Seuls Mo Farah et Kenenisa Bekele l'ont fait: pourquoi Jimmy Gressier s'attaque à un mythe en visant le doublé 10.000m/5.000m

Depuis la création des championnats du monde d’athlétisme en 1983, seuls deux athlètes ont réussi le mythique doublé 10.000/5.000. Et ce sont deux légendes absolues de leur sport: le Britannique Sir Mohamed Farah et l’Ethiopien Kenenisa Bekele. Même le phénomène actuel, l’Ougandais Joshua Cheptegei, s’y est cassé les dents. Mais visiblement, sur la piste, aucune montagne n’est infranchissable dans la tête de Jimmy Gressier. "Courir le 5.000m j’en ai très envie, je vais me remettre un game plan dans la tête, me remobiliser. J’espère aller chercher quelque chose de beau. Et on le voit avec mon exemple, tout est possible. J’ai hâte d‘y être." Son coach Adrien Taouji valide l’ambition de son coureur qu’il qualifie régulièrement de "génie de la course à pied". "Il va arriver hyper détendu c’est un point fort supplémentaire. Avec une victoire, on récupère vite et s’il est en finale, il ne sera pas loin de la boîte."
Le 5.000m, course jumelle du 10.000m
Jimmy Gressier est déjà entré dans la cour des grands de l’athlé français. Il rejoint les huit autres champions du monde tricolores en individuel, comme Stéphane Diagana (sur 400m haies en 1997), qui attend d’être surpris par son jeune collègue. "Ce n’est pas sa médaille qui va le faire monter sur le podium du 5.000. On sait très bien qu’en meetings, beaucoup de ses adversaires ont tendance à durcir le rythme au moment où lui, vers le quatrième kilomètre, lève le pied pour préparer la fin de course. Dans ce scénario, il y a encore un avantage pour certains de ses concurrents mais Jimmy a progressé." Une course très rapide pourrait handicaper Gressier et l’effet de surprise ne fonctionnera plus. Mais s’il parvient à s’accrocher, il a toutes ses chances sur le 5.000m, plus sœur jumelle que petite sœur du 10.000m.
"On ne peut pas dire qu’il y a une course rapide et une lente"
Entraîneur-adjoint d’Etienne Daguinos, Français également engagé sur le 5.000m de Tokyo, Yannick Dupouy détaille les ressemblances entre les deux distances. "Sur le 10.000, on court en moyenne à 22km/h et sur le 5000 à 23km/h, donc on ne peut pas dire qu’il y a une course rapide et une lente. Il y a évidemment une endurance à avoir et une adaptation de la vitesse pour durer. Mais en termes d’aisance de course – c’est-à-dire sans se ‘fatiguer’ – c’est deux tiers de la course sur chaque distance. Il faut toujours garder cette capacité de finir vite et le dernier tour à la même importance finalement. A ce niveau-là, la pré-fatigue est la même que ce soit sur 9.600m ou 4.600m." Ensuite, physiquement, l’enchaînement 10.000 puis 5.000 est assez classique et plus simple à gérer que l’inverse. "Paradoxalement, on crame plus le métabolisme sur la course la plus courte, le lactate monte plus haut. Dans le sens 10 – 5, on s’entame moins nerveusement et physiquement."
"Je suis champion du monde, en soi, je n’ai plus rien à prouver"
Une théorie confirmée par la réalité et la balade de Jimmy sur le 10.000m de dimanche dernier, particulièrement "lent" en plus (victoire du Français en 28’55’’77). Gressier confirme avoir l’énergie suffisante pour se battre. "Je n’ai pas trop mal aux jambes parce que ce n’était "que" 28’55 et un dernier 800m solide. Ce ne sont pas des courses qui font mal J’ai le genou inflammé à cause d’un coup mais ça ira." Avant de penser à un doublé qui le ferait entrer au panthéon mondial, il faut donc se pencher sur sa série de ce vendredi. Et même s’il y a des gros finishers, comme le Norvégien Jakob Ingebrigtsen (arrivé à court de forme à Tokyo, éliminé dès les séries du 1500m), le Néerlandais Niels Laros et des cadors comme l’Américain Grant Fisher ou l’Ethiopien Biniam Mehary, Gressier a toutes ses chances de terminer dans le top 8 pour décrocher sa place en finale. Et même s’il se loupe, le gars de Boulogne-sur-Mer ne s’inquiète pas. "Je suis champion du monde, en soi, je n’ai plus rien à prouver. Je suis un amoureux de la course à pied, je ne vais pas renoncer au 5000 pour éviter de me faire taper. On a de la chance de vivre des moments pareils, dans des stades pareils avec des gens pour nous encourager. Il faut continuer à courir."