FFT: les détails de la plainte déposée pour détournement de biens publics et corruption

Depuis la publication de l'enquête RMC Sport révélant un climat de "malaise permanent" au sein de la Fédération française de tennis (FFT), une vague de départs sans précédent et des largesses budgétaires de la part du président Gilles Moretton et de son équipe, les sujets de la gestion financière et des méthodes de management sont revenus dans plusieurs réunions ces dernières semaines.
Un manque de transparence déploré depuis de nombreux mois par certains dirigeants qui a donc poussé plusieurs cadres de la Fédération française de tennis à porter plainte pour détournement de biens publics et corruption, a confirmé le Parquet national financier à RMC lundi dernier.
Une plainte actuellement à l’étude et déposée par sept dirigeants dont Alain Moreau (président de la Ligue Nouvelle-Aquitaine), Pascal Da Costa (membre du Conseil supérieur de tennis), Thierry Grandgeorge (ancien président de la Ligue Centre-Val de Loire), Stéphane Thomann (Président du comité Haut-Rhin de tennis) ou encore des licenciés ou ancien président de club.
Comme nos confrères de Mediapart, RMC Sport a pu consulter cette plainte déposée par plusieurs responsables du monde du tennis. Dans ce document de 13 pages, les plaignants portent à la connaissance du Procureur de la République Financier une plainte contre X du chef de détournement de biens et de corruption.
"Des faits commis au préjudice de la Fédération Française de Tennis, courant 2019 à 2021", expose la plainte. Avant d’ajouter: "Des faits portés à la connaissance des plaignants, il apparait que Messieurs Moretton, Cavallin et Barriere - lesquels entretiennent des liens étroits - ont abusé, et peut-être même de conserve, des fonctions qu’ils ont successivement exercées au sein de la FFT et/ou de ses ligues et comités".
Trois hommes particulièrement visés
La plainte vise particulièrement Hughes Cavallin (ancien directeur de cabinet de Gilles Moretton), Jean-Luc Barrière (trésorier de la FFT) et Gilles Moretton (président de la FFT). "Dans le cadre de leurs fonctions respectives, ceux-ci ont organisé le détournement de billets du tournoi de Roland-Garros au préjudice de la FFT et leur accession aux plus hautes instances de la Fédération leur a permis, aux moyens de nouveaux abus de leurs fonctions, de s’exonérer des conséquences de leurs méfaits, en sus de la récompense à peine dissimulée de Monsieur Cavallin", décrit la plainte envoyée au PNF.
Un document qui décrit par la suite "deux séries de détournement" des billets du tournoi de Roland-Garros, des faits qui auraient été commis en 2020. Le premier "par Monsieur Gilles Moretton, alors Président de la ligue Auvergne-Rhône-Alpes, qui a institué une politique de partenariat commerciaux monnayant les billets obtenus de la FFT" et le deuxième "par Monsieur Jean-Luc Barrière, alors Président du Comité départemental de Paris, qui — à minima pour l’édition 2019 du tournoi — a détourné 40 places au profit de la société AS EVENT". Ces accusations concernent le délit de détournement de biens publics commis au préjudice de la FFT.
"Il n’y a aucun détournement de billets. La fédération met à la disposition des ligues un quota de billets. Elles ont toute latitude de les utiliser dans le cadre de leurs partenariats, avec leurs sponsors, pour des usages de relations publiques. Je l’ai fait lorsque j’étais président de la ligue ARA, nous avons pu financer grâce à ces partenariats la vie de la ligue, des clubs, le rayonnement du tennis dans la région. Toutes les ligues ou presque faisaient de même", explique Gilles Moretton auprès de Mediapart.
Un "pacte corruptif" suspecté par les plaignants
Enfin, la plainte vise aussi des faits de corruption. L’avocat des plaignants Me Jean-Pierre Versini-Campinchi suspecte dans le document un "pacte corruptif" entre plusieurs membres de la FFT.
Cette bataille pour les places intervient en pleine campagne pour la présidence de la Fédération en 2021. Depuis plusieurs mois, Bernard Giudicelli, candidat sortant, bénéficiait du soutien de Hughes Cavallin, président du comité de Paris. Sauf que ce dernier va changer de camp au dernier moment pour rejoindre la liste portée par Gilles Moretton. Selon la plainte, Hughes Cavallin, alors trésorier de la FFT, aurait user de sa qualité de "numéro 3 de la Fédération pour entraver et tenter de mettre fin à l’audit interne réalisé à l’été 2020".
"Il ne concernait pas le fond mais la forme. J’estimais – et j’estime toujours – qu’il fallait pour lancer cet Audit recueillir l’avis du Comité Financier et l’accord du Comex. Une simple demande du Président Bernard Giudicelli, surtout en période pré-électorale, pouvant être sujette à caution (…) Ce n’est donc pas une crainte quelconque d’un audit qui a motivé ma décision de ne pas figurer sur une des listes candidates MAIS c’est parce que j’ai décidé de ne plus figurer sur la liste de Bernard Giudicelli que celui-ci a décidé d’élargir cet audit interne", rétorque Hughes Cavallin dans les colonnes de Mediapart.
A la suite de l’élection de Gilles Moretton, Hughes Cavallin s’est "vu nommer au poste de Directeur de cabinet du Président Moretton, poste créé sur mesure et spécifiquement pour lui", termine la plainte. L’avocat demande aussi un éclaircissement sur plusieurs décisions prises par le comité exécutif de la FFT, dont une le 18 février 2021. Alors qu’on approche la fin de la réunion, dans les questions diverses, le Comex décide de "retirer les saisines" de la commission des litiges visant Hughes Cavallin, Agnès Bourguignon, Jean-Luc Barrière, Brigitte Simon et de Gilles Moretton. C’est maintenant le PNF qui doit décider s’il ouvre une enquête après le dépôt de cette plainte.