Après une draft historique, qu'attendre de Risacher, Sarr et Salaün pour leurs débuts en NBA?

Le monde du basket s’apprête à voir déferler une nouvelle vague bleue sur la NBA. Un an après l’arrivée retentissante de Victor Wembanyama, trois Français ont été draftés dans le top 6 de la draft. En juin dernier, sous les projecteurs du Barclays Center de New York, Zaccharie Risacher (N°1), Alexandre Sarr (N°2) et Tidjane Salaün (N°6) ont permis à l'Hexagone de vivre une soirée historique. Hors États-Unis, c’est la première fois qu’un pays réussit à placer trois de ses représentants dans le top 10.
Après cette soirée d’ivresse, il convient désormais de transformer l’essai. Les trois grands espoirs tricolores ont rendez-vous avec leur destin à l’occasion du début de la saison régulière.
Zaccharie Risacher, la pression du N°1
- 19 ans, 2,06m, ailier
- N°1 de la draft, Atlanta Hawks
- Premier match dans la nuit du mercredi 23 au jeudi 24 octobre contre les Brooklyn Nets (1h30)
Pourquoi il peut s’imposer en NBA
Il débarque en NBA avec le fardeau de la succession de Victor Wembanyama. Zaccharie Risacher n’a pas le profil d’un joueur unique sur le point de révolutionner la ligue nord-américaine, comme c’est le cas de son prédécesseur à la première place de la draft. Mais il a tout de même les qualités pour faire son trou. Athlète longiligne (2,06m), le fils de Stéphane Risacher, médaillé d’argent aux JO 2000 avec l’équipe de France de basket, coche toutes les cases de l’ailier moderne.
Grâce à sa taille, ses longs bras et sa mobilité, il est capable de défendre pratiquement tous les postes, du meneur (par séquence) jusqu’à l’ailier fort adverse. "Moi, je l’attends sur la défense. Qu’il fasse un peu comme Bilal Coulibaly, qu’il gagne ses minutes grâce à sa défense", indique Frédéric Weis, consultant basket pour RMC Sport.
Son aisance sur le jeu rapide va également lui permettre d’exister offensivement. "En NBA, il y a également beaucoup de transition et Zaccharie est très fort là-dessus. C’est un grand gabarit capable de courir et qui adore le jeu ouvert", détaille Stephen Brun dans le podcast Basket Time.
L’adresse au shoot, notamment à trois points, est l’autre gros atout dans la manche de Risacher. Derrière l’arc, il tournait à 45% en Coupe d’Europe et presque 38% en playoffs de Betclic Elite la saison dernière avec Bourg-en-Bresse. Concrètement, il a donc toutes les qualités pour être ce fameux "3&D" (tireur à trois points et bon défenseur) tant recherché par la NBA. Son expérience du haut niveau, avec une finale d’Eurocoupe (la petite sœur de l’Euroligue) et une sélection avec l’équipe de France au compteur, incite également à l’optimisme.
Surtout, Risacher débarque dans une équipe qui colle à ses qualités. Atlanta a déjà son franchise player en la personne de Trae Young, ce qui va enlever un peu de pression à Risacher en termes de scoring (on y reviendra). La saison dernière, les Hawks ont été éliminés aux portes des playoffs (10e de la Conférence Est, défaite au play-in contre les Chicago Bulls) et ont simplement eu de la chance à la loterie de la draft en héritant du premier choix. Risacher ne débarque donc pas dans une équipe en totale reconstruction. "Il va avoir des tirs qu’il aime, c'est-à-dire des tirs avec fixation, car il joue avec Trae Young, un formidable créateur. Il va avoir des tirs ouverts, sachant que l’adresse en catch & shoot est l’un de ses points forts", souligne Stephen Brun. "Ses qualités correspondent parfaitement aux qualités de son équipe. Des mecs autour peuvent créer et le mettre dans les meilleures conditions", valide Frédéric Weis.
Le gros enjeu de sa première saison
Les attentes autour de Risacher sont évidemment moins importantes qu’au moment des grands débuts de Wembanyama, mais l’ailier d’Atlanta va toutefois devoir gérer la pression inhérente à un tel statut. Même si cette cuvée de draft est décrite comme relativement faible, il y a forcément moins de patience autour d’un N°1 de draft que pour n’importe quel autre rookie. L’ancien joueur de Bourg-en-Bresse va devoir se mettre rapidement en route et afficher une solide ligne de stats, surtout en termes de scoring. Sous peine d’essuyer de nombreuses critiques.
Pour ça, Risacher doit forcer sa nature. Même s’il a effectué un gros travail pour apprendre à s’imposer, comme nous l’a confié Frédéric Fauthoux, son coach à Bourg-en-Bresse, l’ailier n’est pas un joueur qui prend naturellement la lumière. Excellent shooteur et solide défenseur, il se présente comme un parfait role player (joueur de rôle), le profil que tous les coachs veulent avoir dans leur effectif. Mais pourra-t-il-briser son plafond de verre en prenant le jeu à son compte sur certaines séquences? Sera-t-il capable de devenir l’un des meilleurs scoreurs de son équipe? C’est tout l’enjeu de sa première saison en NBA. "Il a tendance à donner la balle un peu trop vite à mon goût. Sauf qu’on n’attend pas d’un top 3 de draft qu’il tourne à 10 points de moyenne", tranche Emmanuel Le Nevé, du média Envergure, spécialiste de la draft et du scouting. "Il n’a pas un langage corporel de tueur", approuve Stephen Brun.
Des mots qui font écho au discours de Frédéric Fauthoux lors de l’arrivée de Risacher à Bourg-en-Bresse, à l’été 2023. "Il faut qu'on essaye de le rendre plus tueur, plus agressif, plus entreprenant… Ne pas toujours être un bon garçon", clamait le technicien burgien auprès de RMC Sport. Plus d’un an plus tard, l’intégration à la NBA passera aussi par là.
Notre pari pour sa saison rookie
Zaccharie Risacher devrait avoir un temps de jeu conséquent pour s’exprimer, très certainement dans le cinq majeur. En pré-saison, il s’est en tout cas montré prêt, avec notamment un match à 18 points (à 7/9 au tir dont 3/4 à trois points) contre les Indiana Pacers. Même s’il a toutes les qualités pour exister en NBA, il est très attendu sur sa capacité à prendre le jeu à son compte et à scorer. Le tout dans une équipe qui tournait déjà pas trop mal sans lui, avec un très fort scoreur (Trae Young) à sa tête. Le voir émarger à plus de 12 points de moyenne, avec un très bon pourcentage au shoot et 3 ou 4 rebonds en prime, serait considéré comme une saison satisfaisante.
Alexandre Sarr, un diamant à polir
- 19 ans, 2,16m, ailier fort-pivot
- N°2 de la draft, Washington Wizards
- Premier match dans la nuit du jeudi 24 ou vendredi 25 octobre contre les Boston Celtics
Pourquoi il peut s’imposer en NBA
Dauphin de Zaccharie Risacher à la draft, Alexandre Sarr débarque dans une équipe censée être plus faible que les Atlanta Hawks. Les matchs des Washington Wizards ne devraient pas être les plus intéressants à suivre, mais cette situation est idéale pour avoir du temps de jeu et se développer, d’autant que les dirigeants de la franchise n’hésiteront pas à se séparer de certains de leurs cadres (Jonas Valanciunas, Kyle Kuzma) si une opportunité se présente.
La principale force de l’ancien intérieur des Perth Wildcats est sa défense. Grâce à ses 2,16m et sa mobilité, il devrait immédiatement avoir un impact positif dans la protection du cercle. Un profil qui ne court pas les rues à Washington. "C’est un très bon contreur", loue Frédéric Weis. "C’est là où il va être intéressant, car Washington était une équipe qui prenait beaucoup de paniers à l’intérieur. Il va avoir des minutes car Washington a besoin de lui pour protéger le cercle."
Les qualités physiques du jeune homme permettent également d’être optimiste quant à son intégration en NBA. Entre une détente sèche mesurée à 94cm avant la draft - une marque très élevée pour un intérieur - et une vitesse de déplacement plus qu’intéressante pour un joueur de sa taille, il est incontestablement l’un des rookies les plus impressionnants sur le plan athlétique. Précisément le type de joueurs sur lequel les dirigeants de franchise adorent miser.
Malgré sa taille, le petit frère d’Olivier Sarr, aperçu du côté du Oklahoma City Thunder, peut également s’écarter et shooter de loin, une qualité presque indispensable pour exister dans la NBA moderne. À l’ombre de la Maison Blanche, Sarr pourra également compter sur le soutien de Bilal Coulibaly pour s’intégrer.
Le gros enjeu de sa première saison
L’arrivée de Sarr dans le grand monde de la NBA s’accompagne toutefois d’interrogations. L’intérieur est un diamant à polir, avec une marge de progression qui faisait rêver les scouts. Mais à l’instant T, certains observateurs le considèrent moins “prêt” que d’autres rookies. En attaque, Sarr manque encore de régularité et de diversité dans son jeu offensif.
"Je le trouve un peu léger pour jouer dos au panier, offensivement, il est encore un peu limité", estime Frédéric Weis. "Son principal axe de progression, c’est sa capacité à terminer près du panier. C’est un vrai poste 4, mais il joue beaucoup sur l'extérieur. Dans sa finition proche du panier, il n’a pas toujours été assez bon", insiste Emmanuel Le Nevé. L’intérieur des Wizards, très maladroit au shoot en Summer League (9/47 au tir au total sur quatre matchs) avant de régler la mire en pré-saison (13/27 en cumulé), doit lever les doutes sur sa capacité à être performant en attaque.
Notre pari pour sa saison rookie
Grâce à son impact défensif, Sarr va pouvoir gratter un temps de jeu conséquent sur sa saison rookie. Tout l’enjeu sera ensuite de voir s’il est capable de ne pas être un joueur unidimensionnel et d’exister en attaque. Le potentiel est hors norme, mais, sur le papier, sa progression semble demander du temps. On peut s’attendre à une saison rookie aux alentour des 10 points, 5 ou 6 rebonds et 1,5 contre de moyenne.
Tidjane Salaün, une concurrence à éteindre
- 19 ans, 2,06m, ailier-ailier fort
- N°6 de la draft, Charlotte Hornets
- Premier match dans la nuit du mercredi 23 au jeudi 24 octobre contre les Houston Rockets (2h)
Pourquoi il peut s’imposer en NBA
Avant 2023 et la déferlante tricolore au sommet de la draft (Wembanyama et Risacher en N°1, Sarr en N°2), il aurait tout simplement été le Français sélectionné le plus haut de toute l’histoire. Choisi en sixième position, Tidjane Salaün a été moins médiatisé que Risacher et Sarr. Ce qui ne l’empêche pas d’arriver en NBA avec beaucoup de promesses. Deuxième joueur le plus jeune de la ligue, derrière le Camerounais Ulrich Chomche (Toronto Raptors), Salaün, qui a fêté ses 19 ans le 10 août dernier, a su faire grimper sa cote au fil des mois qui ont précédé la draft.
Avec Cholet, il n’a cessé de monter en puissance au fil de la saison dernière, sa toute première chez les professionnels, avec notamment un titre de meilleur jeune de la Ligue des champions (C3) et un match monumental contre le Paris Basket dans le match 1 du quart de finale de Betclic Elite (19 points, 8 rebonds, 3 passes). Contre le club de la capitale, futur finaliste du championnat, Salaün avait d’ailleurs pris le match à son compte pour offrir la victoire aux Choletais dans une performance bluffante de maturité.
Le frère de Janelle Salaün, médaillée d’argent aux JO de Paris 2024 avec l’équipe de France féminine de basket, ne doute de rien. Son mental de compétiteur est une force. Surtout en étant combiné à une formidable éthique de travail. "Il n'a vraiment peur de rien. Tous les jours, il arrive avec la même attitude. Il faut le virer de la salle (tellement il travaille, NDLR)", souligne Jeff Peterson, le manager général des Charlotte Hornets.
L’ailier-ailier fort va donc pouvoir mettre cette force de travail au service d’un physique taillé sur mesure pour la NBA. Avec ses 2,06m et presque 2,20m d’envergure, le tout combiné à une musculature extrêmement développée, Salaün est prêt à rivaliser avec les monstres athlétiques de la ligue. Grand, long et costaud, il est également un joueur très intense, presque infatigable. Avec l'énergie qu’il a l’habitude de mettre, la plupart de ses passages sur le parquet sont remarqués. Un point positif lorsqu’il s’agit de se montrer lors d’une première année en NBA.
Le gros enjeu de sa première saison
À la différence de Risacher et Sarr, qui devraient avoir un temps de jeu conséquent, Salaün va devoir batailler pour gagner ses minutes. Le talent et le potentiel du garçon sont indéniables, mais l’ancien Choletais fait face à une sacrée concurrence sur son poste. Entre Josh Green, Miles Bridges, Grant Williams voire Cody Martin, les postes 3 et 4 sont bien fournis. "Devant lui, c’est chaud. Il y a des joueurs très sérieux. Pour moi, c’est un projet sur le moyen terme", prévient Frédéric Weis. "Je m’attends à ce qu’il fasse moitié-moitié entre la G-League et la NBA", prédit de son côté Stephen Brun.
En pré-saison, Salaün a beaucoup joué, signe que le staff des Hornets veut le voir à l'œuvre pour le jauger. Dans une équipe qui tente de redevenir compétitive, avec notamment le grand retour de blessure de la star LaMelo Ball, le Français n’aura pas beaucoup le droit à l’erreur. La clé pour lui est ainsi de bonifier chaque minute qui lui sera donnée.
Notre pari pour sa saison rookie
À terme, Salaün a tout ce qu’il faut en magasin pour faire une longue carrière en NBA. Il devrait cependant avoir moins de temps de jeu que ses compatriotes Risacher et Sarr pour faire ses preuves, avec une grosse concurrence sur son poste. Mais l’ailier-ailier fort français est un joueur besogneux, athlétique et intense, le profil-type du rookie qui parvient à se faire remarquer à chaque passage sur le parquet, même les plus brefs. La stat la plus importante de sa saison rookie sera les minutes jouées.