Roland-Garros: la belle histoire de Léolia Jeanjean, tombeuse de Pliskova, au parcours de vie cabossé

C'est la belle histoire du jour. Après s'être imposée lundi (6-4, 6-3) contre l'Espagnole Nuria Parrizas-Dias (45e mondiale), Léolia Jeanjean (26 ans), a fait tomber ce jeudi la tête de série numéro 8, la Tchèque Karolina Pliskova, en deux petits sets (6-2, 6-2). Un exploit, après un parcours de vie cabossé.
"C’est sûr que le trou noir a été assez long. Ce n’est pas de ma faute, ça a été le destin…", dit-elle. Le destin? Une vilaine blessure au genou à l’été 2010, en Russie, quelques semaines avant ses 15 ans. A l’époque, elle domine tout le monde de la tête et des épaules. La Fédération cajole sa pépite et lui détache un entraîneur, les premiers contrats arrivent.
Mais la guérison est bien plus longue que prévu. Quand elle reprend réellement la compétition, le train est passé, l’argent s’est évaporé. Ses parents, sans gros moyens financiers, l’incitent à partir aux Etats-Unis pour un cycle d’études. Là-bas, dans sa fac floridienne, elle joue les matchs par équipes. Mais physiquement, elle est loin du compte.
"Je n’ai volé ma place à personne"
De retour en France, elle obtient une wild card pour un tournoi organisé par la FFT à Poitiers en plein Covid, où elle épatera tout le monde en atteignant la finale. L’idée folle de reprendre le circuit est actée. En janvier 2021, le long périple débute dans le décor de l’Académie de Rafael Nadal, pour 25.000 dollars. Léolia Jeanjean a le matricule 1191. Sortie des qualifs, elle rallie le dernier carré. Le pari est déjà gagné. Cette année, elle a su aller chercher la wild card "destination Roland-Garros". Finaliste à Croissy-Beaubourg et titrée à Calvi, la Toulousaine a très vite largué la concurrence. "Je me suis donnée les moyens. La place, je ne l’ai volée à personne", glisse-t-elle.
Rien pour son style à part, Léolia Jeanjean méritait d’être applaudie à Roland-Garros. Car elle est différente des autres. "Je n’ai pas un jeu stéréotypé. J’aime le jeu, les variations, les amorties, monter au filet, faire en sorte que la joueuse d’en face se sente perdue. Tisser ma toile comme j’en ai envie", développe-t-elle.
Je comptais à l'euro près pour partir en tournoi. Là, je peux préparer une saison, payer un coach...Ça fait beaucoup de bien. Le compte bancaire est content. C'est le début d'une nouvelle vie.
Grâce à son succès sur l’Espagnole Nuria Parrizas Diaz, la Tricolore est assurée de repartir avec un chèque d’au moins 86.000 euros. Pour quelqu’un qui attendait avec impatience le versement du RSA, c’est une sacrée bouffée d’oxygène: "La vie change du tout au tout! Je comptais à l'euro près pour partir en tournoi. Là, je peux préparer une saison, payer un coach... Ça fait beaucoup de bien. Le compte bancaire est content et le banquier aussi. C'est le début d'une nouvelle vie. Car dans dans ma tête, je suis fraîche".
A 26 ans, Léolia Jeanjean peut s’habituer très vite aux tournois du Grand Chelem. Et ce n’est peut-être pas fini. Karolina Pliskova en a fait les frais. Le conte de fées peut se poursuivre au troisième tour.