Coupe du monde de basket: les clés de l’exploit français face à la Team USA

Les plus pessimistes diront que la Team USA envoyée en Chine n’était certainement pas la mieux équipée, privée des superstars de la NBA toujours plus intéressées par la saison régulière et les Jeux olympiques que par la Coupe du monde. Mais les statistiques donnent quand même à la victoire des Bleus le relief qu’elle mérite. Cela faisait 33 ans que les Français n’avaient plus battu les Etats-Unis. Et cela faisait 13 ans que les Américains n’avaient plus mordu la poussière en compétition officielle. C’est dire la performance réalisée par l’équipe de France de basket, ce mercredi, en quart de finale du Mondial (89-79).
Revanchards après l’Australie
Lundi, les Bleus s’inclinaient dans les derniers instants d’un match crucial face à l’Australie (100-98). Un revers qui leur offrait ce quart de finale en forme d’Everest face aux Etats-Unis. Cette défaite, ils l’avaient encore en travers de la gorge et dans un coin de la tête à l’heure de défier les champions du monde. "On voulait se racheter", confie Frank Ntilikina. Evan Fournier, lui, l’assure: "Face à l’Australie, on n’était pas nous-mêmes."
Finalement, le revers de lundi était peut-être un mal pour un bien. Une façon pour les Français de voir tout ce qu’il ne fallait pas reproduire. Quelques heures avant le quart de finale, Rudy Gobert prévenait: "Si on défend comme contre l’Australie, ce n’est même pas la peine qu’on y aille. Mais si on on a les crocs, il y aura match." Extralucide, le double meilleur défenseur de la NBA.
Tout simplement meilleurs, dans le jeu et dans la tête
En venant défendre son titre en Chine avec cet effectif estampillé NBA mais amputé de ses meilleurs joueurs, la Team USA se savait en danger face à des nations européennes de plus en plus fortes. Le contingent de joueurs européens brillant dans la célèbre ligue nord-américaine en atteste. La victoire étriquée en poule contre la Turquie (93-92) sonnait comme un premier avertissement. Le couperet est tombé mercredi avec l’équipe de France, dont Gregg Popovich a reconnu la supériorité. Le sélectionneur américain a félicité son homologue Vincent Collet et toute l’équipe de France pour leur "travail incroyable".
"C’est la meilleure équipe de France que j’ai vue. Ils ont été bons dans tous les secteurs", a ajouté le coach aux cinq bagues de champion NBA. Elogieux, Popovich a loué des Bleus "très forts en défense, très athlétiques". "Ils ont fait un travail extraordinaire, ils ont été splendides", a-t-il encore lâché.
Même le moment critique du dernier quart-temps, quand les USA menaient 74-67, n’a pas fait dégoupiller la France. "On est restés sur nos bases et on a retrouvé de l'agressivité et la capacité à prendre les derniers rebonds pour finir le job", observe Vincent Collet. "C'est nos c*** qui ont parlé, il faut dire les choses comme elles sont. Mais ce n'était pas que mental. Il y a eu aussi notre intelligence de jeu sur la fin qui a fait la différence", ajoute Evan Fournier.
Rudy Gobert monstrueux
Absolument impérial. "Exceptionnel", de l’aveu même de Gregg Popovich. Rudy Gobert a fait très mal aux Etats-Unis. "Il a été énorme. C'était le Rudy qu'on aime voir des deux côtés du terrain. Il a fait sortir Myles Turner du match. Après ça, ils n'avaient plus personne à l'intérieur, ils n'arrivaient pas à mettre un panier dessous. A chaque fois qu'on l'a cherché en attaque, on l'a trouvé", a résumé Andrew Albicy, aux premières loges pour apprécier le match du géant tricolore.
Du haut de ses 2,16m, la tour de contrôle a rayonné à Dongguan avec ses 21 points, ses 16 rebonds et ses 10 fautes provoquées. "C'est un des matchs d'une vie, oui. J'en rêvais depuis pas mal de temps. Mais il y en a encore beaucoup à jouer!", prévient la star de l’Utah Jazz.
Fred Weis ne tarit pas d’éloges sur la performance superbe de Rudy Gobert: "Enorme, c’est un doux euphémisme. C’est bien plus qu’un énorme match. C’est incroyable, ce qu’il a fait. Il est très bon même sur la fin, où il a encore des cannes, il défend encore et il fait les contres qu’il faut. C’était un exceptionnel Rudy."
2014, plus jamais ça
Lors du dernier Mondial, la France réalisait l’exploit de battre l’Espagne chez elle en quarts de finale avant de s’incliner en demies face à la Serbie. Certes, les Bleus revenaient avec le bronze, mais le goût amer laissé par cette demi-finale perdue persiste.
Cette année, pas question de tomber dans l’euphorie. Même la qualification acquise pour les JO 2020 ne fait pas dévier les Bleus. Les esprits sont déjà focalisés sur vendredi et la demie contre l’Argentine. La leçon de 2014 a été retenu.
"Il y a cinq ans, on a fait ça (se qualifier pour les demies, ndlr) et on a fait une erreur monumentale. Je l’ai dit aux gars: pas de joie. On ne montre rien, parce qu’on n’a rien fait. OK, on bat les Américains, mais on a juste gagné un quart de finale. Il faut apprendre de ce qu’il s’est passé il y a cinq ans. (…) On n’a aucune médaille autour du cou, on n’a rien. On peut être content, mais à 00h01, on passe à l’Argentine. (…) Je ne referai pas la même erreur qu’il y a cinq ans", martèle Nicolas Batum.
Une mission: être champions du monde
Dans la même veine que leur désir d’effacer 2014, l’équipe de France poursuit un objectif clair, net, précis: conquérir le monde. Dans son histoire, la sélection ne s’est parée d’or qu’une fois, en 2013 lors de l’Euro. Cette fois, ils veulent l’or mondial. La Team USA en quarts? Une simple étape.
"Notre objectif, ce n’est pas de battre les Etats-Unis, mais de gagner la Coupe du monde. On va jouer une équipe d’Argentine qui est très forte. C’est à nous de bien nous préparer, nous reposer et étudier leur jeu pour aller chercher la victoire", énumère Rudy Gobert, déjà concentré sur l’étape suivante.
Les mots employés par les basketteurs français rappellent ceux des footballeurs champions du monde en 2018. Eux aussi répétaient cet objectif assumé et se projetaient sur chaque match en Russie habités par cette volonté farouche. Fred Weis synthétise l’état d’esprit des Bleus: "Ils sont dans leur mission, et je pense qu’ils vont aller jusqu’au bout. J’y crois vraiment."