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Tour de France : les pavés, un bout d’enfer en juillet

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Très attendue, la cinquième étape du Tour propose neuf secteurs et quinze kilomètres de pavés, mercredi. Un mini Paris-Roubaix qui fait très peur aux non spécialistes et aux coureurs en quête du général.

Le Tour digère mal le pudding. Dès qu’il franchit la Manche, le centenaire tousse. En 1998, les douaniers changent la face du cyclisme. En 2007, la gelée booste un poulet danois aux hormones vers l’irréel. En 2014, point de dopage en vue pour l’instant. Mais la deuxième étape sur sol hexagonal pourrait virer au massacre. La faute à neuf portions et quinze kilomètres de pavés. Un mini « Enfer du Nord » en juillet. Chutes, blessures : la spécialité locale pourrait virer à l’indigeste pour les non spécialistes. « C’est une population anormale pour l’endroit, confirme Marc Madiot, le manager de la FDJ et ancien double vainqueur de Paris-Roubaix. Une bonne partie des coureurs, dont les favoris du Tour, connaissent moins le terrain. Cela crée un stress supplémentaire. Comme si on mettait une moitié de pilotes de rallye dans un Grand Prix de F1… »

Fabian Cancellara et Chris Froome font le même métier. Mais sur les pavés, le premier vole quand le second ne cherche qu’à limiter la casse. « Il y aura deux courses, celle pour l’étape et celle pour le général », insiste le Suisse, triple vainqueur à Roubaix. Qui reste méfiant. Spécialiste ou pas, les pavés ne pardonnent pas. Alors ils font peur. « Même avec de l’expérience, on appréhende », appuie Thomas Voeckler. Surtout dans les conditions – pluie, température fraîche – attendues. « Beaucoup de choses peuvent arriver, juge Cancellara. C’est presque de la roulette russe. Soit ça passera bien, soit ce sera un désastre. » Difficile de vivre avec ce risque pour les chasseurs de général.

Portal : « On peut perdre le Tour sur les pavés »

« Pour eux, c’est l’étape la plus incertaine des dix premiers jours, reconnaît Nicolas Portal, directeur sportif de Sky. Ils n’ont pas l’habitude de faire ça. Ça va rentrer plus vite dans les secteurs que sur Paris-Roubaix et ça va être très tendu. Une guerre. On ne peut rien contrôler. Aux gars de sentir les choses. » Ils n’ont pas oublié de se préparer non plus. Froome, par exemple. « Lors des reconnaissances, il n’a vraiment pas eu peur, raconte Portal. On a été rassuré et lui aussi. Après, il reste toujours le doute : il y a un côté technique mais il faut aussi de la chance. » Une bonne dose de sang-froid, aussi. Entre une perte de temps et une chute lourde de conséquences, surtout pour un Froome déjà touché physiquement, le choix est vite fait. « Même s’il y a dix mètres d’écart avec un groupe, il ne faut pas se laisser déborder par l’émotion car c’est là qu’on fait la faute, précise le directeur sportif de la formation britannique. Il va falloir trouver la bonne balance pour prendre les risques nécessaires sans chuter. »

En cas de pépin, les équipes sont organisées. « Vingt personnes du staff viennent exprès pour être à chaque sortie de secteur et essayer de tout anticiper », explique Pierre Rolland (Europcar). Pas emballé par l’idée, Pierrot : « Il faut de tout pour faire un Tour mais je trouve que c’est un peu prendre des risques. Aucun coureur ne sera serein à 100%. » Les arguments positifs s’entendent aussi. « Il va y avoir du spectacle », glisse Arnaud Démare, 12e du dernier Paris-Roubaix. « C’est normal qu’il y ait des pavés, poursuit Madiot. Le Tour est censé couronner le meilleur coureur du monde, donc il faut au moins qu’il soit capable de passer dans les endroits les plus délicats. » Au bout, une récompense indirecte. « On ne peut pas gagner le Tour sur les pavés, conclut Portal. Mais on peut très certainement le perdre. » A bons entendeurs, salut.

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Alexandre Herbinet avec G.Q. et O.S.