UFC 285: Jon Jones le champion, le côté clair de sa force

Il fallait le vivre en direct pour vraiment comprendre. Voir les grands noms tomber un par un face à son talent et se demander, chaque fois un peu plus fort: mais qui va donc pouvoir battre ce type? Si certains ont depuis longtemps retiré Jon Jones du débat sur le GOAT (le plus grand de tous les temps) en raison de ses frasques hors de l’octogone, à commencer par plusieurs affaires de dopage, observateurs et fans de longue date du MMA seront en grande majorité d’accord sur un point. Entre le moment où on enferme les deux adversaires dans la cage et celui où on la rouvre, difficile de trouver athlète plus parfait que "Bones", opposé ce week-end à Las Vegas à Ciryl Gane pour la ceinture des lourds de l'UFC dans ce qui peut être vu comme le plus grand combat de l'histoire du sport français.
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Si l’on s’en tient au pur sportif, l’Américain a offert pendant dix ans ce qui se faisait de mieux dans sa discipline. Un bijou pour les yeux. Trop fort pour la concurrence. Et longtemps trop en avance. Fils d’un assistant pasteur, qui aurait préféré le voir se tourner vers l’église plutôt que vers le combat, ce frère de deux futurs vainqueurs du Super Bowl (NFL) va briller sur les tapis de lutte à l’adolescence. Champion de l’Etat de New York au lycée, champion national NJCAA à l’université (pour les community college, state college et junior college, établissements plus accessibles mais moins prestigieux sur le plan scolaire que ceux de NCAA), le futur champion UFC arrête ses études tôt.
UFC 285: Jon Jones l’homme, le côté obscur de sa force
Direction les combats payés en MMA à dix-neuf ans, solution pour gagner sa croûte alors que sa compagne est tombée enceinte. Ses débuts professionnels, en avril 2008 face à Brad Bernard dans l’organisation régionale Full Force Productions, sont expéditifs avec une victoire par TKO dès le premier round. Le talent est palpable, évident. Enorme. Sa trajectoire va aller avec. Il combat encore la semaine suivante. Puis celle d’après. En un mois, il est à 4-0. En trois mois, le bilan atteint 6-0. Et moins de quatre mois après ses débuts, l’UFC l’appelle pour un remplacement de dernière minute.
L’UFC 87, en août 2008 à Minneaopolis, avec Georges St-Pierre et Brock Lesnar sur le carte, est le cadre de sa première dans l’organisation. Où il signe trois succès en moins d’un an avant de tomber sur un premier accroc. Une défaite, la seule de sa carrière, qui n’en est pas vraiment: Matt Hamill le bat pour des coups de coude illégaux alors qu’il dominait le combat de la tête et des épaules au point de demander à l’arbitre d’arrêter les frais quelques secondes avant sa disqualification. Pas grave. La machine est lancée et va tout arracher sur son passage. Après trois nouvelles victoires à l’UFC, la dernière face à Ryan Bader, actuel champion des lourds du Bellator, "Bones" (le sac d’os, pour son physique de l’époque) remplace son coéquipier et ami Rashad Evans dans un combat pour le titre des mi-lourds face à Mauricio "Shogun" Rua.
Légende de la discipline, le Brésilien ne peut rien contre le phénomène Jones, qui le termine au troisième round pour devenir à vingt-trois ans et huit mois le plus jeune champion de l’histoire de l’UFC, record qui tient toujours aujourd’hui. Les grands noms vont ensuite tomber un à un. En une année et demie, il s’offre Quinton Jackson, Lyoto Machida, Rashad Evans – l’amitié avait disparu pour laisser place à une rivalité féroce – et Vitor Belfort. Avec Rua, cela fait cinq combattants qui ont porté une ceinture UFC dans leur carrière battus de suite. Ne cherchez pas: personne n’a jamais signé une telle série à part lui, et sans doute que personne ne le fera à l’avenir.
Au-delà des succès, c’est la manière qui impressionne. Le Jon Jones de l’époque est un problème impossible à résoudre. Virevoltant et créatif, l’Américain propose un style atypique avec des coups jamais vus auparavant, à l’image de coudes ultra violents balancés dans des angles impossibles. Comme si son MMA avait plusieurs années d’avance sur celui des autres. Il débute son combat pour le titre contre Rua par... un coup de genou sauté. Il endort Machida debout avec une guillotine. Il est parfois embêté, à l’image d’une clé de bras de Belfort, mais il trouve toujours la solution. Injouable. Constat similaire pour Chael Sonnen, Alexander Gustaffson et Glover Teixeira, les trois victimes suivantes, même si le deuxième le pousse dans des retranchements inédits.
Les derniers espoirs reposent sur les épaules de Daniel Cormier, ancien lutteur olympique passé chez les mi-lourds car son pote Cain Velasquez est alors champion des lourds de l’UFC, mais "DC" doit également s’incliner sur décision unanime en janvier 2015. Le début d’une série de problèmes qui vont faire dérailler sa carrière. Rattrapé par ses démons intérieurs et par la patrouille antidopage (il a été destitué de son titre deux fois, seul champion dans ce cas dans l’histoire de l’UFC), Jones connaît plusieurs périodes de plus d’un an sans combattre. Mais chaque fois qu’il remonte dans la cage, la sentence est la même pour la concurrence. Défaite.
Devenu plus conservateur dans son style, comme s’il était moins motivé et se contentait du minimum pour gagner et peut-être aussi une conséquences des obstacles à surmonter dans plusieurs combats, Jones ne brille pas lors de ses deux dernières sorties en date dans l’octogone, en juillet 2019 contre Thiago Santos et en février 2020 face à Dominick Reyes. Des résultats controversés, certains voyant les adversaires s’imposer, mais qui basculent toujours en sa faveur. Sa ceinture historique abandonnée en 2020, l’homme qui a battu plusieurs générations de mi-lourds s’est tourné vers une conquête des lourds qui passera par Ciryl Gane ce week-end à Las Vegas, plus de trois ans après son dernier combat, et qui va selon lui confirmer sa place tout en haut de la montagne.
"Cette victoire va consolider mon statut de GOAT", sourit-il au micro de RMC Sport. Il n’en aurait presque pas besoin. Avec 2098 jours cumulés ceinture autour de la taille en deux règnes, le garçon affiche le cinquième total du genre de l’histoire de l’UFC, l’organisation mastodonte du MMA. Il a combattu quinze fois pour un titre, marque partagée avec Randy Couture et Georges St-Pierre, pour quatorze victoires, record qu’il détient seul. Le jeune champion fougueux a changé. Chez les lourds, son corps ne sera plus le même. Mais Jon Jones reste Jon Jones. Avec ses certitudes: "Je suis né pour combattre, c'est mon monde". S’il veut devenir le premier Français champion incontesté à l’UFC, Ciryl Gane va bien devoir gravir l’Everest du MMA.