Tour de France: "Je vois tout ce qui se passe sur la course", au cœur du camion VAR de l'UCI

Les yeux de la course. Sur toutes les étapes du Tour de France, une petite camionnette blanche aux couleurs de l'UCI est placée à proximité de la ligne d'arrivée. À l'intérieur, un commissaire de l'Union Cycliste Internationale installé face à deux écrans. Laurent, commissaire international depuis 1998, est affecté au contrôle vidéo pour la première fois de sa carrière.
"Si l'on compare avec le football, c'est assez similaire, j'ai 16 caméras et je vois tout ce qui se passe sur la course, indique Laurent. Que ça soit au départ, à l'arrivée et même depuis l'hélicoptère. Je sélectionne, j'enregistre les images et je peux aussi les transmettre à mes collègues sur la route pour rectifier certaines situations ou pour prendre certaines décisions." Le système permet également d'avoir un zoom sur les images jusqu'à 250%.
Un système vidéo complet
Au total, cinq personnes composent le jury de la course avec des décisions qui sont prises à la majorité. Laurent, lui, est installé dans son camion, les autres commissaires sont sur la route du Tour. Ces derniers disposent de tablettes pour revoir les éléments coupés par Laurent. "On dépend de tout ce qui est capté par la télévision mais l'avantage c'est qu'on n'a pas seulement ce qui passe en direct, on a la possibilité de saisir et de sélectionner n'importe quelle image à n'importe quel moment", ajoute Laurent.
Les commissaires sur la route du Tour peuvent également remonter des éléments qu'ils ont constaté sur zone. Sur ses écrans, Laurent peut saisir l'horaire et remonter l'ensemble du flux vidéo et ainsi observer n'importe quel moment de la course.
Pendant les étapes, les seules sanctions que les commissaires peuvent donner immédiatement correspondent à une mise hors course ou un déclassement. "Après, il y a des fautes où on prend plus le temps d'en discuter le soir quand tout le monde revient dans le camion", poursuit Laurent, qui indique que les premiers informés sont "toujours les équipes". Dans certains cas, le coureur peut être entendu. "On a suffisamment d'éléments avec ce système vidéo pour avoir notre jugement puisqu'on peut séquencer, détailler, ciseler chaque événement pour avoir une vue très précise", commente Laurent.
Un Tour de France 2025 nerveux?
Si la comparaison avec le foot peut se poursuivre, Laurent explique que le système de l'UCI permet "d'enregistrer les images et de les voir le soir quand il n'y a pas d'urgence". Ce système n'est pas seulement-là pour sanctionner les coureurs, il permet aussi d'avoir un rôle éducatif. "Parfois, on enregistre uniquement pour aller montrer aux coureurs le lendemain pour qu'ils n'aient plus ces comportements, on donne énormément d'avertissements le matin avant le départ, explique Laurent. Certains enregistrements permettent également d'améliorer les comportements de motards par exemple."
Sur ce Tour de France 2025, Laurent sera le seul derrière ces écrans. L'un des moments sensibles pour la vidéo reste le final d'une étape. Les captures caméras sont réparties sur plusieurs petits écrans. Les yeux des commissaires sont rivés sur ces écrans. "Il y a des automatismes comme dans tous les métiers, ça peut paraître complexe", ajoute-t-il. Lorsqu'un commissaire est affecté sur le Tour de France, c'est qu'il maîtrise parfaitement le système VAR.
Depuis le début du Tour de France 2025, le peloton a montré de la nervosité. "C'est clair et indéniable que ça frotte plus, estime Laurent. Aujourd'hui les enjeux sont tellement importants que nécessairement toutes les équipes et tous les coureurs mettent le maximum dans ce Tour de France." Lors de la 4e étape du Tour, les commissaires ont attribué un carton jaune à Bryan Coquard, qui avait involontairement provoqué l'abandon du maillot vert, Jasper Philipsen. Si le Français en reçoit un second d'ici la fin du Tour de France, il sera exclu de l'épreuve.
"Notre décision est souveraine"
Laurent explique cette décision. "On a vu la chute, on a capté les images qui ont directement été transmises aux collègues sur la route. Là, il n'y avait pas de déclassement puisque les deux coureurs victimes des cartons n'étaient pas dans les 15 premiers, donc ne marquaient pas de points. Donc ça nous donne un petit peu plus de temps. Derrière, nous avons prévenu les directeurs sportifs qu'il y aura des sanctions. Nous avons entendu les DS le soir même. Au préalable, nous avions déjà notre idée. On a entendu les arguments des directeurs sportifs. Il y a tout un processus à respecter avant la communication, c'est pour cette raison que ça peut paraître un temps assez long."
"Notre décision, elle est souveraine, ajoute Laurent. Chacun peut ensuite avoir son avis mais c'est comme pour la sélection de football, il y a dix millions de sélectionneurs. Là, il n'y a que cinq personnes qui prennent la décision, c'est nous. Mais on entend les coureurs, on écoute, les collègues sont allés voir les coureurs le lendemain et ils ont expliqué les sanctions."
Les commissaires de l'UCI peuvent également donner des informations sur l'organisation des itinéraires ou encore de la présence de spectateurs à des endroits dangereux. "Par exemple, dans le contre la montre, un spectateur était très mal placé au début dans un angle droit. Il était à l'intérieur du virage et prenait des photos, on s'est très vite rendu qu'il n'avait rien à faire là." Laurent ressent forcément plus de pression sur le Tour de France. "Le Tour est vu par une multitude de personnes mais notre axe de conduite est toujours le même", termine le commissaire de l'UCI.