Le clash Osaka-Tsitsipas relance le débat sur l'égalité salariale hommes-femmes dans le tennis

La sempiternelle polémique sur l’égalité des primes hommes-femmes a été relancée à l’occasion d’un échange par médias interposés entre Stefanos Tsitsipas et Naomi Osaka. Le champion grec avait déclaré, la semaine dernière à Miami, en conférence de presse, que si les femmes voulaient gagner la même chose que les hommes, elles devaient jouer au meilleur des cinq sets. Autrement dit, les femmes devraient justifier cette égalité salariale par une plus grande endurance physique, selon lui. Les joueuses n’ont pas manqué de lui renvoyer la balle.
Naomi Osaka, ancienne vainqueur de l’US Open, lui a répondu sèchement en conférence de presse: "L’idée ne doit pas venir de la bouche d’un homme", a-t-elle répliqué, proposant à Tsitsipas de jouer en neuf sets. "S’il essaie de prolonger la durée de mon match, je peux en faire de même", a-t-elle expliqué. L’idée que les femmes devraient gagner moins que les hommes sur le circuit est encore très répandue. L'apparition de la lutte pour plus d'égalité coïncide avec l’avènement de l'ère open, et remonte au moins aux premiers combats de Billie Jean King à la fin des années 1960.
Lorsqu’elle remporte l’US Open en 1972, Billie Jean King s’étonne de recevoir 15.000 dollars de moins que son homologue masculin Ilie Nastase, et menace de ne pas revenir l’année suivante si cette injustice n’est pas corrigée. Cette annonce aura d’énormes répercussions, tout comme "la bataille des sexes"*, avec la création du circuit féminin professionnel (WTA) dans les mois suivants, qui sera le point de départ d’une nouvelle ère pour le tennis féminin. Il conduira les organisateurs de l’US Open à proposer des gains équivalents pour les hommes et les femmes dès l’édition 1973 du Grand Chelem new-yorkais.
L'égalité entre hommes et femmes en termes de prize money est depuis devenue la norme dans les tournois majeurs et les Masters 1000 mixtes. Depuis l’US Open, qui fut précurseur en la matière, les trois autres tournois les plus importants du tennis - l’Open d’Australie, Roland Garros, Wimbledon - ont suivi le mouvement et adopté l’égalité salariale entre hommes et femmes. Les primes de match sont les mêmes pour les hommes et les femmes, depuis 2000 pour l’Australie et depuis 2007 pour les deux autres. Il n’empêche, les joueurs sont toujours plus nombreux depuis toutes ces années à contester le bien-fondé de l’égalité des primes.
Le tennis, un sport très inégalitaire?
Gilles Simon, en 2012, estimait que le tennis masculin était "plus intéressant que le tennis féminin". "Comme dans tout business, on doit être payé en fonction de cela", arguait le joueur français. "Les statistiques montrent qu’il y a plus de spectateurs pour les matchs de tennis masculins. Je pense que c’est l’une des raisons pour lesquelles nous devrions gagner plus", déclarait Novak Djokovic en 2016, soit quatre ans plus tard, après sa victoire au Masters 1000 d’Indian Wells.
Un tournoi où les femmes perçoivent les mêmes primes que les hommes. Maîtrisant l’art du contrepied à la perfection, Djokovic avait aussi affirmé en Californie que les "joueuses s’étaient battues pour ce qu’elles méritaient et elles l’avaient obtenu", tout en insinuant que si les hommes pouvaient gagner mieux et plus que les femmes, ce serait encore mieux.
Une posture complètement étrangère à l’Écossais Andy Murray, connu pour ses prises de position en faveur des femmes. Murray a plusieurs fois déploré de prêcher seul dans le désert, s’étonnant de ne pas parvenir à réunir davantage de joueurs à sa cause: "J’ai l’impression d’être le seul à me battre pour les joueuses. Je ne comprends pas pourquoi les tennismen ne sont pas fiers de pratiquer un sport où les salaires entre les hommes et les femmes sont à peu près équivalents."
A peu près seulement, car les revenus tirés des contrats publicitaires, qui constituent l'essentiel de ce que perçoit un joueur professionnel de l'élite, restent largement en faveur des hommes en moyenne. Il n'en demeure pas moins vrai que le tennis est l’un des sports qui répartissent le mieux l’argent entre les hommes et les femmes. Les tenniswomen sont parmi les sportives les mieux rémunérées de la planète.
Naomi Osaka occupait la deuxième place du classement des joueurs de tennis les mieux payés en 2021 avec 60,1 millions de dollars de revenus, devant Serena Williams et Novak Djokovic, selon Forbes. Le tennis reste toutefois un sport très inégalitaire. Seulement, les différences les plus criantes ne sont pas fondées sur le sexe.
*Loin de se satisfaire de son palmarès en 1973, Billie Jean King s'engage pleinement dans un combat pour l'égalité des sexes. La joueuse de tennis répond au défi lancé par l'ancien numéro un mondial Bobby Riggs, profondément misogyne et provocateur. Elle remporte ce match et sugne l'avènement d'une nouvelle ère pour le tennis féminin. Les joueuses s'affranchissent de la domination masculine et créent leurs propres compétitions.