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"La direction est devenue très agressive": Ayuso règle ses comptes après son départ houleux de l'équipe UAE Team Emirates-XRG

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Dans une longue interview accordée à Daniel Benson, le jeune prodige espagnol Juan Ayuso revient sans détour sur ses deux dernières saisons compliquées au sein de l’équipe UAE Team Emirates. Entre frustrations internes, communication défaillante et perte de plaisir, le futur coureur de Lidl-Trek livre un témoignage sans filtre sur un divorce inévitable.

C’est lors de la Vuelta 2023, conclue à la quatrième place, que Juan Ayuso a commencé à envisager de quitter l'équipe UAE Team Emirates-XRG, l’une des structures les plus puissantes du peloton mondial.

"À chaque course, quand je rentrais chez moi, j'avais l'impression qu'il n'y avait aucune alchimie ni relation", confie-t-il lors d'un entretien accordé au journaliste Daniel Benson. Le sentiment d’un malaise grandissant, nourri par une atmosphère pesante et des tensions internes.

"C'étaient des petites choses après chaque course, mais même dès la Vuelta en 2023, je pensais déjà que si j'avais la possibilité de partir, j'y réfléchirais, mais chaque fois que j'en parlais même légèrement à la direction, la réponse était toujours "non". Je sentais que partir était une possibilité très lointaine, alors j'ai essayé de tirer le meilleur parti de la situation."

Un aveu fort, qui révèle que la rupture entre le jeune coureur espagnol et l’équipe émiratie ne s’est pas faite du jour au lendemain, mais sur la durée, au fil d’une relation professionnelle devenue toxique.

En compétition avec ses coéquipiers

Juan Ayuso ne cache pas que ses deux dernières saisons ont été marquées par une perte de plaisir totale. "Il m'est souvent arrivé de me retrouver en compétition avec mes coéquipiers, et ce n'est pas agréable", explique-t-il encore dans cet entretien aux allures de grand déballage sur la formation de Tadej Pogacar.

La cohésion s’était éffritée au point que la rivalité interne semblait surpasser la solidarité. "Cela s'accumule quand vous devez constamment regarder ce qui se passe à l'intérieur du bus de votre propre équipe plutôt qu'à l'extérieur, avec des coéquipiers qui veulent vous battre. C'était plus une chose progressive qu'un événement ponctuel."

Derrière les mots de Juan Ayuso, on devine la tension d’un collectif où les ambitions individuelles, les egos et la communication approximative ont fragilisé la performance et le bien-être du coureur.

Des critiques envers la direction et Mauro Gianetti

S’il refuse de pointer du doigt des coéquipiers en particulier, Juan Ayuso épargne peu la direction de l’équipe, et notamment Directeur d'équipe, Mauro Gianetti. "La direction n'a jamais clairement communiqué son message ni défini le rôle des coureurs", déplore-t-il.

Plus encore que les erreurs sportives, c’est la gestion interne et le manque de clarté hiérarchique qui l’ont démotivé: "Lorsque des erreurs étaient commises, elles n'étaient jamais corrigées, ce qui m'a beaucoup démotivé. Plus que les erreurs elles-mêmes, c'est la manière dont la direction de l'équipe a géré la situation qui m'a déçu."

Une prolongation refusée et les prémices du divorce

Le début de la fin s’est joué, selon Juan Ayuso, au moment des négociations de prolongation de contrat, en janvier dernier. UAE souhaitait verrouiller son joyau espagnol pour deux années supplémentaires jusqu'en 2029, mais les discussions ont vite tourné à la crispation. "Je leur ai dit que je pouvais prolonger, mais seulement s'il y avait une clause de libération proportionnelle au cas où je voudrais partir à une date ultérieure", raconte-t-il. Le problème, c'est que la direction émiratie souhaitait insérer un clause de cent millions d'euros pour le libérer.

La réponse de l’équipe? Une forme de pression à peine voilée: "À partir de là, la direction est devenue très agressive, au point de me dire que si je ne signais pas la prolongation, nous verrions quel calendrier je suivrais."

L’épisode révèle une relation de confiance brisée, où la logique sportive s’est effacée derrière les enjeux contractuels et les rapports de force internes. "Ils m'ont dit qu'Abu Dhabi serait en colère si je ne signais pas pour deux années supplémentaires, ce qui signifiait un contrat de huit ans, et que cela pourrait avoir des répercussions sur le calendrier que j'aurais pour 2026."

Une fin de Vuelta sous tension

Juan Ayuso a néanmoins pris le départ de la Vuelta 2024, déjà décidé à partir. Il y a remporté deux étapes, mais a aussi été critiqué pour son manque supposé de soutien envers João Almeida, le leader désigné. "Je ne trouve pas cela injuste envers les personnes qui pensent ainsi, car chacun a le droit d'avoir son opinion, mais l'image que l'on donne de moi est très différente de qui je suis vraiment", rétorque-t-il.

L’Espagnol estime avoir été caricaturé, pointant une équipe plus soucieuse de soigner son image que d’apaiser les tensions: "Ce qui me dérange le plus, c'est que l'équipe, au lieu d'essayer de m'aider, du moins ces derniers mois, a essayé d'envenimer les choses et de se donner bonne conscience. J'étais considéré comme le méchant dans cette histoire."

"Je suis disposé à travailler pour les autres"

La page UAE est tournée. À seulement 23 ans, Juan Ayuso s’apprête à entamer un nouveau chapitre de sa carrière chez Lidl-Trek, où il sera leader sur les Grands Tours.
Et l’Espagnol se veut apaisé, enthousiaste et ouvert. Il répond aux critiques en assurant se mettre au travail pour ses futurs coéuipiers.

"Je suis également tout à fait disposé à travailler pour les autres. Je veux montrer que je serai le premier à aider mes coéquipiers à atteindre leurs objectifs." Mattias Skjelmose est donc rassuré, lui qui avait émis une crainte concernant l'implication de l'Espagnol envers ses coéquipiers au sein de l'équipe Lidl-Trek.

Maxence Mullié