Les vérités du président de la Fédération française après le terrible crash des Bleus contre la Géorgie à l'EuroBasket

Jean-Pierre Hunckler, pouvez-vous nous raconter la manière dont vous avez vécu l'immense désillusion de l'équipe de France, battue en huitième de finale de l'EuroBasket par la Géorgie? Comment avez-vous vécu ce match et cet après-midi compliqué pour le basket français?
Vous parlez de grande désillusion, moi je parlerais plutôt d'un échec. Mais je l'ai vécu comme tout le monde l'a vécu en France, dans le monde du basket et peut-être même en dehors du basket. Et surtout comme l'a vécu le staff et l'équipe. C'est quelque chose qui n'était pas prévu parce que c'est un match qui normalement devait être à notre portée, mais ça reste aussi la réalité du sport. Surtout avec une équipe composée de jeunes joueurs qui étaient là, pour une bonne partie, sur leur premier championnat d'Europe à ce niveau-là. Ça n'excuse pas tout, mais on sait aussi qu'on est dans une construction qu'on a lancée, avec un objectif qui sont les JO de Los Angeles 2028. Alors bien sûr, il est toujours important de gagner des titres, de gagner des médailles. La France a été sortie en huitième de finale, ce n'est pas notre habitude. L'Espagne n'est pas sortie de la poule, ce n'est pas son habitude. La Serbie a été sortie en huitième de finale, alors que c'était la grande favorite du championnat d'Europe. C'est la réalité du sport de très haut niveau. Maintenant, on ne peut pas se contenter de ça. Il faut savoir réagir et prendre un peu de hauteur, continuer de travailler comme on l'a prévu il y a maintenant un peu plus de six mois.
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Au-delà de l'inexpérience et de ce groupe qui était en construction, ce match-là s'est perdu sur quels aspects selon vous?
L'expliquer techniquement, ce n'est pas mon métier. Il y a des gens beaucoup plus compétents que moi qui étaient sur le banc de touche et sur le terrain. Je pense qu'on n'a pas démarré le match comme on est habitué à le faire, comme on l'a fait contre la Slovénie, comme on l'a fait contre la Pologne. Ce sont des équipes qui sont complexes à jouer, comme l'était d'ailleurs Israël. On n'a pas su corriger ce début de match qui n'a pas été à la hauteur de ce qu'on était habitué de faire… et ce qu'on doit pour pouvoir se mettre sur des bons rails et ensuite dérouler avec nos capacités et nos qualités.
La suite, désormais, va s'écrire avec Frédéric Fauthoux et son staff?
Dimanche, à la demande de Frédéric Fauthoux, on s'est réuni assez tardivement, parce qu'il faut quand même laisser retomber la tension. Il y a eu un debrief fait par Frédéric Fauthoux avec le general manager (Boris Diaw, NDLR). Frédéric Fauthoux, tout le monde le connaît. C'est un gagnant, c'est quelqu'un qui a un caractère fort et c'est assez important. Mais il sait aussi reconnaître quand ça n'a pas fonctionné, quand il y a eu un échec. En toute honnêteté, et c'est tout à son honneur, il a assumé les conséquences, il a assumé cet échec-là. On me demandait mon avis. Je lui ai dit qu'il était hors de question de changer les choses. On ne change pas un entraîneur tous les quatre mois. Il y a eu un choix de fait qui est l'objectif de Los Angeles 2028, je le répète. On sait que la reconstruction n'est jamais facile, c'est semé d'embûches.
Boris Diaw est intervenu après moi. Il a dit que sa génération a été très forte, puisqu'elle a été championne d'Europe, mais qu'il y avait eu beaucoup d'échecs aussi avant. Dernièrement, il y a eu des médailles olympiques, mais il y a eu des échecs. Il faut se rappeler l'échec de la Coupe du Monde (2023, élimination dès la première phase, NDLR), qui n'est pas si vieux que ça. C'était avec une équipe beaucoup plus expérimentée que celle-ci. Donc j'ai dit que j'avais une totale confiance dans ce staff, ce staff au complet, que le travail qui a été fait était bon. On a changé de staff, il y a une nouvelle équipe, il faut aussi que tout le monde trouve sa place. Donc je pense que tout le monde doit continuer de travailler en se serrant les coudes, comme ça a été le cas pendant ces cinq semaines. Ça, je l'ai fait savoir dès hier soir (dimanche).
Justement, quel a été votre discours devant le staff et les joueurs?
Le terme "prendre beaucoup la parole" n'est pas très justifié dans ces situations-là, il faut essayer d'aller au concret. Devant le staff, je l'ai remercié du travail qui avait été fait. J'ai vécu pratiquement trois semaines avec eux entre le championnat d'Europe et la préparation. J'ai vraiment senti un staff regroupé derrière son coach principal avec une volonté de travailler, une volonté d'avancer. Je les ai remerciés pour ça, du temps passé, parce que c'est quand même cinq à six semaines, avec beaucoup de pression. Et devant les joueurs, j'ai tenu le même discours. Je les ai félicités, parce que si on a loupé ce dernier match, il y a quand même eu une volonté de bien faire, une volonté de se battre, une volonté de réussir. Surtout, je les ai remerciés de leur présence parce que ça me paraît important qu'on ait des joueurs qui ont envie de venir en équipe de France, c'est important pour eux, c'est important pour la Fédération française basket et c'est important pour le basket français. J'ai aussi dit qu'on allait tout faire pour qu'ils rentrent dans les meilleures conditions possibles. On a commencé une épopée ensemble, il faut la terminer ensemble, que ça se passe bien ou mal. C'était important de leur donner la possibilité de rentrer dans leur club le plus vite possible et dans les meilleures conditions, c'est ce qu'on a fait. J'ai aussi dit qu'on souhaitait les revoir dès l'été prochain parce qu'il y a des fenêtres qui vont être très importantes en juillet et fin août (pour les qualifications au Mondial 2027, NDLR) et qu'il va falloir qu'on travaille d'arrache-pied.
L'objectif est de continuer à construire avec ce staff et ce groupe. Mais est-ce qu'il y a quand même quelques pistes pour améliorer cette équipe de France, avec peut-être des ajustements dans le staff?
Déjà, il y a quand même des absents sur cette campagne. Il ne faut pas oublier les blessures d'Evan Fournier, de Mathias Lessort, de Vincent Poirier. La blessure, tout de suite avant le début du championnat de Matthew Strazel. Puis la blessure en cours du championnat d'Alexandre Sarr, qui était en train de progresser d'une manière très importante. Il y a bien sûr Rudy Gobert qui exceptionnellement - parce que ce n'est pas son habitude - n'a pas pu être présent. Il faut parler du groupe. Le groupe doit continuer de travailler, on doit continuer de le façonner pour qu'il soit au plus haut niveau. Après, pour le staff, ce n'est pas à moi de savoir s'il y a des choses à améliorer ou pas. Il y a un manager général, il y a un directeur technique national, il y a le staff lui-même, qui a assez de compétences pour pouvoir juger les points qu'il faut améliorer ou pas pour permettre à tout le monde d'être encore plus compétitif qu'on l'a été. Mais encore une fois, les matchs de préparation ont quand même été de qualité. Aujourd'hui, ce qui est dommage, c'est d'être éliminé en huitième de finale en ayant battu les deux équipes qui sont en quart de finale, la Pologne et la Slovénie.
Comme pour Gobert, l'absence de Wembanyama était également un choix (qui était dans son cas causé par sa longue période d'indisponibilité, NDLR). Il représente évidemment l'avenir de l'équipe de France et cet Euro rend sa venue pour une potentielle Coupe du Monde 2027 encore plus importante. Est-ce que vous en avez déjà parlé de cette perspective avec lui, avec son entourage?
Moi, à titre personnel, je n'ai encore pas évoqué ça. Je sais qu'il y a un travail qui est fait, déjà, depuis de longs mois, avec le manager général du groupe France (Boris Diaw) mais aussi avec Freddy (Fauthoux) depuis sa nomination. Il y aura certainement un travail et des contacts à avoir avec tous les joueurs, et c'est le travail du staff. À nous aussi d'expliquer aux joueurs nos projets et comment on peut les monter ensemble. Rudy Gobert a eu des soucis personnels, je le comprends, c'est une des premières fois qu'il n'est pas là, je pense qu'on ne peut pas lui faire de reproches. Il y a beaucoup de gens qui font des plans sur la comète, mais il faut savoir aussi respecter un sportif et un joueur qui a un souci particulier qui l'empêche d'être sur une campagne. Et si on a besoin de Rudy Gobert, je sais que si on le contacte, il nous répondra favorablement.
Après, par rapport à Victor Wembanyama, il y a un travail collectif qui a déjà été engagé auprès de lui. S'il y a besoin que moi-même j'intervienne auprès de lui, on fera les choses. D'ailleurs, j'aurais peut-être à le faire parce qu'on a des projets pour l'avenir au niveau de compétitions importantes (la France pourrait être candidate à l'organisation de la Coupe du monde 2031, NDLR). Si on envisage des possibilités de porter des candidatures pour des grandes compétitions, c'est aussi par rapport à cette génération-là, avec Victor, bien sûr, mais aussi d'autres jeunes. On sait qu'à l'époque où on pourrait candidater pour des grandes compétitions, ce sont des joueurs qui seront en âge et un niveau de leur carrière qui leur permettra d'être en pleine possession de leurs moyens.