Route du Rhum: l'heure du drapeau blanc chez les Ultimes, après les tensions des derniers mois

C’est un secret de Polichinelle. L’ambiance n’est pas au beau fixe dans la classe reine de la course au large. Le ciel s’est assombri il y a un an sur les "Ultimes" à l’heure où le nouveau trimaran de François Gabart commençait à pointer ses étraves sur les flots bretons. En mars, un conflit larvé entre le détenteur du record du tour du monde en solitaire et les autres membres de la classe éclatait au grand jour, car le nouveau navire ne respecte pas la jauge de la classe.
L’affaire a même été jusqu’à une décision de justice le 21 juillet. Les habitués des pontons le savaient, les autres l’ont découvert: le pays des marins n’est pas celui des bisounours. Grâce à une dérogation, le vainqueur du Vendée Globe en 2013 sera finalement au départ demain à Saint-Malo sur la même ligne que ses concurrents qui ont décidé d’enterrer la hache de guerre pour quelques jours et d’évoquer le moins possible le sujet.
"C’est un dossier pas simple, on verra ça après la course"
"On a mis le pavillon blanc sur la table, place au sport, expliquait Armel Le Cléac’h il y a quelques jours. Ce n’est plus le moment d’évoquer ce dossier compliqué de la conformité du bateau de François qui a traîné pendant plusieurs mois. C’est un dossier pas simple, on verra ça après la course."
De son côté, Thomas Coville philosophe et se trouve droit dans ses bottes de marins pour pouvoir se regarder dans la glace le matin : "Il y a des marins qui ont choisi d’être d’autres marins que moi ou avec d’autres règles et on n’était pas d’accord. On l’a dit avec Armel (Le Cléac’h) et Charles (Caudrelier). Je me sens heureux comme je suis et je n’ai pas cet état d’âme. Il s’est passé ce qui s’est passé, ce n’est pas dans mon calcul du moment. Je n’aurai pas pu et pas su me mettre dans sa situation à lui. Sodebo ne m’aurait pas laissé faire et je suis très heureux comme je suis."
Une dernière en solo pour Gabart ?
François Gabart aussi est heureux. Deuxième de la dernière édition quelques minutes derrière Francis Joyon, il regarde désormais devant : "Je suis plutôt content de me projeter donc je préfère les questions qui sont tournées vers l’avenir." Le Charentais a d’ailleurs reçu le soutien de son vainqueur d’il y a quatre ans. "Il méritait largement d’être au départ de cette course et je suis très content qu’il soit là." Mais sur les pontons certains murmurent que cette course en solo pourrait être la dernière de Gabart, fatigué par cette lutte avec ses concurrents et sa recherche d’un sponsor à la suite de Macif pour permettre à la quarantaine de salariés de son entreprise MerConcept de continuer l’aventure il y a deux ans.
Mais, à la question d’un possible retrait, François Gabart botte en touche. "Je n’ai aucune limite même si à une époque j’avais beaucoup navigué. Là pas trop ces derniers temps. Je suis en pleine forme malgré l’âge qui avance. Je n’ai pas navigué en solo depuis la dernière Route du rhum. Ça fait longtemps que je n’avais pas eu autant d’excitation." Et presque perdu le goût de la victoire, la dernière datant de 2016 lors de la Transat anglaise. Même avec cette trêve des Jeux olympique de la voile, ils sont quelques-uns à espérer qu’une nouvelle fois le succès lui échappera. Il y a un mois la question était posée à Armel Le Cléac’h s’il irait serrer la main de François Gabart si ce dernier l’emportait à Pointe-à-Pitre: "Je ne sais pas, on verra, je n’ai pas encore décidé ! J’espère que j’arriverai avant lui, comme ça la question ne se posera pas !" Rendez-vous dans une semaine en Guadeloupe pour voir si le drapeau blanc ne s’est pas envolé pendant la traversée de l’Atlantique.