RMC Sport

Coupe du monde 2022: Zlatko Dalic, l’homme qui a installé la Croatie dans les grandes nations du football

placeholder video
Finaliste en 2018, la Croatie jouera une nouvelle place en finale du Mondial ce mardi face à l’Argentine (20h). Comment ce petit pays de moins de quatre millions d’habitants est-il devenu une des nations phares du football mondial? Présentation de Zlatko Dalic, le surprenant sélectionneur d’une Croatie qui a appris à faire peur.

Qui eût cru qu’un pays de moins de quatre millions d’habitants, coincé entre la mer Adriatique, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie, la Hongrie et la Slovénie allait devenir un potentiel double finaliste de Mondial en quatre ans, une nation qui pèse dans le monde du football?

>> Coupe du monde 2022: les infos EN DIRECT

Un homme a en grande partie contribué à rendre cela possible. Né chez le voisin bosnien en 1966, Zlatko Dalic fait sa modeste carrière de joueur en Croatie (Hajduk Split, Cibalia, Varteks), au Monténégro (Buducnost Podgorica) et en Bosnie (Velez Mostar), sur les terres qui l’ont accueillies. Sur son CV, cinq matches de Coupe de l’UEFA et cinq rencontres de Coupe des coupes. Rapidement, alors même qu’il était encore joueur, les prédispositions de Dalic à devenir entraîneur sont visibles. Son ancien coéquipier au Varteks, Davor Vugrinec se souvient: "Dès qu’on quittait le terrain, il prenait son cahier et notait tout ce que nous avions fait ce jour-là."

Fervent chrétien, Zlatko Dalic construit une grosse partie de sa vie et de sa carrière sur sa foi inébranlable. "Tout ce que j’ai fait dans ma vie et dans ma carrière professionnelle, je le dois à ma foi, et je suis reconnaissant à mon Seigneur (…) Je peux être très heureux dans ma vie (…) Sans une Foi forte et cette motivation, il serait très difficile d’y parvenir, confiait-il avait la finale du Mondial contre la France en 2018. Quand un homme perd tout espoir, alors il doit dépendre de notre Dieu miséricordieux et de notre foi".

Méconnu en Europe, il est propulsé à la tête de la Croatie en 2017

Après ses débuts en tant qu’entraîneur à Varteks, en Croatie, il a connu sa première expérience sur le banc de la Croatie en prenant le rôle d’adjoint de l’équipe des espoirs croates entre 2006 et 2011. Dès 2010, il s’exportait en amont en Arabie Saoudite où Al-Faisaly en avait fait son entraîneur principal. Les résultats étaient peu convaincants et la collaboration a cessé en 2012. C’est en 2014 que le potentiel de Zlatko Dalic se révèle, lorsqu’il prend an main Al-Ain aux Emirats arabes unis. Il y a gagné 65 des 106 matches qu’il a dirigés.

En octobre 2017, il remplaçait en urgence Ante Cacic sur le banc de la Croatie, faute de mieux, comme solution d’urgence. "J’ai cru en moi-même et quand la sélection a fait appel à moi je n’ai pas douté", dira-t-il quelques mois plus tard. Directement il s’affirmait en permettant à la Croatie d’accrocher une place en barrages de qualification pour le Mondial 2018. Quelques semaines plus tard, la Croatie battait largement la Grèce en barrage (4-1), avant de faire nul (0-0) au retour. Elle décrochait son billet pour la Russie. "Rien ne m’a été servi sur un plateau, pas comme en Europe où certains ont des jobs dans des gros clubs parce qu’ils étaient des grands noms comme joueurs", disait Dalic en 2018.

La Croatie de Dalic a créé la sensation en 2018

Au Mondial russe, la Croatie a réussi un véritable parcours du combattant jusqu’à la finale. Dès la phase de groupes, les Croates ont affirmé leur force en réalisant le "perfect", terminant avec neuf points. A leur tableau de chasse? Le Nigeria (2-0), l’Islande (2-1) et surtout, l’Argentine (3-0). Au-delà du volet sportif, Dalic en impose en interne. Il n’hésite pas à écarter son attaquant Nikola Kalinic, qui n’a pas le bon état d’esprit, en cours de compétition.

Dès lors, les Vatreni s’affirment aux yeux de l’Europe et sont craints. En huitième et en quart de finale, ils ont successivement éliminé le Danemark et la Russie aux tirs au but. Emoussés, ils se sont présentés face à l’Angleterre, avec le sentiment général que le défi serait trop grand. Que nenni, la Croatie s’est imposée 2-1 à l’isue de la prolongation et a décroché son billet pour la première finale mondiale de son histoire.

Le méconnu et inattendu Zlatko Dalic a réussi avec une équipe arrivée à maturité là où tous les grands noms avaient échoué auparavant. Avec son propre style de jeu, son 433 évolutif en 4231, Dalic a construit sa gloire. Du haut de ses quatre millions d’habitants, la Croatie a disputé une finale mondiale, finalement perdue contre l’équipe de France (4-2).

Un nouveau cycle, une mise en place rapide

Mario Mandzukic, Danijel Subasic, Ivan Rakitic. Toutes ces stars ont successivement quitté la sélection après le Mondial 2018. Il a fallu pour Zlatko Dalic reconstruire, autour de jeunes joueurs comme Mateo Kovacic (qui arrivait à maturité) ou encore Dominik Livakovic, sucesseur annoncé de Subasic, et Josko Gvardiol, la pépite de Leipzig. Pour les entourer, Zlatko Dalic a pu compter sur ses cadres historiques, qui continuent de rendre service à la selection, malgré leur âge avancé pour certains. Luka Modric, Ivan Perisic, Dejan Lovren… Les jeunes sont bien entourés pour exploiter leur plein potentiel.

Très attendue à l’Euro en 2021, la Croatie a échoué comme l’équipe de France en huitième de finale, battue par l’Espagne (5-3) après prolongation à l’issue d’un match totalement fou. Revenue au score en toute fin de match, avec la force de caractère qui la caractérise, la Croatie a ensuite craqué en prolongation.

Depuis, les hommes de Dalic se sont qualifiés pour le Final 4 de la Ligue des nations, en terminant devant le Danemark, la France et l’Autriche. C’est en pleine confiance, avec le statut d’outsider, qu’ils se sont présentés au Mondial qatari.

Les mêmes ingrédients qu’en 2018, une force de caractère inébranlable

"Ne nous sous estimez-pas", avait prévenu Zlatko Dalic dès le début du Mondial. Même en sachant de quoi elle est capable, il est impossible de ne pas être étonnée par cette équipe de Croatie. Peu convaincante dans le jeu, elle a dû jouer un match décisif face à une Belgique qui semblait en bout de course. Miraculeusement, la Croatie a tenu en échec la Belgique, notamment grâce à un Romelu Lukaku d’une maladresse rare, pour se qualifier en huitièmes de finale.

C’est alors le retour de la Croatie 2018. Cette équipe qui a mûri - guidée par ses cadres d’expérience - a éliminé le Japon aux tirs au but, sans trembler. Depuis 2018, c’est un trois sur trois dans l’exercice pour la Croatie. Des cadres d’expérience mais pas seulement. Dans les buts, Dominik Livakovic dégage encore plus de sérénité que Danijel Subasic en son temps, Josko Gvardiol est une véritable muraille en défense, et le trio Brozovic – Modric – Kovacic est sans doute ce qui se fait de mieux dans la compétition.

Ballotée par le Japon, en manque de talent sur le plan offensif, personne ne donnait bien cher de la peau des Croates face au Brésil, malgré leur force sûre dans l’entrejeu. Et pourtant… encore une fois, cette équipe a fait preuve d’une force de caractère rare, parvenant pendant 105 minutes à résister aux assauts brésiliens, avant de craquer face au talent de Neymar. Finalement, Petkovic a fini par égaliser au bout de la prolongation. La Croatie est allée chercher ce qui lui sert de fer de lance depuis quatre ans en Coupe du monde, une séance de tirs au but, durant laquelle les Brésiliens ont été impuissants. C’est la Croatie qui défiera l’Argentine ce mardi (20h) en demi-finale de la Coupe du monde.

Après l’exploit face au Brésil, les Croates s’autorisent un rêve jusque là bien caché. "On a vaincu le favori. Nous avons réussi à aller jusqu'au bout. Nous sommes fiers. Nous avons été courageux. Le Croate réussit toujours. Félicitations à tous les joueurs. Ce n'est pas la fin. Nous voulons aller encore plus loin", lâchait Dalic après la qualification des siens.

L’Argentine de Lionel Messi est prévenue. La Croatie est solide, déterminée, sûre de ses forces et en pleine confiance. Si les Argentins ouvrent ne serait-ce qu’une brèche, les Croates s’y engouffreront, et referont avec grand plaisir le coup de 2018, pour s’offrir une potentielle revanche face à l’équipe de France, qui affronte de son côté le Maroc (mercredi 20h).

Praslin Bonnet