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Roland-Garros: "Wheelway", le "Waze" des personnes en situation de handicap développé par un joueur de tennis fauteuil

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Dani Caverzaschi, 29 ans, onzième joueur mondial de tennis fauteuil, participe à son premier Grand Chelem à Roland-Garros. L’Espagnol est né avec des malformations aux jambes et se bat pour normaliser le handicap. Alors, en parallèle de sa carrière de joueur professionnel, avec l’aide de l’un de ses sponsors, Arrow, il développe une application pour aider à se déplacer dans les rues de Paris.

Rendez-vous devant la porte 50 de Roland-Garros avec Dani Caverzaschi. Grand sourire, en tenue de sport sur son fauteuil roulant, l’Espagnol prend son téléphone pour lancer l’application "Wheelway", encore un prototype. "C’est une application pour se déplacer, qui vous montre comment aller d’un point A à un point B dans une ville. Et elle vous donne différents itinéraires, les plus accessibles possibles." Il tape "Centre national d’entrainement de la Fédération française de tennis". "C’est à 200 mètres d’ici, et voici la route la plus facile pour y aller."

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Sur le téléphone, tout s’affiche comme sur "waze", l’application des automobilistes: le chemin à suivre, les indications, les directions. "Oui, c’est pareil, mais pour les personnes en fauteuil roulant, ou qui ont des problèmes pour se déplacer. Ça peut aussi être pour des familles avec poussettes, ou des personnes avec bagages." Il commence le chemin, téléphone dans la main gauche, la main droite pour se pousser. "Par exemple, si je trouve un obstacle, je peux l’ajouter. Je vais sur l’appli, j’ajoute, je mets ce que c’est, un trou, un poteau et je mets le niveau de difficulté. Et comme ça, tous les utilisateurs verront qu’il y a un obstacle à cet endroit. Et ici, l’application me dit qu’il y a deux petites marches, mais qu’il y a un autre chemin possible en passant à droite, alors allons à droite."

"Ça prend du sens que l’on fasse cette application pour Paris 2024"

Pour l’instant, cette application, développée avec Arrow, une entreprise spécialisée dans l’électronique, n’est pas opérationnelle. Le lancement est prévu dans deux ans à une date symbolique. "A Paris en 2024, il y aura les Jeux paralympiques, un événement qui expose les personnes avec des handicaps. Et donc ça prend du sens que l’on fasse cette application pour Paris 2024, où ça va faire écho, ça va être un événement incroyable", explique Dani Caverzaschi. Victor Gao, le vice-président d’Arrow, travaille avec le joueur depuis cinq ans: "Si vous vivez sans handicap, les obstacles sont faciles à franchir. Mais pour Dani Caverzaschi, ce n’est pas le cas. Il nous a vraiment aidés sur ce point. Les aspects physiques et mentaux ont été très importants dans la conception de l’application." "Wheelway" sera seulement disponible à Paris au début. "Je suis venu plein de fois à Paris, c’est une ville incroyable, très historique et qui a beaucoup de problèmes d’accessibilité comme d’autres capitales en Europe d’ailleurs. J’ai vécu aux Etats-Unis donc c’est facile pour moi de comparer. Et ici, il y a des pavés, des montées, c’est des fois, difficile pour une personne en fauteuil roulant."

Avec cette application, l’Espagnol espère aider de nombreuses personnes en situation de handicap. "Si moi j’ai besoin d’aide dans la rue, je m’en fiche je demande où j’ai mes amis pour m’aider. Mon handicap n’affecte pas ma vie. Je suis comme ça, je m’adapte et ce n’est pas grave. Mais beaucoup de personnes ne le font pas. Et donc, le problème c’est qu’elles ne vont pas dans la rue ou sont effrayées à l’idée d’y aller parce qu’elles savent qu’elles ne trouveront pas d’endroits accessibles. Ça limite leur vie", explique le joueur. Il souhaite donc rendre la capitale le plus accessible possible. "Pendant les JO de Paris, il y aura beaucoup de touristes et certains avec un handicap. Et c’est important aussi pour la ville, comme Paris, d’avoir plus d’accessibilité, de permettre à ces personnes d’aller dans des endroits où ils peuvent profiter, visiter, aller au restaurant."

"Cette application va sauver ma vie"

Originaire de Madrid, c’est pourtant Paris qui a une place toute particulière dans son cœur. Déjà, pour le côté sportif, lui qui a touché à de nombreux sports. Il a notamment fait du ski en compétition jusqu’à ses quatorze ans avant de se tourner définitivement vers le tennis. "Dans les Grands Chelems (en catégorie tennis fauteuil), il y a seulement les 12 meilleurs du monde qui jouent. C’a été dur de se qualifier mais j’ai réussi. Je vais donc jouer mon premier match en Grand Chelem. Et pour un Espagnol, la terre battue, quand on sait ce que Rafael Nadal a fait ici, et d’autres joueurs espagnols, c’est forcément important pour nous. Pour moi, c’est spécial que mon premier grand chelem soit Roland Garros."

Atteindre ses rêves, vivre de sa passion, l’Espagnol de 29 ans, onzième mondial, se sent chanceux. Et donc aujourd’hui. il veut utiliser sa carrière sportive pour mettre en avant de tel projet. "Ce que j’essaye de combattre est le handicap, le handicap physique, c’est comme tout autre problème, on en a tous. Le mien est physique et se voit, des fois des personnes ont pitié de moi, et souvent les personnes handicapées ne réalisent pas qu’il y a tant de choses que l’on peut faire. Etre joueur de tennis me donne de la visibilité et ce projet avec Arrow, je l’espère, va changer beaucoup de choses pour ces personnes."

"Wheelway" devrait révolutionner les déplacements des personnes à mobilité réduite; estime Dani Caverzaschi: "Elle va me sauver ma vie et j’espère celle d'autres personnes aussi. Quand il y a un passage piéton à 50 mètres mais que je ne peux pas y aller parce que c’est trop étroit, je dois faire demi-tour. Cette appli fera gagner du temps et économiser de l’énergie." Et même si pour l’instant elle sera lancée qu’à Paris, les objectifs sont bien plus élevés par la suite: "D'abord, on se concentre sur Paris et j’espère que ça viendra à Madrid, ça me tient à cœur et un jour partout dans le monde. Et l’objectif final est de normalisé le handicap, que l’on voit les personnes handicapées dans la rue comme des personnes normales. Parce qu’elles représentent statistiquement 50% de la société. Et je veux que ces personnes, n’importe où dans le monde, vivent normalement."

Léna Marjak