Brésil: le soutien de Neymar à Bolsonaro ? "Il y a un côté opportuniste", juge un spécialiste en géopolitique

Jean-Baptiste Guegan, Neymar a de nouveau exprimé son soutien à Jair Bolsonaro avant l'élection présidentielle au Brésil. Comment l’expliquer ?
Pour Neymar, il y a un côté opportuniste. On sait que c’est un conservateur et qu’il a eu un entretien avec ses représentants et Bolsonaro pour la question fiscale. Par ailleurs, quand on parle de Neymar, il ne faut pas le considérer comme un footballeur mais comme un expatrié millionnaire. Il ne vit plus au Brésil. Il fait partie des catégories les plus favorisées du pays. De fait, il n’a pas tendance à oublier d’où il vient mais plutôt à regarder où il vit. Il fait partie de ceux qui ont les revenus les plus élevés au Brésil. Il va donc aller vers ceux qui fiscalement et économiquement vont dans son sens.
Il y a aussi une autre raison que l’on a tendance à oublier: les valeurs. Pour nous le foot, c’est d’abord l’éducation, des valeurs progressistes. Au Brésil, il y a une autre dimension liée au facteur religieux. Il y a un conservatisme évangélique. Neymar s’inscrit aussi là-dedans. C’était aussi le cas pour Lucas Moura. Et ce que l’on voit en creux derrière, c’est la question de l’éducation. On est face à des jeunes footballeurs qui n’ont pas connu la dictature, qui n’ont pas forcément reçu un niveau d’éducation pour appréhender les choses dans leur complexité. Il y a donc beaucoup de raisons qui vont s’amalgamer et expliquer pourquoi beaucoup de sportifs brésiliens vont voter pour Bolsonaro.
Cela permet à Jair Bolsonaro d’être un peu plus populaire….
Oui, d’autant que Bolsonaro n’est plus en position de gagner mais plutôt en position de challenger face à Lula. La question est de savoir s’il sera réélu. Pour cela il lui faut des soutiens de taille. Neymar est un atout mais ce n’est pas le seul. D’autres footballeurs brésiliens ont appelé à voter pour la continuité parce qu’ils ont peur de Lula pour plein de raisons. On est face à une polarisation que l’on retrouve aussi chez nous. Très peu de footballeurs ont appelé à voter pour l’extrême droite en France mais on a aussi des footballeurs qui ont appelé à ne pas voter pour l’extrême gauche ou la gauche en général. Pour Bolsonaro, c’est la dernière chance. Il est largement distancé dans les sondages. Notre Trump brésilien a tout intérêt à profiter des rares soutiens médiatiques qu’il a encore.
Peut-on dire qu’il utilise le sport à des fins électoralistes ?
Sur sa première élection, c’était le candidat des sportifs. Là, c’est un peu moins vrai. Il a déçu. Beaucoup de footballeurs et de sportifs brésiliens qui l’ont soutenu et ne le soutiennent plus maintenant ou se font discrets. On est face à une situation moins évidente. Ce n’est plus le candidat des sportifs. Ce n’est plus le candidat qu’on voyait sur un terrain en train de taper dans le ballon et qui pouvait paraître plus proche du terrain que les autres.
Pour revenir sur le cas Neymar, sa situation serait donc plus avantageuse sur le plan fiscal avec Bolsonaro ?
C’est une question importante dans son choix. Avec Lula, son cas fiscal sera traité autrement. Aujourd’hui, c’est un fraudeur fiscal. Il serait obligé de payer ce qu’il doit. Avec Bolsonaro, en échange d’un soutien public, il sait pertinemment que sa dette sera probablement diminuée. On est face à un mélange assez bizarre entre l’affairisme de la famille Neymar, le soutien public et politique du joueur, et un Bolsonaro qui utilise clairement l’Etat pour d’autres raisons. Heureusement, d’autres voix se font entendre, notamment en France. Celles de Rai et de Juninho. Je crois qu’on n’a jamais vu Rai autant s’investir médiatiquement en France même s’il est moins connu et suivi que Neymar. Pour une fois, on a une vraie opposition. Ça, on ne l’avait pas sur la précédente élection lors de laquelle Rai et Juninho s’étaient retrouvés bien seuls et avaient été beaucoup moins audibles.