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"On n'a pas le droit": vers un zéro pointé et un Tour de France sans victoire d'étape française?

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Toujours fanny après 14 étapes, la France peut trembler à l'idée de boucler le Tour 2025 sans la moindre victoire cette année. La journée de dimanche pourrait avoir des airs de dernière chance.

Encore raté. En voyant Lenny Martinez franchir en tête deux géants pyrénéens, le Tourmalet et le col d'Aspin, la France du vélo a retrouvé des raisons de s'enflammer, ce samedi, se laissant surprendre par son esprit cocardier au point même de croire à une première victoire d'étape sur ce Tour. Une euphorie vite douchée. Déposé par Thymen Arensman dans l'ascension de Peyresourde, puis avalé par les rescapés du groupe des favoris, le jeune grimpeur cannois a dû se contenter sur la ligne d'une… 35e place. Le meilleur Français? Kévin Vauquelin, à près de trois minutes d'Arensman. Alors qu'il ne reste plus que sept jours de course avant de plier bagage sur les Champs-Élysées, aucun coureur tricolore n'a pour l'heure levé les bras.

De quoi agiter le spectre d'un zéro pointé. Et faire ressurgir les fantômes de 1926 et 1999, les deux seules éditions du Tour sans succès bleu-blanc-rouge. Depuis le départ le 5 juillet, il a fallu profiter des quatrièmes places d'Anthony Turgis (1ère étape à Lille), Romain Grégoire (2e étape à Boulogne-sur-Mer) et Bruno Armirail (5e étape lors du chrono à Caen). Des tops 5 ont également été accrochés par Julian Alaphilippe (2e étape), Kévin Vauquelin (5e étape) et Paul Penhoët (9e étape à Châteauroux). Pas suffisant pour sabrer le champagne. Surtout quand on sait que la France était au départ la nation la plus représentée avec 38 représentants sur un peloton de 184 hommes.

Trop d'occasions manquées

"Quand je vois la liste des coureurs français présents sur ce Tour, je me dis qu'on a du beau matos. On n'a pas à rougir de la concurrence et pourtant on n'y est pas. La France, une énorme nation de vélo, qui a l'habitude de briller, ne peut pas se contenter de ces résultats, ce n'est pas possible. On ne peut pas s'en satisfaire, on n'a pas le droit!", déplore l'ancien coureur et consultant RMC Jérôme Pineau, qui pointe "une succession d'occasions manquées". Comme à Toulouse, mercredi. Une étape taillée pour un baroudeur revenue dans l'escarcelle du Norvégien Jonas Abrahamsen, qui était encore à l'hôpital un mois plus tôt après s'être fracturé une clavicule.

"Sur ce tracé, un garçon comme Romain Grégoire avait un gros coup à jouer, mais il s'est troué. On dit de lui qu'il peut être l'égal d'un Julian Alaphilippe à l'avenir, c'est maintenant qu'il faut y aller. Je pense aussi aux premières étapes, promises aux sprinteurs, où on aurait dû tenter. Désolé mais il y a des coureurs dont on ne souviendra même pas qu'ils étaient au départ du Tour...", embraye Pineau, qui cite Vauquelin comme une "vraie bouffée d'oxygène". Distributeur de frissons sur la première semaine, le Normand d'Arkéa-B&B Hotels continue depuis de batailler pour accrocher une belle place au général, lui qui est remonté au 5e rang à la faveur de l'abandon de Remco Evenepoel. Autre motif de satisfaction : la forme affichée par le Breton Jordan Jegat, désormais aux portes du top 10.

Pour le reste, la France attend toujours de faire mouche. Et peut trembler à l'idée de se retrouver fanny. "Ce n’est pas simple, mais on va tout faire pour aller chercher cette victoire, dès qu’on aura une opportunité, on la saisira à 100%", tente de (se) rassurer Valentin Madouas, lui-même en souffrance depuis deux semaines. "Mais peut-être que Pogacar va gagner huit étapes cette année donc ça laisse très peu d’opportunités", sourit-il, en avançant un autre argument derrière la disette française : la gloutonnerie sans limite de Tadej Pogacar. Jamais rassasié, l'ogre slovène en est déjà à quatre victoires au compteur. "On a parfois attendu jusqu'à l'avant-dernière journée pour avoir une victoire (en 2022 avec Christophe Laporte). On n'est pas à la fin de ce Tour, ça peut encore arriver !", assure Warren Barguil, capitaine de route chez Picnic PostNL.

L'étape de Carcassonne en dernière chance?

"Mais on l'a vu à Toulouse, même sur une étape comme celle-là il n'y a pas de place pour des coureurs 'intermédiaires'. Regardez l'échappée qu'il y avait devant, il n'y avait presque que des stars. Maintenant, il faut vraiment être très, très fort pour gagner sur le Tour. Il n'y a quasiment plus d'échappée au long cours avec des coups qui vont au bout", dit-il. Un argument jugé un peu trop facile pour notre consultant Jérôme Coppel : "Pogacar rafle presque tout, d'accord. Van der Poel, Evenepoel, Merlier, Milan, Healy… ce sont également des cadors, la crème de la crème. Mais Abrahamsen et Arensman ne sont pas forcément plus forts que nos coureurs. Il faut forcer le destin. Le problème, c'est que notre meilleure carte, Vauquelin, a le cul entre deux chaises. Comme il est bien placé au général, il n'a pas la liberté pour aller à l'avant et à la pédale il ne peut pas rivaliser avec Pogacar."

Pour avoir droit de vibrer jusqu'à Paris, la France devra donc peut-être se satisfaire de la belle résistance de Vauquelin ou de la quête du maillot à pois de Lenny Martinez. C'est tout? "J'ai envie de croire qu'on va débloquer le compteur", positive Coppel. "Pas dans la haute montagne mais pour moi il y a encore un espoir : la 15e étape demain entre Muret et Carcassonne, avec 2500m de dénivelé. Je pense à Romain Grégoire ou Aurélien Paret-Peintre, qui passent les bosses et qui ont une belle pointe de vitesse pour s'imposer si ça arrive en petit comité." Directeur sportif de Decathlon-AG2R La Mondiale, Sébastien Joly se range dans le camp des optimistes : "Ça peut tout à fait être possible demain. Ou même en dernière semaine. N'oublions pas les Champs-Élysées. Avec les trois passages par Montmartre, pourquoi pas voir un Français gagner à Paris." Sauf si Pogacar décide d'un dernier feu d'artifice dans la capitale...

Rodolphe Ryo, à Luchon-Superbagnères