Tour de France 2025: "Des choses sorties de leur contexte", comment le peloton vit le départ de Netflix

Les caméras de Netflix ne colleront plus aux roues du peloton. Après trois saisons, la plateforme américaine a décidé de ne plus filmer les coulisses du Tour de France via sa série Tour de France : Au cœur du peloton. Une annonce révélée en début d'année dans les colonnes du Parisien et motivée par deux raisons principales: des audiences jugées pas à la hauteur et la difficulté de se renouveler chaque été dans l'écriture du scénario. Depuis 2022, équipes, coureurs et suiveurs avaient appris à composer avec le mastodonte Netflix, ses accès privilégiés, ses moyens tentaculaires et son goût prononcé pour les histoires croustillantes.
"C’était une bonne chose. L’arrivée de Netflix a montré une nouvelle image du cyclisme, ça a permis d'attirer les plus jeunes et un nouveau public donc on peut s’en féliciter. Mais comme toute bonne chose, ça a une fin", expose Stéphane Goubert, directeur sportif de Groupama-FDJ.
En plus du jubilé de Mark Cavendish et du calvaire de Decathlon-AG2R La Mondiale, le dernier volet consacré à l'édition 2024 s'est focalisé sur l'éternel bras de fer entre Tadej Pogacar et Jonas Vingegaard, illustré par leur embrouille sur la folle étape des chemins blancs. "Ce n'était pas très sympa mais dans le feu de l'action, on dit parfois des choses qu'on regrette après", a depuis réagi le champion du monde, pas plus rancunier que ça à l'égard de Netflix.
"Ça arrive tout le temps dans le peloton. Il y a eu beaucoup de tension l'année dernière entre UAE et Visma. Mais il y a beaucoup de respect entre nous. On donne tout sur le terrain mais après l'étape on se tape dans la main." Pas de regrets non plus du côté de Visma d'avoir ouvert ses portes au géant du streaming.
"C'est une bonne série pour tous ceux qui ne connaissent pas le cyclisme. Il y a beaucoup de choses sorties de leur contexte mais j'ai aimé la regarder", a commenté Grischa Niermann, directeur sportif des frelons néerlandais. Le discours n'est pas tout à fait le même chez d'autres formations, pas mécontentes de voir partir Netflix et sa scénarisation poussée à l'extrême. Même si cela signifie tirer un trait sur les 50.000 euros que la plateforme versait en moyenne à chaque équipe pour s'inviter sur le Tour.
Un montage décrié
"Je pense qu'il y a déjà suffisamment de monde sur le Tour, on n'a pas besoin d'en rajouter…", souffle Cédric Vasseur, manager de Cofidis, quand Dominique Serieys dénonce carrément un montage biaisé et tout sauf fidèle à la réalité. Au cœur de la nouvelle saison mise en ligne le 2 juillet, le directeur général de Decathlon-AG2R La Mondiale apparaît comme un personnage aussi froid que sans pitié avec ses équipes.
"En toute honnêteté, avec le travail que j'ai, je n'ai pas vu la série, mais de ce que les équipes ont pu me dire, de ce que des gens proches ont pu me raconter, il y une analyse honnête qui est de dire: ça ne me correspond pas. Je ne suis pas comme ça", a-t-il déploré au micro de RMC Sport.
"Ce ne sont pas mes valeurs ni celles de nos partenaires. Nous étions très satisfaits que Netflix soit impliqué sur le Tour mais vous le savez très bien, c'est scénarisé, c'est monté. (…) On peut faire dire un peu ce qu'on veut quand on regroupe des questions ou certains de mes sourires. Les équipes sont assez touchées. Ce n'est pas ma personne."
Mêmes critiques de la part de Jasper Philipsen, le sprinteur d'Alpecin-Deceuninck, pas toujours présenté à son avantage. "Les créateurs, à l’américaine, cherchent le sensationnel pour booster les audiences", avait-il pesté il y a quelques semaines auprès du média HLN. "On insiste sur ce genre de choses parce qu’elles génèrent de la publicité et des réactions. Nous (l’équipe) ne visionnons pas les épisodes avant leur sortie, alors que cela à des conséquences sur notre nom et notre image."
Les fans frustrés par cet arrêt
Sur les bords de route, les spectateurs interrogés sur le sujet depuis le début du Tour, qu'ils connaissent la liste des maillots jaunes depuis 1903 ou qu'ils aient découvert l'existence de Tadej Pogacar il y a trois jours, sont globalement unanimes: leur été ne sera plus le même sans Au cœur du peloton. "C'est vraiment dommage que ça s'arrête, ça permettait à tout le monde de voir l'envers du décor, comme avec la Formule 1. Ils auraient dû continuer!", nous confiait Mattéo, 25 ans, présent dimanche à Boulogne-sur-Mer pour l'arrivée de la deuxième étape.
"Peut-être que c'était trop scénarisé, mais on voyait plein de choses qu'on ne voit pas d'habitude, comme les briefings à l'intérieur des bus le matin, les stratégies de course et comment les coureurs se préparent plusieurs mois avant le départ du Tour", ajoutait Robin, 32 ans. Qu'ils se rassurent, Netflix n'en a pas tout à fait fini avec le vélo. Un documentaire sur le Tour de France féminin serait ainsi dans les tuyaux.