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Volley: le rêve américain, un père de légende... qui est Hilir Henno, très apprécié par Bernardinho

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Fils aîné de l'ex-libéro international Hubert Henno (254 sélections avec les Bleus), Hilir (18 ans), est parti peaufiner sa formation de volleyeur en Californie aux Etats-Unis, où il songe discrétement aux Jeux de Los Angeles. La nouvelle aventure du talentueux réceptionneur-attaquant est suivie de très près par Bernardinho, le sélectionneur de l’équipe de France.

Les Jeux Olympiques de Paris 2024 approchent. Dans deux ans, il est probable qu’une partie des joueurs de l’équipe de France sacrée à Tokyo - Earvin Ngapeth, Benjamin Toniutti… pour ne citer qu’eux - décide de se mettre en retrait pour certains, voire de passer le flambeau à la génération suivante en vue des Jeux de Los Angeles, en 2028. L’actuel sélectionneur de l’équipe de France, Bernardinho, a déjà cette échéance à l’esprit, comme il l’expliquait à RMC Sport le 12 janvier dernier.

L’été dernier, pour sa première liste en tant que nouveau patron des Bleus, le technicien brésilien a élargi son groupe à de jeunes talents du championnat de France (Paes, Lawani, Rebeyrol…), qui constituent le vivier sur lequel s’appuiera la sélection dans les années à venir, afin de préparer les Jeux de Los Angeles. L'un d'entre eux a justement choisi de s'exiler en Californie, aux Etats-Unis, à l’ombre du Vieux continent. Loin des sollicitations auxquelles il aurait été confronté s’il était resté en Europe. Il a beau être un jeune joueur, en plein processus de développement, son profil suscite déjà les convoitises de nombreux agents et directeurs sportifs de clubs étrangers.

Repéré par... la Juve et le Torino

Du plus loin qu’il se souvienne, Hilir Henno (18 ans), fils aîné de l’ancien libéro de l’équipe de France et du TVB (Hilir a un petit frère, Mathis, lui aussi joueur de volley), a toujours eu un ballon entre les mains. "Ah ça, les gènes, on ne peut pas les enlever", glisse à RMC Sport Hubert Henno. Difficile, en effet, d’échapper au destin du père quand on grandit dans ce bouillon de culture propre à ces environnements familiaux issus du sport de haut niveau. Des incontournables parties de beach à la plage l’été aux salles de volley arpentées le restant de l’année, et ce premier mot prononcé par Hilir: "topi" en albanais, la langue de sa maman, Alketa, ex-internationale. Un mot qui veut dire ballon.

Hilir Henno aurait pu finir avec un ballon de basket ou de foot entre les mains, puisqu’il a pratiqué ces deux sports très jeune, en Italie. Pour la petite anecdote, Hilir s’est même fait remarquer par la Juve et le Torino, les deux clubs phares de la région piémontaise, lorsque son père jouait pour Cuneo (au pied des Alpes-Maritimes). Un intermédiaire de la Vieille Dame (surnom donné à la Juventus) avait pris contact avec la famille. "Il nous avait proposé de faire entrer Hilir dans leur centre de formation très tôt", se remémore Hubert Henno.

Le choix du volley au détriment du foot s’est fait naturellement après un déménagement de la tribu à Macerata (dans la région des Marches, en Italie centrale), selon le père de famille. Hilir, lui, a un souvenir plus précis du moment où la bascule s’est opérée. Alors qu’il se cherche encore beaucoup - "Je voulais tout faire" - ce qui semble normal à cet âge-là (Hilir n’a pas encore 10 ans à cette époque), c’est son petit frère qui va achever de le convaincre.

"Ma mère allait accompagner mon frère au volley. Nous étions en 2011 ou 2012. Je les ai suivis, puis j’ai vu Mathis jouer au volley. J’avais trop envie d’y aller. J’ai demandé l’autorisation à ma mère. J’ai directement accroché. J’ai pris tellement de plaisir, c’était trop bien", savoure Hilir au téléphone, comme s’il goûtait à cette Madeleine de Proust pour la première fois.

Pistonné par Kevin Tillie

De retour en France, à Tours, où la pression de ce nom difficile à porter, sans sentir peser sur soi le poids de la responsabilité, peut s’exercer, c’est le contraire qui va se produire. Et c’est avec beaucoup d’assurance, la tranquillité étant innée chez lui, qu’il fera sien ce patronyme que son père lui a légué durant ses jeunes années de formation au TVB. Il y sera licencié pendant six ans, rejoignant tour à tour le Pôle à Bordeaux, puis le Centre national de volley-ball (CNVB), dont les effectifs constituent l’ossature de l’équipe de France cadets avec laquelle Hilir sera sacré champion d’Europe en 2019, élu meilleur réceptionneur-attaquant du tournoi. Au CNVB, la deuxième année sera celle de la confirmation d’un talent exceptionnel.

Troisième ou quatrième dans la rotation au poste de réceptionneur-attaquant, Hilir profite de la méforme des joueurs qui le devancent dans la hiérarchie pour signer une entrée remarquée face à Nancy, en Ligue B. Il ne quittera plus l’équipe jusqu’à la fin de la saison. Mais pour leur fils qui approche de la majorité, Hubert et Alketa Henno ont un autre projet en tête, celui de l’envoyer étudier aux Etats-Unis. Un projet mûrement réfléchi tout au long de sa scolarité en France. Kevin Tillie - il a raflé deux titres NCAA avec UC Irvine - joue le rôle d’intermédiaire pour faciliter son entrée à Irvine, en Californie. Encore faut-il tomber sur la bonne personne et répondre aux normes d’admissions, très difficiles. Le processus administratif peut se révéler fastidieux.

"À cette époque, il avait de nombreuses possibilités d'aller dans différentes universités", souligne d’ailleurs son coach à UC Irvine, David Kniffin. Le jeune Hilir a l’embarras du choix mais c’est bien Irvine qu’il choisira. Et le "Head Coach" mettra tout en œuvre pour faciliter l’intégration du joueur à son nouvel environnement de travail, loin des conventions européennes. "Le gros avantage avec les Etats-Unis, c’est qu’ils allient sport et scolaire d’une manière incroyable, ce que nous on ne sait pas faire, c’est vraiment top. C’est le rêve", confie Hubert Henno.

"J’ai l’impression de vivre dans un film au quotidien", sourit pour sa part le fils aîné, fasciné par la nouvelle vie qu’il mène, et reconnaissant de l’approche qui se veut constructive dans son développement de joueur, sans pression du résultat le week-end. Les charges de travail sont énormes, en revanche. Quatre à cinq heures par jour sont consacrées au volley, en plus de ses études. "Je galérais au début, j’étais très fatigué, mais je prends ça comme une superbe expérience. Je me fais du mal pour être bon."

"Un super héros de bande dessinée"

Et pour l’instant, il fait plus que répondre aux attentes. Selon certains témoignages que nous avons recueillis, rarement un première année - un "freshman" comme ils sont surnommés là-bas - n’avait autant impressionné. Les performances du fils Henno ont un tel écho outre-Atlantique qu’elles sont parvenues jusqu’aux oreilles du staff de l’équipe de France. "C’est un joueur qu’on regarde très attentivement", reconnaît Mauricio Paes, adjoint de Bernardinho et entraîneur de Tourcoing en LAM.

"C’est un garçon qui présente des qualités physiques, techniques et mentales fort intéressantes", poursuit l’ancien coach du Paris Volley. Nul besoin de chercher à le convaincre, Mauricio Paes en est intimement persuadé, Hilir Henno a le potentiel pour devenir "un très grand réceptionneur-attaquant". Admiratif du parcours de son fils, Hubert Henno ne tarit pas d’éloges à son égard, lui non plus: "Je ne vais pas forcément être objectif, mais franchement, je suis vraiment étonné de le voir à ce niveau." Du haut de ses 2m, à un poste de pointu qui réceptionne en étant gaucher, Hilir Henno apporte de la variété au service et de multiples solutions en attaque pour son équipe.

Plus intéressant encore, dans le cadre de son développement de joueur, les spécificités du championnat universitaire américain ont l’avantage de donner une maturité dans la gestion du stress et du mental, dans le travail technique et physique. Et surtout du temps pour apprendre, un luxe auquel il n’aurait pas eu accès en Europe: "Le fait de se prendre en charge, de se prendre en responsabilité, de gérer son quotidien, ses obligations, va accélérer son processus de maturation", anticipe Paes.

S'il manque inévitablement d’expérience au très haut niveau, Hilir Henno a quatre années devant lui - avant l’obtention d’un diplôme - pour s'imprégner d'une atmosphère de compétition et de compétitivité très intense, qui ne cessera de le pousser dans ses retranchements: "Il n'a pas peur de la difficulté s'il pense que c'est la bonne voie pour lui, rassure David Kniffin. Ses parents lui ont montré la réalité du professionnalisme et de la compétition au plus haut niveau. Je crois que c'est ce qui rend Hilir si spécial."

Aux Etats-Unis, Hilir Henno profite aussi des bienfaits d’une culture sportive qui valorise les dynamiques interpersonnelles dans un groupe, indispensables aux yeux de John Speraw, coach du Team USA et de UCLA. Mais également la relation entre le coach et ses joueurs. Et chacun semble y trouver son compte, selon son coach auquel revient le mot de la fin.

"En tant qu'entraîneurs, nous aimons travailler avec lui, apprécie David Kniffin, sincèrement conquis. Il joue avec une telle passion… Il est ouvert à l'apprentissage. Et il est prêt à remettre en question nos idées avec respect et ouverture d'esprit. Il comprend ses forces et comment ces forces fonctionnent dans le contexte d'une équipe. Il est comme un super héros dans les premières pages d'une bande dessinée. Lorsqu'il développera ses pouvoirs, qu'il acquerra de l'expérience et qu'il comprendra pourquoi il est si doué, ce qu'il peut faire pour les autres grâce à ses talents, je crois sincèrement qu'il pourrait être le super héros de toute équipe qu'il rejoindrait."

https://twitter.com/qmigliarini Quentin Migliarini Journaliste RMC Sport