TOUT COMPRENDRE - Brésil: comment expliquer le soutien de Neymar et d'autres footballeurs à Jair Bolsonaro ?

Il s'était tenu à l'écart de la campagne électorale, jusqu'à cette semaine. À trois jours du premier tour de l'élection présidentielle au Brésil, pour laquelle plus de 156 millions de citoyens sont appelés à se rendre aux urnes, Neymar a apporté son soutien au président d'extrême droite Jair Bolsonaro. La star du Paris Saint-Germain l'a fait à travers une vidéo diffusée jeudi sur les réseaux sociaux, où il cumule plus de 188 millions d'abonnés sur ses différentes comptes. "Merci!", a répondu le chef d'État, en mauvaise posture dans les derniers sondages.
· Plusieurs marques de soutien et diverses apparitions ensemble
Pour l'élection de 2018, Neymar n'avait pas communiqué son vote. Mais le soir de l'élection de Jair Bolsonaro, il avait déclaré: "J'espère que Dieu l'utilisera pour aider notre pays". Avant cela, il avait apposé un like sur un tweet de soutien du footballeur Alan Patrick.
S'il y avait encore des doutes les mois suivants sur leur proximité politique, tout était encore plus clair en 2019. D'un côté, Jair Bolsonaro n'avait pas hésité à exploiter l'image de Neymar pour sa communication, en s'affichant avec un de ses maillots lors d'une virée à moto. De l'autre, Neymar avait répondu favorablement à une invitation à se rendre en Israël lancée en vidéo par le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou avec le président Bolsonaro. Quelques mois plus tard, le joueur avait accepté de poser tout sourire avec le dirigeant populiste, lequel venait au passage de le soutenir face à des accusations de viol. Une deuxième rencontre a eu lieu dans la foulée, dans le cadre de la Copa America, avec en prime la remise d'un maillot.
Dernièrement, Jair Bolsonaro a posté une photo de lui avec un ballon que Neymar lui aurait envoyé. Puis il s'est rendu près de São Paulo pour visiter l'Institut Neymar Jr, la fondation caritative de l'attaquant. "Je vous remercie pour votre illustre visite, s'est réjoui l'intéressé. J'aimerais beaucoup être là mais malheureusement je suis loin. J'espère que vous profiterez de cette visite à l'institut, le plus bel objectif que je poursuis dans la vie, et je suis très heureux que vous soyez là", a-t-il ajouté avant d'envoyer un baiser de la main.
· Une proximité intéressée ?
L'argument religieux a souvent été avancé pour expliquer cette proximité entre les deux hommes, qui ont en commun la foi évangéliste. Au Brésil, cet aspect religieux a eu un impact considérable sur la popularité et l'arrivée au pouvoir de l'ancien militaire.
Mais une affaire donne une autre dimension à ces rapports. En juillet dernier, un tribunal fédéral brésilien a suspendu des poursuites pénales engagées depuis plusieurs années contre Neymar Jr pour fraude fiscale. Une somme d'environ 35 millions d'euros lui avait été reclamée pour des évasions commises entre 2011 et 2013. La dette avait finalement été ramenée à 1,5 million d'euros. Or, le média Estadao rapporte que le père (et agent) de Neymar s'est adressé en 2019 à Jair Bolsonaro et à son ministre de l'Économie pour se plaindre de ce dû.
· Un soutien qui fait débat
En soutenant un candidat à 34% des intentions de vote contre 48% pour l'ancien président de gauche et syndicaliste Lula, Neymar divise forcément sur son cas. Walter Casagrande, ancien footballeur international brésilien, a dénoncé "l'incohérence", "l'aliénation" et le "manque de conscience sociale" de la superstar de 30 ans. Ce chroniqueur réputé d'UOL Esporte pointe le fait que Neymar ait défendu son coéquipier Richarlison pour l'acte raciste commis à son encontre au Parc des Princes, avant d'enchaîner quelques jours plus tard avec un allégeance à un "candidat qui a déjà publié des propos homophobes, sexistes et manifestement racistes". Avant d'ajouter: "Je ne suis pas contre l'équipe nationale, mais à partir de maintenant, je ne la soutiendrai plus lorsque Neymar sera sur le terrain".
Neymar n'a toutefois cure des critiques. "Ils parlent de démocratie et de beaucoup de choses, mais quand quelqu'un a une opinion différente, il est attaqué par ceux-là mêmes qui parlent de démocratie, a-t-il tweeté vendredi. Allez comprendre".
Ce soutien risque en tout cas de mettre la fédération brésilienne dans l'embarras. Celle-ci a pris soin de garder ses distances avec l'actualité politique, explique UOL Esporte, alors que la Coupe du monde au Qatar approche à grands pas et que, comme l'explique la BBC, les soutiens bolsonaristes se sont appropriés l'historique maillot jaune.
· Qu'en est-il des autres footballeurs et des autres personnalités ?
Si "Ney" est le premier membre de l'actuelle équipe nationale à prendre publiquement position dans cette élection présidentielle, d'autres footballeurs, en activité ou non, ont annoncé leur choix. Lucas Moura, passé par le PSG et parfois appelé en sélection, avait créé la controverse début septembre en expliquant son souhait de voir Bolsonaro être reconduit pour un second mandat. "Le communisme est le stade le plus avancé du socialisme. Et pour moi le communisme et le nazisme sont deux aberrations", avait-il notamment tweeté.
À l'inverse, les anciennes gloires, bien connues en France, que sont Rai et Juninho, respectivement passés par le Paris Saint-Germain et l'Olympique Lyonnais, ont affiché leur préférence pour Lula. "Malheureusement, le foot est un milieu très conservateur", déplorait Rai, constatant que Ronaldinho faisait notamment partie des soutiens de Bolsonaro en 2018.
Quant aux personnalités publiques issues d'autres secteurs, une grande majorité a exprimé son soutien pour Lula, d'après l'AFP. C'est notamment le cas de la chanteuse pop Anitta (63,2 millions de followers sur Instagram), du vidéaste Felipe Neto (44,5 millions d'abonnés sur YouTube) et du musicien Caetano Veloso.