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Betclic Elite: star de Monaco, Mike James est-il le meilleur joueur à avoir évolué pour un club français?

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Auteur d’une performance magistrale dans le match 1 des finales de Betclic Elite contre le Paris Basketball (31 points), en début de semaine, Mike James ne cesse d’éclabousser le championnat de France de tout son talent. Avant le match 3, ce dimanche (18h30), RMC Sport tente de répondre à une question: le meneur de Monaco, MVP d’Euroligue cette saison, est-il le meilleur joueur jamais passé par un club français?

Le propre des magiciens est de ne jamais dévoiler le secret de leurs tours. Alors on ne va pas chercher à comprendre comment Mike James a fait pour inscrire cet improbable lay-up à l’aveugle en fin de deuxième quart-temps lors du match 1 des finales de Betclic Elite contre le Paris Basketball (victoire 90-80). Ni comment il est parvenu à faire chavirer la salle Gaston-Médecin depuis un shoot dans sa propre partie de terrain au buzzer de la mi-temps de cette même rencontre. On se contentera donc d’une question, aussi limpide que difficile à trancher: a-t-on déjà vu un joueur aussi fort que l’Américain dans notre championnat de France?

Avant le match 3, ce dimanche à 18h30 à l’Adidas Arena, Mike James, plus timide lors du match 2 (10 points et 3 passes, défaite 77-70), a régné en maître sur la première manche de ces finales. Avec 31 points (13/21 au tir, dont 5/10 à trois points) et 26 d’évaluation, il a prouvé une énième fois à quel point il était un joueur si spécial.

En France, largement dépassé sur les stats et les distinctions individuelles

Pour déterminer sa place dans la hiérarchie des meilleurs joueurs ayant joué dans notre championnat, il conviendra de préciser qu’il s’agit d’analyser le niveau affiché au moment de porter les couleurs d’un club français. Tony Parker, devenu l’un des meilleurs joueurs européens de toute l’histoire au terme d’une riche carrière NBA mais parti du Paris Basket Racing après seulement une saison accomplie dans l’élite (il y est revenu pour une pige de quelques semaines, à l'ASVEL, lors du lock-out NBA en 2011), n’entre pas dans cette discussion. Pas plus que le coéquipier de Mike James à Monaco, Kemba Walker, sans doute le plus gros CV à avoir débarqué dans le championnat de France (meilleur marqueur de l’histoire des Charlotte Hornets, quatre fois All-Star NBA)... mais très peu utilisé sur le Rocher.

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En termes purement statistiques, Mike James ne tient pas la comparaison avec d’autres légendes du championnat de France. Alors qu’il boucle sa troisième saison en Betclic Elite, sa meilleure moyenne de points sur un exercice remonte à 2021-2022, son premier à Monaco, avec 14,9 points de moyenne. C’est très loin derrière de nombreuses icônes de l’élite française, comme Hervé Dubuisson (26,5 points en 1988-1989 avec le Stade Français), Yann Bonato (23,3 points en 94-95 avec le PSG Racing) ou encore Ed Murphy (34,1 points en 84-85 avec Limoges). Depuis son arrivée dans l’Hexagone, Mike James n’a d’ailleurs jamais figuré dans le top 5 des meilleurs marqueurs de Betclic Elite.

Si l’on s’intéresse aux titres de MVP du championnat de France, l’Américain, jamais sacré, souffre également de la comparaison face aux multi-récompensés comme Antoine Rigaudeau (5 titres de MVP avec Cholet puis Pau-Orthez), Stéphane Ostrowski (4 titres avec Limoges), Cyril Julian (3 titres avec Nancy), Jim Bilba (3 titres avec l’ASVEL), Don Collins (3 titres avec Limoges) ou Ed Murphy (3 titres avec Limoges).

Un instinct de tueur

Élu MVP d’Euroligue cette saison, une grande première pour un joueur évoluant dans le championnat de France, Mike James ne cesse pourtant de repousser les limites. En mars, l’ancien joueur du CSKA Moscou est également devenu le meilleur marqueur de toute l’histoire de l’Euroligue (il en est désormais à 4.623 points). En arrivant en Principauté avec le statut de joueur le mieux payé de l’histoire du championnat de France, avec un salaire estimé à 2,3 millions d’euros annuels, Mike James avait de toute façon comme mission de faire gagner Monaco sur la scène européenne, ce qu’il n’était pas si loin de faire avec une défaite en demi-finale d’Euroligue en 2023.

Mais ce qui fascine chez Mike James dépasse le simple cadre des statistiques et du palmarès. L’Américain impressionne par son mental et sa capacité à se sublimer dans les grands moments. "Il est capable de faire gagner une équipe à lui tout seul", souligne Fred Weis, consultant basket pour RMC Sport. "Un mec capable de faire gagner une équipe tout seul à ce point, c’est tellement rare."

"Dans cette capacité à être un tueur, je n’ai pas souvenir d’avoir vu un mec aussi fort", assure Fred Weis.

Parmi les joueurs qui l’ont le plus marqué, l’ancien pivot des Bleus, passé par Limoges (1995-2000 puis 2010-2011) cite spontanément Delaney Rudd, double MVP du championnat de France avec l’ASVEL en 1996 et 1997, et Micheal "Sugar" Ray Richardson, venu en France (Antibes et Cholet) durant les années 90 après une longue carrière en NBA (New York Knicks, New Jersey Nets).

"Pour moi, et c’est parce que j’ai joué avec lui à Limoges et je l’ai vu faire des trucs de fou ensuite en Euroligue, Marcus Brown était le plus fort que j’avais vu jusque-là. Mais je crois que Mike James est encore plus fort en fait", ajoute Fred Weis. "T’aimes ou t’aimes pas. Parfois, il est un peu individualiste. Parfois, il ne défend pas. Mais quel joueur..."

Véritable encyclopédie de notre championnat, avec près de 25 saisons passées sur les bancs de l’élite (Gravelines, Chalon-sur-Saône et Roanne), Jean-Denys Choulet reconnaît chez Mike James une impressionnante faculté à se montrer décisif en fin de match. "C’est un très fort joueur. Après, j’ai toujours tendance à juger l’élégance, la fluidité. Et au niveau de ces talents, je pense immédiatement à Dee Spencer. Je n’ai jamais vu beaucoup mieux en France."

Sous les ordres de Jean-Denys Choulet, à Roanne, Dewarick "Dee" Spencer a éclaboussé le championnat de France de son talent. L’arrière américain a été MVP étranger de Pro A et meilleur marqueur du championnat (20,6 points) en 2007. Il a surtout été l’un des grands artisans du sacre de champion de France acquis par son équipe cette année-là.

"Dee Spencer, c’était du drive, du shoot à trois points, du dunk, de la défense… C’était tout! C’était un talent incroyable", détaille Jean-Denys Choulet. "Il est parti en NBA et a fait trois jours à Miami avant de se dire 'ce n’est pas pour moi' et se barrer. Son seul problème, c'était les à-côtés. Il n’avait pas l’hygiène de vie d’un joueur de très haut niveau. Tous les joueurs qui ont joué avec lui s’accordent à dire que c’est le meilleur coéquipier avec qui ils ont évolué. Je n’ai jamais vu Dee Spencer forcer comme Mike James."

En prenant le contre-exemple de Dee Spencer, enfant terrible du basket, Jean-Denys Choulet souligne néanmoins la régularité et la longévité de Mike James. "Être présent au très haut niveau pendant toutes ces années, c’est très fort. Il faut une incroyable longévité pour aller chercher le record battu par Mike James en Euroligue."

Et Wembanyama, dans tout ça?

L'ancien coach de Roanne met également sur la table le sujet Victor Wembanyama, qu'il a affronté avec Roanne la saison dernière: "Des joueurs qui m’ont impressionné, il n’y en a pas des millions. Mais il y évidemment Wembanyama, un joueur hors norme."

Avant de partir en NBA, le joueur des San Antonio Spurs a réalisé une saison 2022-2023 sensationnelle sous le maillot de Boulogne-Levallois, avec un titre de MVP de Betclic Elite et une qualification des Mets 92 (à la surprise générale par rapport aux attentes du début de saison) en finale du championnat… contre Monaco.

La folle aventure de Wembanyama dans le championnat de France, sorte de mise en orbite vers un destin unique en NBA, fut aussi brève qu’intense. La "Wemby-mania" n’a duré que quelques mois. Mais le niveau affiché par le Français, N°1 de Betclic Elite à l’évaluation (26), aux points (21,6), rebonds (10,4) et contres (3), également élu meilleur défenseur du championnat cette année-là, l’invite inévitablement dans la discussion.

À l’inverse de la météorite Wembanyama, la belle histoire entre Mike James et le championnat de France devrait encore un peu se poursuivre. Loin des sirènes de la NBA, où il a brièvement pu se montrer en 2021 avec une pige sous le maillot des Brooklyn Nets en playoffs, aux côtés de son grand copain Kevin Durant, l’Américain est sur le point de prolonger à Monaco. Selon BeBasket, il a trouvé un accord avec la Roca Team pour une prolongation de trois saisons et un salaire de trois millions d’euros par an. De quoi continuer à écrire sa légende sur les parquets français.

Felix Gabory Journaliste RMC Sport