Mondiaux de cyclisme: Alaphilippe, Cosnefroy et les Bleus peuvent-ils conserver leur titre ?

• Dans l’ombre de la Belgique
Dans le discours, on a l’impression de revoir l’équipe de France d’il y a un an. Julian Alaphilippe, champion du monde en titre, explique qu'il ne serait pas malheureux de céder son maillot arc-en-ciel pour "redevenir un coureur normal, moins connu, moins sollicité". Le sélectionneur, Thomas Voeckler, assure que le Français ne "défend" pas son titre mais le "remet en jeu". On se croirait revenu à Louvain mais il s’agit bien des mots choisis à Wollongong, cette semaine.
L’équipe de France souhaite rester dans l’ombre. Elle laisse volontiers la pression à la Belgique de Wout van Aert et Remco Evenepoel, battus à domicile l’an dernier et qui vont devoir faire cohabiter leurs egos ; et au duo Tadej Pogacar et Mathieu van der Poel, phénomènes imprévisibles. Après deux victoires en deux ans, en assumant leur statut de favoris à Imola et en faisant exploser la course à Louvain, les Bleus n’ont plus grand-chose à prouver.
• Alaphilippe, Cosnefroy, l’incertitude autour du leader
Julian Alaphilippe mènera-t-il vraiment l’équipe de France ? En temps normal, ce serait une évidence. Mais après une saison de galères, où le double champion du monde a connu une grave chute sur Liège-Bastogne-Liège avant de se luxer l’épaule sur la Vuelta le 31 août, il y a des doutes. "Tout le monde connaît mon état de forme", disait Alaphilippe sans tourner autour du pot cette semaine. Sauf qu’il reste Julian Alaphilippe, "capable de tout" d’après Thomas Voeckler.
Sa présence en Australie est aussi un atout stratégique. On se méfie forcément d’Alaphilippe, ce qui peut offrir certaines libertés à ses coéquipiers, notamment Benoît Cosnefroy, sélectionné de dernière minute. Le Normand ne souhaitait pas être là, initialement, mais il a été convaincu par Voeckler après sa victoire au GP de Québec, il y a deux semaines. Son profil, proche de celui d’Alaphilippe, en fait un co-leader naturel, même si le sélectionneur refuse pour le moment de donner la hiérarchie.
"Je ne dévoile pas les questions de stratégie", a indiqué Voeckler à RMC Sport, comme pour profiter un peu plus du flou qui entoure les options françaises. Ces dernières semaines, il a même caché jusqu’au dernier moment la venue de Cosnefroy, pour épargner au coureur d’AG2R-Citroën des sollicitations superflues. Bluffer pour mieux régner, les Bleus l’avaient déjà fait l’an dernier à Louvain, avec un plan de course risqué. Ils semblent prêts à remettre ça.
• Laporte, Madouas, Bardet : la force du nombre
C’est le luxe de Thomas Voeckler : avoir plusieurs cartes. Un luxe permis par le parcours, cette bosse de 1,1 km à 7,7%, avec des passages à 14% et deux raidards de quelques hectomètres, qui sera escaladée à douze reprises par le peloton. Elle correspond évidemment aux qualités d’Alaphilippe et Cosnefroy, parmi les meilleurs puncheurs du monde. Mais elle n’effraie pas non plus Bardet, Sivakov, Madouas voire Laporte, peut-être la troisième carte des Bleus, à dégainer dans un scénario où la victoire se joue dans un sprint en petit comité.
Sur le GP E3 ou sur Paris-Nice, au mois de mars, Christophe Laporte avait montré que sur de courtes bosses, il pouvait être presque aussi bon que son coéquipier Wout van Aert, et meilleur que tous les autres. Il est dans la meilleure saison de sa vie, l’a confirmé sur le Tour de France et pourrait passer la journée de dimanche à marquer à la culotte son pote de chez Jumbo-Visma avant de le défier au sprint. Une alternative à de possibles attaques d’Alaphilippe et Cosnefroy dans les forts pourcentages.
Le plus difficile, là-dedans, sera peut-être de décider qui doit se sacrifier. Dans un collectif de neuf coureurs qui compte aussi Sénéchal, Pacher et Armirail, il ne peut pas y avoir six coureurs protégés. Le plan de marche se doit d’être clair, mais Voeckler sait y faire. L’an passé à Louvain, il s’était régalé en demandant à ses hommes de lancer la course de très loin. "Je voulais qu’on nous prenne pour des fous", avait-il expliqué. Les Bleus sont prêts pour un nouveau coup de folie.