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Cyclisme: "Moins aéré, moins sécurisé", les risques de la nouvelle mode du casque de chrono sur les sprints

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À l’image de Casper van Uden, vainqueur de la 4e étape du Giro mardi, la mode des casques de contre-la-montre sur des courses en ligne monte dans le peloton. Avec une part de risque pour un gain "plus que marginal", selon l’ancien coureur Jérôme Pineau, consultant RMC Sport.

Mads Pedersen (29 ans) a remis les choses en ordre pour quelques centimètres. Homme fort du début du Giro, le Danois a remporté sa troisième victoire en cinq étapes, mercredi en dominant le sprint d’un rien devant Edoardo Zambanini. La veille, le porteur des maillots rose (général) et cyclamen (sprint) avait été surpris par un trio de Néerlandais, dont l’étonnant Casper van Uden, vainqueur au look particulier. Le coureur de la formation Picnic-PostNL portait un casque de contre-la-montre enfilé à l’approche de l’arrivée, comme certains de ses partenaires pour mener son train.

"On surchauffe et il y a une vision moins large"

Une mode embrassée par l’équipe Visma-Lease a Bike sur plusieurs courses cette saison dans la quête toujours plus extrême des gains marginaux. Mais les bénéfices de cette innovation laissent sceptique l’ancien coureur Jérôme Pineau. "Sur le sprint, sur la pointe de vitesse, certainement", explique-t-il. "Mais de là à dire que c’est ça qui fait gagner, non. C’est aussi dans la tête pas mal. Avoir ça sur la tête toute la journée, c’est beaucoup moins ventilé et beaucoup moins sécurisé."

Un peu plus risqué donc. "Il y a un système 'mips' obligatoire dans ces casques de compétition qui protège la boîte crânienne en cas de choc", reprend le consultant RMC Sport. "Mais c’est moins aéré donc on surchauffe et en termes de visibilité, il y a une vision moins large qu’un casque traditionnel. Le casque est un peu moins renforcé. EN cas de chute, il est censé protéger le coureur mais il est étudié avant tout pour l’aéro mais pour courir seul, pas pour une course en peloton. Ce n’est pas le casque idéal en peloton pendant 200 kilomètres, c’est sûr."

"Van Uden aurait gagné même sans ce casque"

Le modèle pour les chronos se distingue par son design très profilé, accompagné de larges visières pour limiter la prise au vent. Au détriment de la vue du coureur. "On n’a pas la même vision sur les côtés", détaille l’ancien coureur de Bouyges-Telecom, Quick Step ou IAM. "C’est fait pour poser la tête le plus bas possible, regarder droit devant et que le casque repose bien sur les épaules pour qu’on ait un coefficient de pénétration dans l’air optimal (Cx). Pour un chrono évidemment mais on est seul ou par équipes mais pas en peloton. C’est à mon avis un gain encore plus que marginal. Je pense que van Uden aurait gagné même sans ce casque."

Plus que le sprint en lui-même, le casque de contre-la-montre sert aussi au train mené dans l’emballage final. "Oui mais à condition que le train soit bien mis en place, que les positions soient choisies, qu’il y ait eu un travail en tunnel, qu’ils soient bien les un derrière les autres", tempère encore Jérôme Pineau. "Il a gagné un sprint chaotique et on bien vu qu’il n’y avait pas eu un train technique avec des position aéro les uns derrières les autres. On a vu arriver les combinaisons complètes pour le sprint, maintenant c’est le casque. On le voit de plus en plus avec une visière intégrée. Ça viendra parce qu’il y aura des études et tout le monde trouvera ça génial. Est-ce que ça fait gagner des sprints? Je ne crois pas mais la mode arrive gentiment."

Sur les étapes rapides ou les classiques, le peloton se pare généralement de casque aéro, a mi-chemin entre les modèles traditionnels et ceux du chrono, comme Mads Pedersen. Dans l’usage, rien n’interdit les coureurs d’opter pour le casque de leur choix avant le départ. D’autant que l’UCI reste silencieuse sur cette tendance. Peut-être pas pour longtemps. "L’UCI est souvent en réaction plus qu’en action", conclut Pineau. "Ils ont fait la ‘guerre’ aux chaussettes, aux surchaussures, aux vélos… Ils vont certainement règlementer si ça prend de l’ampleur."

Nicolas Couet Journaliste RMC Sport