l’Apex, la salle privée de l’UFC à Las Vegas, sans un vrai public. Les deux combats suivants vont tout changer. Après Vendramini, "The Baddy" avait promis de "faire sauter le plafond de la salle" s’il combattait en Angleterre. Bingo. En mars et juillet 2022, à l’O2 de Londres, Pimblett termine Rodrigo Vargas et Jordan Leavitt avant la limite – deux soumissions sur étranglement – devant une foule en feu qui chante "Oh Paddy The Baddy!" à tue-tête et en boucle.
Des scènes à vous donner des frissons, renforcées par des passages électrisants au micro. En mars, il s’attaque à Mark Zuckerberg, patron de Facebook et huitième fortune mondiale (selon Forbes en 2019), pour la suspension de son compte Instagram. En juillet, il livre un discours ultra fort suite au suicide d’un ami quelques jours auparavant pour inciter les hommes à parler quand ils ne voient plus le bout du chemin, des mots qui poussent aujourd’hui certains fans à venir lui dire qu’il leur a "sauvé la vie" en les prononçant et qu’il portera sur son protège-dents lors du combat contre Gordon (il vient également de lancer une fondation autour de ce thème et de l'aide pour nourrir des enfants défavorisés).
Le mix va porter ses fruits. Entre ses performances sportives (même si l’opposition n’est pas encore celle des sommets), où il montre du cœur et n’hésite pas à partir à la bagarre, ses punchlines assassines délivrées avec son accent de Scouser hyper prononcé, sa faculté à faire le show, sa gueule d’ange et sa coupe au bol façon Beatles, Paddy devient vite un visage marquant de l’UFC. Cultivé hors de la cage. Un point va notamment fasciner: sa prise de poids. Entre ses combats, cet amateur de bons gueuletons gonfle comme un ballon. De quoi amuser les suiveurs et provoquer des débats. "Mon ventre n’est pas gros mais mes joues deviennent massives, tout va sur mon visage, et j’ai vraiment l’air d’être gros", se justifiait-il pour RMC Sport au printemps.
Et de poursuivre: "Les gens disent: "Il n’a pas la mentalité d’un champion, il ne reste pas en forme tout le temps". Et alors? J’ai une mentalité de champion pendant les dix semaines avant un combat et quand je suis dans la cage. C’est tout ce qui compte. Le reste du temps, je peux faire n’importe quoi et devenir un gros lard." Dans son blog vidéo sur YouTube, il raconte sa méthode pour perdre plus de 20 kilos avant de combattre. Sans le moindre regret sur ce côté yo-yo qui pourrait un jour lui jouer des tours alors qu’il a renoncé à son idée de se maintenir à un certain poids quand il n’a pas un combat en vue. "Est-ce que je rate le poids? Non. Je préfère être gros et heureux que de pouvoir montrer des abdos mais être misérable. Je veux manger ce que je veux."

On touche à ce qui fait aussi sa notoriété. Paddy "The Baddy" est un gars normal, comme vous et moi ou presque. Et ça le rend attachant. "Je reste moi-même, avec ou sans les caméras, et les gens peuvent s’identifier à moi, ce qui n’est pas le cas pour beaucoup de combattants MMA. Je suis juste un gamin normal qui a assez cru en lui pour arriver où il en est. Les gens sont intéressés par moi. J’ai la personnalité, le look… Je ne sais pas exactement ce que c’est mais c’est comme ça depuis que je suis tout petit. Pas seulement comme combattant mais comme personne. Mes blogs vidéo le prouvent: ils sont plus sur ma vie de tous les jours que sur ma vie de combattant mais ils marchent fort."
L’homme qui "déteste" qu’on prétende qu’il joue un rôle – "Je n’aime pas les gens faux " – n’est pas près d’abandonner son authenticité. "Je ne changerai jamais malgré la gloire ou l’argent. Ça m’est arrivé quand j’ai gagné la ceinture du Cage Warriors. J’étais un peu un idiot. J’ai traîné avec des gens qui voulaient juste rentrer en boîte avec moi. Je me suis même éloigné de ma copine pendant quelques mois. J’ai laissé tout ça me monter à la tête et je suis heureux que ça me soit arrivé. J’ai dû connaître une défaite pour réaliser l’opportunité devant moi. L’argent et la gloire ne changent pas les gens. Ils permettent juste de voir qui ils sont vraiment."
Nature, simple, accessible (il discute personnellement sur les réseaux sociaux), l’homme qui a fait le buzz en soumettant dix Marines américains de suite lors d’un entraînement parvient à se retrouver au centre de l’attention en restant "vrai", comme dans cette vidéo récente où on l’a vu sonner chez quelqu’un et demander de l’eau pour nettoyer les excréments déposés dans le jardin par son chien. "C’est de la courtoisie humaine de base, sourit-il. Mais j’ai halluciné quand j’ai vu que certaines chaînes de télé avaient passé la vidéo. C’est dingue." Il y a ces autres images hilarantes où il raconte son régime alimentaire hors camp d’entraînement en s’endormant presque au micro tant il a ingurgité. Il y en a plein d’autres à travers son blog vidéo.
On peut aussi penser à son passage à notre micro cette année, quand il a raconté son expérience terrifiante de fan de Liverpool pris dans les graves incidents au Stade de France en marge de la finale de Ligue des champions contre le Real Madrid, un témoignage qui a beaucoup fait parler de notre côté de la Manche. Ou encore à sa décision de boycotter la Coupe du monde de foot au Qatar en soutien à sa pote combattante UFC Molly McCann, homosexuelle, et en raison des insultes proférées toute l’année par les autres supporters anglais à ceux de Liverpool. Engagé avec le controversé média américain Barstool, accusé entre autres de misogynie prononcée, Pimblett maîtrise les codes de la communication et sait s’en servir. Malins, son entourage et lui savent aussi profiter de sa notoriété pour la transformer en billets: son équipe nous a récemment demandé de faire… une proposition financière pour pouvoir l’interviewer avant l’UFC 282 (spoiler: on a refusé).
Une démarche qui n'est pas une première comme le montre son embrouille des dernières heures via vidéos interposées avec Ariel Helwani, sans doute le journaliste spécialisé MMA le plus célèbre, un clash qui fait parler mais qui pourrait lui coûter en popularité vu celle du présentateur de l'émission The MMA Hour. Défié pour un sparring à un million de dollars par le Youtubeur devenu boxeur Jake Paul, qu’il a invité à le rejoindre lundi prochain à Las Vegas pour organiser ça, en clash avec le catcheur MJF (champion de l’organisation AEW) via les réseaux sociaux, celui qui va se marier au printemps transcende le simple monde du MMA. Comme avant lui un certain Conor McGregor, à qui on le compare. Le gars de Liverpool, qui compte combattre à Anfield "en 2024 ou 2025", voit un possible futur choc contre l’Irlandais qu’il "respecte beaucoup pour tout ce qu’il a fait pour ce sport" comme un événement qui ferait date: "Ce serait le plus gros pay-per-view de l’histoire de l’UFC".
Pimblett est même prêt à affronter McGregor chez les welters s’il le faut. "Sans réfléchir. Celui qui refuse d’affronter Conor est un idiot." Il y a un an, Paddy disait être encore loin de ce rêve. Les douze derniers mois l’en ont beaucoup rapproché. Mais le chasseur est aussi devenu le chassé. "Je suis la vache à lait que j’annonçais que j’allais être avant même d’être à l’UFC. Tous les poids légers parlent de moi. Ils disent que j’ai peur d’eux car je ne cite aucun nom. Pourquoi ferais-je de la publicité à un autre? Je suis le personnage principal. Ils doivent avoir des posters de moi chez eux tellement ils parlent de moi. Je peux leur signer s’ils me les apportent." Pimblett sait que son statut tient aussi à ses performances dans la cage. Il est prêt à assumer. "Je ne ressens pas la pression. Il n’y en a pas quand tu sais que tu vas gagner. Et c’est la seule chose qui compte. Tout s’écroule si tu ne gagnes pas."
Il faut continuer de gagner pour continuer d’attirer les projecteurs. Jared Gordon, son plus gros test pour l’instant à l’UFC, un homme qu’il respecte pour "s’être sorti de la drogue et être devenu une source d’inspiration pour les autres", est donc une étape essentielle. Il annonce à tous les micros un KO au premier round, fidèle à sa prédiction de trois victoires avant la limite en 2022. La suite pourrait le faire revenir à Londres, où l’UFC a annoncé la tenue d’un pay-per-view (UFC 286) pour le 18 mars à l’O2, même si le timing sera sans doute trop compliqué avec des vacances prévues en Thaïlande en janvier, ou ailleurs. Au centre de l’attention, quoi qu’il arrive. "Après, je referai le co-main event d’un pay-per-view ou je serai la tête d’affiche d’une Fight Night", se projette-t-il déjà.
On ne sait pas encore où tout cela mènera "The Baddy". Mais les qualités trop sous-estimées de ce combattant excellent au sol nen embêteront plus d’un. "Personne ne combat comme moi. Je suis différent, pas normal. Tu ne peux pas vraiment préparer de plan contre moi." Le garçon qui annonce qu’il présentera "(s)on propre programme télé un jour, pas juste un show de MMA" est là pour remplir la mission dont il se sent investi: "J’ai été mis sur cette planète pour combattre et divertir les gens. Et je suis brillant dans ces deux trucs." "Les gens disent que l’UFC me poussent, rappelle-t-il. Non. Je leur offre juste le contenu le plus dingue possible. Les autres sont chiants. Je suis un rêve pour les gens du marketing. Je ne ressemble pas à un combattant, j’ai plus l’air de sortir d’un boys band."
Pimblett en a remis une couche ces dernières heures dans son podcast, avec Dana White en invité: "Vous n’arriveriez pas à vendre une Bible à un chrétien orthodoxe… Mes chiffres sont meilleurs que les vôtres. C’est aussi simple que ça." Le patron exécutif de l’UFC lui répond comme on donne son approbation: "Tu es un garçon intelligent car c’est exactement ça. Certaines personnes, comme Conor McGregor, Sean O’Malley ou toi, ont ce truc en plus. Les gens sont attirés vers toi et ça donne l’impression que tu es plus poussé que les autres. Tu es juste la personne à qui tout le monde veut parler ou faire du business. Comme toujours dans la vie, le problème est que les gens sont jaloux de ceux qui réussissent au lieu d’essayer de faire aussi bien. Ils préfèrent avoir de la haine pour l’autre." "J’ai beaucoup de haters, répond le combattant, accusé par certains de racisme pour des commentaires sur les réseaux sociaux dans le passé. Mais c’est une bonne chose. J’aime leur donner tort."