Pogacar sur une autre planète, Van der Poel au rendez-vous du bras de fer... le bilan d'une folle saison de classiques

La saison des classiques s’est terminée, dimanche, comme elle avait commencé: par une victoire de Tadej Pogacar. Le Slovène a remporté Liège-Bastogne-Liège pour la troisième fois de sa carrière avec la même aisance que celle sur les Strade Bianche, coup d’envoi de la campagne printanière, le 8 mars dernier. Pendant un mois et demi, le triple vainqueur du Tour de France a livré un gros duel avec Mathieu Van der Poel, qui est resté souverain sur Milan-San Remo et Paris-Roubaix avec une marge plus restreinte sur son rival. Le reste de la concurrence (Skjelmose, Pedersen, Powless) s’est contenté des miettes alors que certains cadors (Evenepoel, Van Aert) ont souffert.
Pogacar, le nouveau cannibale
Tadej Pogacar (26 ans, UAE-Team Emirates) est insatiable. A la sortie d’une année 2024 exceptionnelle (22 victoires, doublé Giro-Tour de France, champion du monde), le Slovène a repris 2025 avec un appétit d’ogre. Vainqueur de l’UAE Tour, il a signé une campagne de classiques exceptionnelle avec sept podiums en autant de courses, et des succès sur les Strade Bianche (malgré une chute), le Tour des Flandres, la Flèche Wallonne et Liège-Bastogne-Liège. Il compte désormais neuf Monuments à son palmarès, soit le troisième total le plus élevé de tous les temps (derrière Eddy Merckx et Roger De Vlaeminck).
Le triple vainqueur du Tour de France aurait pu faire gonfler ce total mais il a perdu le sprint final sur Milan-San Remo contre Mathieu Van der Poel et Filippo Ganna. Il s’est surtout invité sur Paris-Roubaix contre toute attente (même celles de son équipe) où il a longtemps fait le match avec Mathieu Van der Poel avant de perdre ce bras de fer sur une chute à 38 kilomètres de l’arrivée. Il a sauvé l’honneur avec sa deuxième place. Quand il ne gagne pas, il réduit tout de même sa marge sur ses concurrents, une manière d’envoyer un message pour l’avenir.
Au-delà de ses succès, "Pogi" a surtout écoeuré la concurrence par son aisance et sa supériorité insolente comme sur La Flèche Wallonne où son attaque dans le Mur de Huy a fait un écart énorme. Il s’est tout de même laissé surprendre sur l’Amstel Gold Race par Mattias Skjelmose. Il va désormais faire une pause jusqu’au Critérium du Dauphiné avant de se pencher sur le Tour de France où son état de fraîcheur sera scruté après cette campagne de classiques étincelante mais usante.
Van der Poel reste (presque) maître de ses Monuments
Cette campagne de classiques a été magnifiée par le duel entre Mathieu Van der Poel (30 ans, Alpecin-Deceuninck) et Tadej Pogacar. Défié sur ses terres, le Néerlandais est resté souverain sur Paris-Roubaix pour sa troisième victoire de rang (le troisième coureur à signer une telle série). Avant cela, il avait remporté Milan-San Remo pour la deuxième fois. Il s’est en revanche incliné sur le Tour des Flandres (qu’il a gagné trois fois) après avoir cédé face à Pogacar dans le Vieux Quaremont. Van der Poel a agrémenté sa belle campagne d’un succès sur le GP E3 mais avait fait l’impasse sur Gand-Wevelgem pour préparer Paris-Roubaix. Il conclut son printemps avec un palmarès gonflé de deux Monuments (8 au total)
Mads Pedersen, le meilleur du reste du monde
Derrière les deux montres, Mads Pedersen (29 ans, Lidl-Trek) peut afficher l’étiquette du meilleur coureur de classiques du reste du monde. Le Danois a collectionné les places d’honneur: 2e du Tour des Flandres, 3e de Paris-Roubaix, 2e du GP E3, 7e de Milan-San Remo. Il a confirmé ce statut en remportant Gand-Wevelgem en l’absence de Van der Poel et Pogacar, tournés vers Paris-Roubaix
Skjelmose, Powless, les opportunistes
Derrière le trio Pogacar-van der Poel-Perdesen, deux coureurs ont eu droit aux lauriers en ce début de printemps au prix d’un panache magnifique. L’Américain Neilson Powless (28 ans, EF Education – EasyPost) s’est offert A Travers la Flandre au prix d’un finish incroyable. Isolé au milieu d’une échappée avec trois coureurs de la Visma-Lease a Bike, l’Américain a profité du sprint manqué de Wout van Aert pour dompter le collectif néerlandais et lever les bras en vainqueur. Les chances de Mattias Skjelmose (24 ans, Lidl-Trek) semblaient aussi minces dans l’échappée avec Tadej Pogacar et Remco Evenepoel sur l’Amstel Gold Race. Mais le Danois a réussi l’impensable: remporter le sprint devant les deux cadors du peloton.
Evenepoel a manqué de jambes, Van Aert de mental
A court de forme après sa chute à l’entraînement en décembre, Remco Evenepoel (25 ans, Soudal Quick-Step) avait repris avec brio en s’offrant la Flèche Brabançonne. Il était aussi en course pour la victoire sur l’Amstel Gold Race mais il a pris la troisième place derrière Skjelmose et Pogacar, avec amertume. Il n’a en revanche pas fait le match avec le Slovène sur la Flèche Wallonne (9e) et encore moins sur Liège-Bastogne-Liège (59e).
Wout van Aert (30 ans, Visma-Lease a Bike) a semblé aller mieux en termes de condition physique. Mais le Belge, en quête d’une victoire depuis un an sur une course d’un jour (Kuurne-Bruxelles-Kuurne en 2024), a pêché mentalement dans le dernier geste. Son incroyable raté sur A Travers la Flandre malgré deux équipiers à son service (2e) en fut la principale illustration. Également battu au sprint sur la Flèche Brabançonne par un Remco Evenepoel tout juste de retour, il était aussi dans le coup pour des podiums sur le Tour des Flandres et Paris-Roubaix mais il a manqué le coche à chaque fois (4e). Les jambes semblent là, le mental un peu moins.