"C’est très dur de se défaire d’une étiquette qu’on t’a collée": ses erreurs au PSG, son rebond en D2 belge, sa nouvelle mentalité… Kays Ruiz-Atil se confie sans détour

Kays Ruiz-Atil avec les Francs Borains, le 18 avril 2025 - Icon
Kays Ruiz-Atil, vous avez réagi sur les réseaux à l’anecdote récemment partagée par Ander Herrera, qui avait parlé de votre style de vie avec Angel Di Maria lorsque vous étiez au PSG…
Ça faisait plus d’une semaine que j’avais vu que c’était sorti, mais au début, ça ne m’avait pas trop touché. C’est quand j’ai vu comment ça a été repris, avec les commentaires des gens, que ça m’a touché. C’est pour ça que j’ai voulu répondre en story sur Instagram. Parce que ça a été déformé. Dans le vestiaire du PSG, on avait parlé de ça avec Herrera et Di Maria. Mais nous, on en rigolait. Ça a été mal repris. Certes, j’ai fait des erreurs dans le passé. Ils ont raison sur ce qu’ils ont dit, j’ai eu tort, mais ce sont des choses qui datent d’il y a quatre-cinq ans. Et on ne ressort ça que maintenant, alors que des gens ont fait bien pire et qu’ils sont là en train de jouer sur les terrains de football. Moi, on ne me laisse jamais une deuxième chance.
Étiez-vous au courant de cette discussion entre Herrera et Di Maria?
Oui, je le savais. J’en avais parlé avec eux dans le vestiaire.
Vous avez reçu des messages haineux et insultants depuis la révélation de cette anecdote, qui a été reprise dans les médias et sur les réseaux sociaux…
Il n’y a eu pratiquement que ça. Des messages désagréables sur les réseaux, des méchancetés, en s’attaquant à moi et à ma famille. Et même dans la vie en général. Depuis que c’est sorti, les gens me regardent bizarrement dans la rue. Quand je vais manger, ils attendent de voir ce que je vais commander pour me juger. Ça a eu un impact sur ma vie privée. J’essaie de préserver mes proches de tout ça. Je préfère que ma maman ne vienne pas voir mes matchs, pour que les gens ne sachent pas qui c’est.
Ander Herrera a-t-il minimisé le fait que son anecdote aurait des répercussions importantes pour vous?
Non, je ne pense pas, il ne l’a pas dit méchamment. Moi, je leur donne raison dans ce qu’ils ont dit. C’est vrai que j’étais jeune, j’ai fait des choses que je n’aurais pas dû faire. Après, la plupart des gens qui parlent aujourd’hui, s’ils avaient été à ma place plus jeune, ils auraient peut-être fait la même chose, voire pire. Certains ont d’ailleurs fait pire, mais ça n’a posé de problème à personne. Comme j’ai été médiatisé très jeune, je suis une cible facile.
En quoi est-ce compliqué d’être médiatisé aussi jeune?
Tu veux vivre comme un gamin de ton âge, mais tu n’as pas le droit. Tu ne peux pas faire certaines choses dont tu as envie. Tu ne vis plus pour toi-même, tu vis pour les gens. Tu dois toujours faire attention au regard des autres.
L’image que les gens ont de vous ne correspond plus à la personne que vous êtes aujourd’hui?
Les gens sont encore bloqués dans le passé. J’en ai parlé avec plusieurs personnes ici en Belgique, ils m’ont dit: ‘Avant de te connaître, on a cru ce qui était dit sur toi. Mais en réalité, tu n’es pas la personne qu’on décrit’. C’est très dur de se défaire d’une étiquette qu’on t’a collée. J’étais un gamin de 16-17 ans. Ça arrive de faire des erreurs, on peut laisser une deuxième chance. Mais moi, non, on ne m’a jamais laissé de deuxième chance.
Pourquoi, d’après-vous?
Parce que j’ai été médiatisé très jeune et du coup jalousé très jeune aussi. On dirait que je n’ai pas le droit à l’erreur. Mais tout être humain a le droit à l’erreur. Et il y en a beaucoup qui ont fait des erreurs, à qui on a pardonné. Moi, malheureusement, on n’arrive pas à me pardonner.
De quelles erreurs parlez-vous?
Herrera et Di Maria l’ont dit. J’ai voyagé en jet privé, je me suis habillé avec des marques, les soirées... C’est très dur de résister quand tu accèdes à tout ça et que tu vois que tout le monde te dit oui. Moi, j’étais jeune, je ne voulais écouter personne. Ma mère et mon oncle me disaient toujours: ‘Fais attention à ce que tu fais’, mais je ne voulais pas écouter. Je n’en faisais qu’à ma tête.
Certains joueurs du PSG ont tenté de vous mettre en garde?
Oui, Herrera et Di Maria justement. Kimpembe aussi. La maman de Kylian (Mbappé) m’a même prévenu par rapport aux soirées que je faisais. Une fois, on était sur le parking des pros à la fin de l’entraînement et elle m’a dit: ‘Attention, arrête de sortir, on entend beaucoup ton prénom dans les soirées parisiennes’. Mais j’étais trop jeune et immature, je ne voulais pas comprendre. Je voulais profiter comme quelqu’un de mon âge. Je ne pensais pas qu’on me pointerait du doigt pour ça et que ça aurait autant d’impact pour la suite.
Avez-vous des regrets par rapport à ça?
Mon seul regret, c’est de ne pas avoir prolongé avec Paris. A l’époque, Kylian (Mbappé) me disait souvent de le faire. Mais on ne s’est pas entendus avec Leonardo (qui était alors directeur sportif, NDLR). C’est ce qui m’a fait quitter Paris. Les gens disent que j’ai été gourmand dans les négociations, c’est totalement faux. Je n’ai jamais été gourmand sur ce que j’ai demandé pour prolonger ni sur les contrats que j’ai signés. La seule chose qui m’intéressait, c’était le projet sportif.
Lorsqu’on a un talent naturel sur le terrain, est-ce plus difficile de faire les efforts nécessaires à côté?
Ça a été l’un de mes plus gros problèmes. Je me disais que comme j’ai le talent, par la grâce de Dieu, je n’ai pas besoin de bosser. Parce que sur le terrain, tout fonctionne, je vois avant tout le monde, j’arrive à éliminer, à faire la dernière passe… Du coup, j’avais la flemme de bosser, je n’en avais pas envie.
Quand avez-vous décidé de changer d’état d’esprit?
Mon déclic est intervenu quand j’ai quitté Auxerre (en juillet 2023, NDLR) et que je me suis retrouvé sans club. Je me suis dit qu’il fallait que j’arrête les sorties et tout ce qui est à côté du foot. Je suis quelqu’un qui a du mal à fermer sa bouche et quand quelque chose ne me plaît pas, je vais le dire. Mais je me suis dit que là, c’était le moment de se faire tout petit. Pour qu’on m’oublie un peu.
Qu’avez-vous mis en place à ce moment-là?
Déjà, j’ai restreint mon cercle. Je n’ai pas d’amis aujourd’hui. Réellement, je n’ai pas d’amis. Je me suis dit que j’allais me mettre à bosser en faisant abstraction de tout ce qui se dit sur moi. Ça a été difficile. J’ai réduit certaines activités que j’avais au quotidien. J’ai eu beaucoup d’aide mentalement, de la part de mon beau-frère Yacine Adli (le milieu de terrain d’Al Shabab en Arabie saoudite, formé au PSG et passé par Bordeaux ou l'AC Milan), de ma sœur, de mon oncle, de ma mère et d’autres personnes de mon entourage qui se reconnaîtront. J’ai réduit les sorties nocturnes. Maintenant, je suis tout le temps chez moi et je vis comme un professionnel.
Quels conseils vous a donné Yacine Adli?
Il m’a toujours dit ne pas lâcher, qu’il connaît mon talent, qu’il a confiance en moi, qu’il sait que je vais réussir et qu’il m’aime énormément. Son soutien a été précieux pour moi. Des fois, je pleurais quand il me parlait...
Comment vous décririez-vous aujourd’hui?
En tant qu’homme, j’ai pris beaucoup de maturité. Je suis quelqu’un qui bosse, qui donne maintenant sa vie sur le terrain. Quand on parle de moi, on dirait qu’on parle d’un mec qui a fini sa carrière, mais ce n’est pas le cas. Je suis un jeune de 23 ans, qui a encore cette envie-là. Ça me motive encore plus. Je préfère que les gens m’oublient un peu, qu’ils voient comment je me relance et qu’ils entendent ensuite mon nom dans les très grands championnats. C’est ce que j’espère.
Vous évoluez depuis l’été 2024 aux Francs Borains, un club de deuxième division belge. Comment vous y sentez-vous?
Ma situation est très bonne au club. Ils me font énormément confiance. Là, j’étais sur le départ, mais ça n’a pas pu se faire. Je suis sous contrat jusqu’en juin 2026. Je vais faire une deuxième saison avec eux. Je devais partir cet été, mais ça n’a pas pu se faire, quasiment à cause de ce qui est sorti (l’anecdote d’Ander Herrera, reprise dans les médias et sur les réseaux, NDLR). Ça a eu de grandes répercussions et ça a impacté les discussions qu’on a eues avec certains clubs. Parce qu’ils pensent que je suis encore comme avant. Ils ne veulent pas me laisser une deuxième chance. Dans le football, il y a beaucoup de personnes malveillantes.
Accepter de venir en D2 belge, ça a été difficile pour vous?
J’étais sans club et avec tout ce qui s’était dit, quasiment plus personne ne voulait miser sur moi. C’est le seul club qui m’a donné l’opportunité de regoûter au football et de l’aimer à nouveau. Je les remercierai toute ma vie pour ça. C’est une famille et je le ressens tous les jours. Ils sont bienveillants, ils me conseillent et font attention à moi. Ils m’aident, en me tirant vers le haut. Ils seraient vraiment contents que je retrouve le haut niveau. En match, certains me taquinent par rapport au club où je joue. Mais pour moi, c’est un bon tremplin. Je passe par un autre chemin pour atteindre mes objectifs.
Le club des Francs Borains est basé dans la ville francophone de Boussu, en Région wallonne. A quoi ça ressemble?
C’est une ville minière, très familiale, à taille humaine. J’y ai été très bien accueilli. Les gens ne font pas semblant. Quand ils t’aiment, ils t’aiment vraiment. Ils sont toujours là derrière toi. Ils sont contents que je sois au club et ils veulent que je reste le plus longtemps possible, mais ils me disent qu’à un moment donné, je devrais les quitter pour rebondir là où je dois être.
Votre mère est venue s’installer en Belgique pour être à vos côtés…
Ma maman, je ne la remercierai jamais assez pour tout ce qu’elle a fait pour moi dans ma vie. Je suis obligé d’avoir ma mère près de moi, parce que c’est la seule qui me comprend, qui sait comment je suis. Elle sait me mettre des stops quand il faut. Comme je l’ai toujours dit, je suis son petit bébé et je le resterai toujours.
Comment vous sentez-vous sur le terrain?
Au début de saison, ça a été un peu compliqué jusqu’à l’arrivée du coach Karim Belhocine en novembre. C’est un très grand monsieur, une personne qui restera toujours dans mon cœur. Il a su comment me prendre, avec son préparateur physique et son adjoint. Ils ont su comment me faire bosser. Grâce à eux, j’ai eu des résultats sur le terrain. Karim Belhocine vient de la région lyonnaise, comme moi. Il a su trouver les mots et la manière de m’encadrer. Depuis son arrivée, j’ai retrouvé le plaisir de jouer au football (4 buts et 5 passes décisives en 25 apparitions, NDLR).
Dans quel rôle évoluez-vous aux Francs Borains?
Je joue n°10, en électron libre. C’est une très grosse preuve de confiance. Niveau cardio, le coach m’a fait reprendre beaucoup. Je cours énormément, parfois entre 10 et 12km par match. C’est un rôle que j’aime bien, surtout que dans le foot d’aujourd’hui, il n’y a plus trop de 10 à l’ancienne. Je suis satisfait de ce que je fais, mais je sais que je ne suis pas encore à 100% de mes capacités.
Sentez-vous des regards différents sur vous lors des matchs?
Je le ressens. Des fois, des joueurs m’envoient des piques sur le terrain. Et même en dehors, après les matchs, les gens viennent me voir en me disant que je n’ai rien à faire ici, que je dois passer ce cap et aller plus haut.
Vos adversaires ont-ils parfois des attitudes particulières face à vous?
Oui, ça arrive souvent en match. Quand ils reçoivent le ballon, ils me regardent et ils font des gestes techniques. Ou quand j’ai le ballon, ils viennent en y allant fort. Avec les arbitres, ici en Belgique, ça n’a pas été facile, parce qu’ils ne me protégeaient pas du tout. La saison dernière, j’ai été le deuxième ou le troisième joueur qui recevait le plus de fautes en match.
Cela vous a permis d’améliorer votre self control?
Des fois, c’est un peu dur, mais j’y arrive de mieux en mieux. Karim Belhocine m’a beaucoup aidé à gérer ces situations.
Vous faites également plus d’efforts défensifs en match…
Le coach m’a dit que si je ne faisais pas les replis défensifs, je ne jouerais pas. Maintenant, je les fais énormément. Ce n’est plus quelque chose qui me dérange. Des fois, je prends même plaisir à les faire.
Certains vous trouvaient un peu frêle physiquement lors de vos débuts au PSG, vous êtes-vous épaissi depuis?
J’ai travaillé un peu là-dessus, j’ai pris dix kilos de muscles depuis l’année dernière. J’ai grandi et je me suis étoffé. Je continue de bosser en salle. Mais après, on ne joue pas au foot avec le physique, c’est avec les pieds et la tête.
Pourquoi avoir prolongé votre contrat avec les Francs Borains en février dernier?
C’était soit ça, soit je partais libre à la fin de la saison. Ils ont préféré sécuriser en attendant que je parte cet été, mais ça n’a pas pu se faire à cause de ce qui est sorti et de ce qui s’est dit dans les clubs. Le fait de prolonger, c’était aussi une marque de reconnaissance de ma part. Ce club, je ne pourrais que le remercier. Tout ce que je peux leur apporter, je leur apporterai. Ils m’ont ouvert les bras, avec un grand cœur, et je serai toujours reconnaissant envers eux.
Votre objectif est désormais de partir dans un club plus important l’été prochain?
Je vais faire une deuxième saison ici, en donnant le maximum pour qu’on atteigne les objectifs fixés par le club. Ensuite, pourquoi pas rebondir dans un plus grand championnat? C’est toujours mon but.
Quels championnats vous attirent particulièrement?
La Bundesliga et la Liga. L’Allemagne, parce que j’ai souvent parlé avec des joueurs qui y ont évolué et ils m’ont dit que je me régalerais avec les espaces là-bas. Et puis l’Espagne, parce que c’est mon jeu depuis petit (il est passé par la Masia, le centre de formation du FC Barcelone, NDLR).
Espérez-vous toujours avoir une carrière internationale?
Il y a cette envie de retoquer à la porte de la sélection du Maroc et de rejouer pour cette sélection.
Quels sont vos rêves en tant que footballeur?
Le premier, c’est de revenir là où on prédisait que je serais. Le deuxième, c’est d’être l’un des meilleurs joueurs du monde. J’espère rattraper ma feuille de route.
Vous êtes resté une saison sans club en 2023-2024, comment avez-vous fait pour vous maintenir en forme?
J’étais souvent avec Yacine (Adli) et je m’entraînais avec un préparateur physique. Je bossais aussi seul. Des fois, je n’avais pas l’envie, je me disais que ça ne servait à rien de m’entraîner. Au début, j’ai ressenti un peu de découragement mais avec l’aide de ma famille, je me suis vite remotivé. Quand je regardais les matchs à la télé, je me disais que c’est là que je devais être normalement.
Avez-vous songé à arrêter votre carrière?
Oui, au bout d’un moment, je me suis dit que j’allais arrêter. Mais ma mère m’a dit de ne pas lâcher, que ce n’était pas la mentalité de notre famille. Elle connaît ma force de caractère.
Vous avez été un temps représenté par le candidat de télé-réalité Nikola Lozina…
Non, il ne m’a jamais représenté, c’était son ami qui était mon agent. Pas lui. Mais ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, c’est ma famille et notamment mon oncle qui me représentent. Dans le football, il y a beaucoup de pseudo-agents qui te promettent monts et merveilles, mais quand tu tombes, ils ne sont plus là. Quand tu te retournes, il n’y a que ta famille. Ce sont eux qui sont toujours là pour te protéger.
Comment avez-vous vécu le sacre historique du PSG en Ligue des champions?
J’étais chez moi le soir de la finale et j’étais vraiment content pour le PSG, parce que ça fait des années qu’ils la cherchaient. C’est une équipe de classe mondiale. Luis Enrique a su comment s’y prendre et ça a marché. Nasser Al-Khelaïfi est un très grand monsieur. C’est quelqu’un que j’apprécierai toujours, pour tout ce qu’il a fait pour moi et ma famille. Je lui en serai toujours reconnaissant.
Au PSG, vous aviez une connexion spéciale avec Neymar, qui vous avait un peu pris son aile…
C’est quelqu’un qui m’a toujours conseillé. Malgré tout ce qui se dit sur lui, Neymar est une très bonne personne. On lui a collé une étiquette qui ne correspond pas à celui qu’il est quand on le connaît. Il a été là pour m’aider et me mettre en avant. Je suis toujours en contact avec l’un de ses meilleurs amis. Des fois, je lui fais passer des messages et vice versa.