Vendée Globe 2024: Goodchild et Ruyant, collègues et adversaires, en tête de la course

Quelques semaines avant le départ du Vendée Globe, bien installés dans les nouveaux locaux lorientais de leur écurie, Thomas Ruyant et Sam Goodchild avaient des pronostics simples. "J’aimerais être sur le podium avec Sam et Boris Herrmann, ça serait très international", s’amusait le Dunkerquois. Le Britannique installé en Bretagne ne voulait pas s’imaginer sur la boîte à l’arrivée peut-être par superstition: "Je vois Thomas, Charlie Dalin et Yoann Richomme. Je pense que ce sont clairement les trois projets qui sont les mieux placés pour faire des perfs." Mais pour l’heure et comme l’imaginait les pronostiqueurs Goodchild est bien dans la bagarre avec l’ancien bateau de Thomas Ruyant.
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Comme une écurie de Formule 1
Car le navigateur nordiste, sixième du dernier Vendée Globe, s’est mué en chef d’entreprise aujourd’hui à la tête d’une trentaine de salariés et de TR Racing, basé à Lorient depuis 2018. Il y a plus de trois ans il a décidé de construire un nouveau bateau mais de garder l’ancien dans l’équipe en le confiant à Sam Goodchild début 2023. En septembre dernier Thomas Ruyant évoquait l’originalité du projet. "En sports mécaniques ce sont des fonctionnements qui sont déjà bien éprouvés, donc ce n'est pas si révolutionnaire que ça. C'est juste assez nouveau en course au large. On a essayé de bien fixer le cadre avant de démarrer ce fonctionnement à deux bateaux et de se dire qu'est-ce qu'on partage, qu'est-ce qu'on ne partage pas. Et puis finalement, on partage tout. Il faut être capable aussi de donner, de fonctionner un peu à livre ouvert. C'est aussi pour ça qu'on progresse et que cette collaboration porte ses fruits." Au point de permettre à Sam Goodchild de remporter le titre de champion dans la classe Imoca en 2023 grâce à six podiums sur les six courses où il s’était engagé. Un parcours jusqu’au départ des Sables d’Olonne semé malgré tout d’embûches avec notamment un démâtage en juin dernier lors de la New York-Vendée.
"Better never stop"
À bord de l’ancien bateau de Ruyant le natif de Bristol sait qu’il est moins performant que les nouveaux "foilers" construits récemment. Mais il connaît la puissance de son monocoque baptisé "Vulnerable", mis à l’eau en 2019, vainqueur de la Jacques Vabre 2021 et de la Route du Rhum 2022. Et l’homme aime les défis. "Si c’était facile je ne serais pas là. Je suis motivé par ce Vendée Globe parce que quand je me suis lancé dans l’aventure je ne savais pas si c'était possible, si j'étais capable. Et le fait de petit à petit d’arriver à un point où je sens que je le suis c'est ça qui me motive, même si ça ne va pas être facile."
Et pour progresser vers son objectif Sam Goodchild n’a cessé d’être attentif et pragmatique avec dans un coin de sa tête un leitmotiv: "better never stop." "Ça définit bien le monde de la course au large, c'est qu'on n'arrête jamais d'apprendre. Le jour où on se dit qu'on n'a plus besoin d'apprendre, je pense que c'est le moment où il faut partir à la retraite. Je me rappelle régulièrement cette phrase pour me dire on ne se relâche pas, on ne ralentit pas, parce qu'il y a toujours une manière de progresser." Le vainqueur de l’édition 2012 François Gabart avait une autre phrase pour mener sa machine vers la victoire "fast but not furious", vite mais pas comme un furieux. Pour aller loin l’Anglais sait qu’il doit ménager sa machine. Avant le départ aux Sables il savait la question sensible. "C'est clairement pour moi une de mes inquiétudes et la découverte que je dois faire sur ce Vendée Globe. Quatre-vingts jours, c'est long. Trouver le bon curseur ne va pas être si facile que ça car c’est quelque chose où je n'ai pas énormément d'expérience. C'est une nouveauté pour moi. Sur les transats en double ou en solitaire, où on est parti pour dix jours, ce n'est pas le même tempo."
Thomas Ruyant: "On ne va pas se laisser faire"
Un collègue de bureau désormais adversaire que Thomas Ruyant imagine bien comme premier étranger vainqueur du Vendée Globe. "C'est une course qui s'internationalise et qui doit s'internationaliser. C'est une course qui mérite ça, qui a toute l'aura et toute sa place dans les grands événements internationaux. De voir de plus en plus d'étrangers prendre le départ, déjà c'est génial. Après, de voir un étranger gagner, ça serait super, mais on ne va pas se laisser faire non plus. Si ce n'est pas moi qui gagne, pourquoi pas Sam? Il a les moyens, il l'a montré sur toutes les dernières courses. Il est en place. On se présente quand même avec deux machines prêtes à jouer aux avant-postes. C'est une réussite." Après huit jours de course la réalité du terrain vient confirmer ces constats d’avant-course. Mais la route reste longue avec les aléas des sports mécaniques. Un peu comme dans une écurie de Formule 1.