UFC Paris: du Daghestan à Bercy, le chemin vers les sommets de Nassourdine Imavov

Il y a des comportements qui ressemblent à des déclarations d’intention. Quand Nassourdine Imavov et son frère aîné Daguir ont poussé la porte du MMA Factory, Fernand Lopez a découvert des travailleurs façon sangsues de la salle. Un entraînement? Pas suffisant. La fratrie Imavov squatte toutes les séances possibles. Du matin jusqu’au soir. Avec un objectif en tête, celui balancé par Nassourdine au coach connu pour son travail avec Francis Ngannou et Ciryl Gane: "Je veux être pro de MMA, un champion, et rejoindre l’UFC".
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L’ambition est devenue réalité. Quelques années plus tard, le "Sniper" s’affiche au douzième rang du classement UFC des challengers chez les moyens et sera ce samedi l’une des têtes d’affiche de l’UFC Paris, premier événement dans notre pays de l’histoire de la grande organisation de MMA. Fier et impatient. "Ça fait des mois qu’on attend ça ! Bien sûr que j’ai hâte. Quand on me parle de Bercy rempli, de la foule qui va scander nos noms, j’en ai la chair de poule."
Face au spectaculaire Joaquin Buckley, auteur du KO de l’année 2020 à l’UFC avec un coup de pied retourné entré dans la légende, Imavov aura l’occasion de montrer l’étendue de son talent dans ce qui l’amuse le plus dans une cage: le striking, comprenez le combat debout. Presque une antinomie quand on connaît ses origines. Nassourdine Imavov est né au Daghestan, une république russe fédérée connue pour être une fabrique à lutteurs de haut niveau. Le meilleur représentant du pays à l’UFC, Khabib Nurmagomedov, a brillé toute sa carrière en étouffant les adversaires au sol de sa lutte.
Islam Makhachev, son successeur désigné, désormais coaché par Khabib et qui affrontera Charles Oliveira pour la ceinture des légers fin octobre à Abu Dhabi lors de l’UFC 281, présente un style similaire même s’il y a des différences. Imavov vient du même coin. Mais il n’a pas été formé dans le même moule. Nassourdine commence les sports de combat par la boxe peu de temps après être arrivé en France avec ses parents, direction Marseille puis Salon-de-Provence où il va passer son adolescence. "J’ai été envoyé à la boxe à l’âge de dix ans. Ça m’a beaucoup éduqué."
Il avait tout de même taquiné de la lutte au Daghestan, tradition oblige. Comme des enfants joueraient aux billes ailleurs. "Le combat, là-bas, c’est culturel. Tu vas à l’école et après tu vas au sport. L’homme doit être fort mentalement comme physiquement. Les sports de combat, ça te rend fort. Quand je vivais au Daghestan, si l’ami de mon père venait à la maison avec son gamin et qu’on avait le même âge, je savais déjà que ça allait partir en lutte. Je m’échauffais déjà dans ma chambre à côté. Il y a le père qui regarde et c’est comme une compétition."
Le noble art lui permet d’aborder la chose de façon plus structurée. Mais le garçon va découvrir encore mieux: le MMA, cette discipline où on mixe tous les arts martiaux. « La boxe m’avait un peu saoulé, à travailler les bras encore et encore tous les jours. Je voulais changer et quand j’ai vu ça, j’ai accroché tout de suite. » Imavov a trouvé sa voie. Celle qui va le mener à l’UFC. 'Depuis que je suis petit, j’aime bien me battre, sourit-il. Alors pouvoir le faire dans un cadre avec des règles…" Pour vivre son histoire sans regret, Nassourdine fait un choix fort. A dix-neuf ans, il monte à Paris – où il n’est jamais venu – avec son grand frère, sac sur l’épaule, sans connaître personne ni savoir où dormir. "Si je voulais réussir en MMA, je savais que c’est là où je devais aller", expliquait-il en 2021.
Il sait précisément où. Le MMA Factory de Fernand Lopez. "Personne ne savait qui j’étais où ce que je valais. J’ai dû faire mes preuves, montrer ce que j’avais dans le ventre." Les réponses vont vite arriver. Le potentiel est là, évident. Reste à l’exploiter. Un mois avant ses vingt ans, en février 2016, il passe le test de son premier combat professionnel au 100% Fight à Paris. Une défaite en pancrace – sorte de MMA sans les frappes au sol, ce qui pouvait se faire en France avant la légalisation du MMA au printemps 2020 – qui n’entame pas sa volonté.
Cinq victoires de suite entre novembre 2017 et décembre 2019, dont une pour la ceinture des welters du Thunderstrike Fight League et une au premier round contre l’ancien welter UFC Jonathan Meunier lors du ARES 1, vont lui ouvrir les portes de la plus grosse organisation au monde. Des étoiles plein les yeux. "Quand j’ai reçu premier contrat à l’UFC, j’ai fait une nuit blanche. J’étais super excité. Mes rêves étaient en train de devenir réalité." Il commence son parcours à l’UFC par une victoire sur décision unanime face à Jordan Williams, en octobre 2020.
Quelques mois plus tard, il se retrouve du mauvais côté de la décision (majoritaire) d'un combat mal entamé pour une défaite contre Phil Hawes. Coup d’arrêt? "Ça ne m’a pas empêché d’avancer. Aujourd’hui, je suis douzième du classement des challengers chez les moyens. Et la personne qui m’a battu est très loin derrière. C’était ça le but: soit je fais la revanche et je gagne, soit je le dépasse tellement dans les classements qu’il n’y a aucun doute sur le fait que je sois meilleur." Deux autres victoires suivent, sur Ian Heinisch et surtout Edmen Shahbazyan, ancien gros espoir de la discipline alors classé chez les moyens qu’il termine par TKO au deuxième round lors de l’UFC 268 en novembre 2021 dans l’écrin du légendaire Madison Square Garden de New York.
Les portes du grand monde s’ouvrent peu à peu devant lui et il réclame "quelqu’un du top 5". En avril dernier, à l’UFC 273, il doit affronter Kelvin Gastelum, ancien adversaire du futur champion Israel adesanya pour le titre intérimaire des moyens. Mais un passeport renouvelé trop tard le prive de visa et l’empêche de pouvoir honorer le rendez-vous. Il espère alors un adversaire haut classé pour Paris. Mais difficile à trouver entre les combattants déjà occupés et ceux qui refusent le risque vu son potentiel tant ils ont plus à perdre qu’à gagner face à lui.
"Ce n’est pas un hasard si Marvin Vettori ou Derek Brunson (numéros 3 et 4 du classement des challengers des moyens, ndlr) ont refusé le combat, détaille Fernand Lopez, son coach et son manager. Ils ont dit: 'Je ne le veux pas maintenant'. Nassourdine est donc obligé d’aller chercher quelqu’un derrière lui." Pour être au programme de la première carte UFC en France, événement qu’il ne voulait surtout pas rater, il accepte de prendre un adversaire non classé: Joaquin Buckey. Qui s’est en outre permis de le chambrer sur les réseaux sociaux. Pas forcément une bonne idée quand on entend l’intéresser se raconter: "Je suis très gentil, mais j’ai un autre côté très méchant et très violent".
Après dix mois sans combattre, cet Imavov titillé par Buckley est chaud bouillant. "Plus il va dépasser les limites, plus mon côté violent et méchant risque d’être à son maximum pour le combat. Par respect pour mes adversaires, je ne dis rien, mais comme lui parle beaucoup, je dirais victoire en fin de deuxième round, par KO, TKO ou soumission. Ça va se jouer en striking, un pur combat de pieds-poings. Lui voudra me rentrer dedans car il est petit de taille et que c’est un combattant dur au mal, qui n’a pas peur des coups et qui avance tout le temps. On s’attend à ce qu’il se jette sur nous dès le début et on a préparé une bonne défense pour bien le contrer."
Si tout se passe bien à Paris, il sera alors temps de se retourner vers l’avant. "J’ai déjà un nom en tête à défier après ma victoire mais je le garde en surprise. Après ce combat, on va vraiment viser devant. On a fait une exception car c’est Paris, chez nous, mais on va essayer de viser quelqu’un du top 5 ou top 10." En route vers les hauteurs et la ceinture. "Je ne suis pas à ma place. Le but, c’est d’être premier, champion!" "Il peut être le futur champion UFC, estime Taylor Lapilus, autre combattant UFC (absent sur la carte à Paris en raison d'une blessure) du MMA Factory et consultant RMC Sport. Il est encore jeune, je le vois vraiment toucher le sommet et être champion. Il a un striking terrible, une lutte et un sol qui s’améliorent constamment."
Avec un côté très besogneux qui ne gâche rien. "C’est possiblement le plus gros travailleur de la salle", confirme Lapilus. "Nassourdine est un problème, pour n’importe qui, ajoute Fernand Lopez. Il a le potentiel pour s’asseoir sur le trône de sa catégorie. Il a quelque chose de fantastique, il est extrêmement dangereux." Debout, donc, ce qui n’est pas plus mal quand on sait que les combats spectaculaires plaisent toujours à l’UFC, mais aussi au sol si besoin. "Le style, c’est très important. II faut que ta façon de combattre soit jolie à voir. Le striking, c’est ce qui donne le show. Mais le jour où il faudra montrer la lutte, je serai là. On la garde en réserve." Le sang daghestanais coule bien dans les veines de Nassourdine Imavov.