Equipe de France: Maignan-Lloris, le débat est-il vraiment ouvert avant la Coupe du monde?

Il règne les prémisses d’une passation de pouvoir dans le but de l’équipe de France ces derniers jours. Mais pour quand? La belle prestation de Mike Maignan en Croatie (1-1) lundi rend impatients les partisans du gardien de l’AC Milan qui sort d’une première saison énorme avec le club italien. Le Français a rapidement fait oublier Gianluigi Donnarrumma, ancien enfant chéri du club, parti en pestiféré à la fin de son contrat pour rejoindre le PSG. Pourrait-il alors évincer Hugo Lloris de son indéboulonnable statut de numéro 1 depuis 2009?
A cinq mois de la Coupe du monde, un tel bouleversement de hiérarchie est inimaginable. S’il a loué la belle performance de Maignan à Split, Didier Deschamps ne prendra pas le risque de bouleverser dans des proportions aussi révolutionnaires l’équilibre du groupe en déboulonnant celui qu’il a confirmé comme capitaine sans discontinuer dès sa prise de fonction en 2012 (Lloris l’est depuis 2011).
Le cas d’Olivier Giroud en atteste puisque le sélectionneur ne veut pas prendre le risque de retenir un joueur "à statut" pour le laisser sur le banc. Imaginez donc avec le recordman du nombre de capitanat avec les Bleus... Lloris dispose d’une expérience internationale peu égalée à ce niveau (103 matches de Coupe d'Europe, dont 67 en Ligue des champions, 137 sélections dont 114 comme capitaine, dont 15 à l'Euro et 14 en Coupe du monde). A 26 ans, celle de Maignan est honorable mais plus limitée (17 matches de Coupe d'Europe, dont neuf en Ligue des champions).
Maignan devant Lloris sur la saison dernière
Son habitude des grands évènements et son aura auprès du groupe est un atout incontestable pour Lloris, qui reste performant sur le plan sportif. Moins toutefois que Maignan comme le prouvent les statistiques de la dernière saison. Le Milanais a dirigé la meilleure défense de Serie A (avec Naples) et encaissé seulement 21 buts en 32 matchs (0.66/match) quand Lloris en a pris plus d'un par rencontre (40 en 38 matchs de Premier League, soit 1.06/match).
Maignan a aussi terminé plus de matchs sans prendre de buts (17 en 32) que Lloris (16 en 38). L’ancien Lillois s’illustre aussi régulièrement dans l’exercice spécifique des penalties (11 arrêtés en 28 en carrière, 39%) quand Lloris est moins décisif (16 arrêtés sur 106, 15%). Maignan a aussi conclu la saison en tête des gardiens de Serie A au classement des "Post Shots Expected Goals" (soit les buts attendus par rapport à la qualité des frappes). En clair, Maignan aurait dû prendre huit buts de plus et Lloris un demi-but de moins avec Tottenham en championnat.
"Par rapport à Lloris, il commence à avoir beaucoup plus de présence, il est rayonnant, analyse Lionel Charbonnier, ancien gardien de l’équipe de France désormais consultant pour RMC Sport. Je sens sa défense rassurée. Quand tu as un gardien comme ça, rayonnant, tu peux commencer à te poser des questions. Aujourd’hui, je le mets devant Hugo." Même à la Coupe du monde? "On verra en novembre parce qu’il peut encore se passer beaucoup de choses mais, si les deux vont très bien, je mets Maignan."
L’échéance du Mondial 2022 semble trop ambitieuse pour Maignan. Mais il prétendra assurément au rôle de numéro 1 dès le mois de janvier 2023, surtout dans l’éventualité où Lloris annonce sa retraite internationale. "Il a ciré le banc, il a appris et regardé comment on se comporte en numéro 1, ajoute Charbonnier. Il a grandi derrière Hugo, comme l’avait fait Fabien (Barthez) avec Bernard Lama et à la veille de la Coupe du monde 1998, tu entends: ‘gardien titulaire: Barthez’." Le contexte est différent et la surprise serait immense qu’un tel scénario se reproduise 24 ans plus tard. Une chose semble en revanche certaine, Maignan est le successeur le plus légitime pour succéder à Lloris.