
Les sifflets à Lille, Varane le protecteur... Jonathan Clauss raconte ses premiers pas en équipe de France
Jonathan Clauss, il s’est passé pas mal de choses pour vous, ces derniers temps, n'est-ce pas?
Il s’est passé plein de choses (sourire). Une convocation en équipe de France, une première sélection, une première titularisation, la découverte d’un monde extraordinaire, qui l’était, qui ne l’est plus malheureusement, ou heureusement. Une semaine et demie de rêve, de stress aussi, mais de rêve, avec des étoiles plein les yeux. La découverte d’un monde que je ne connaissais pas et qui me plait. Un changement de statut aussi, comme beaucoup me le disent, même si je n’ai pas envie de me le dire. C’est que du bonheur, que de plus, que du bonus, que de bonnes choses. Pour me dire que j’ai encore mon chemin à faire, il va falloir travailler encore plus pour que ça continue.
Racontez-nous votre accueil au château, comment avez-vous été intronisé par le groupe France?
Magnifique ! Je m’en étais fait un monde d’egos, de personnes qui ont tout gagné et qui le savent. Mais au-delà de ça, ils ont un recul sur la situation, ce sont des vraies personnes humbles, généreuses, qui t'accueillent comme si tu faisais partie d’une famille, alors que tu viens d’y mettre les pieds depuis dix minutes. Il y a cette prise sous l’aile de plusieurs joueurs, qui fait que le contact avec tout le monde s’est fait très naturellement. Moi-même, j’étais bluffé en me disant: ‘ils me parlent, ils sont intéressés par ce que je fais, ce que je suis’, alors que je suis à des années lumière de ce qu'ils ont pu faire dans leur carrière. Et pourtant, chacun a son mot à dire, et c’est ça qui est dingue .
On a l’impression que Raphaël Varane vous a pris sous son aile dès le début...
Je ne pense pas que c'était une consigne du sélectionneur. Je pense plutôt que c’est l’homme. J’ai 30 ans, j'avais l’impression d’être le poulain de tous les joueurs. Que ce soit Varane ou tous les autres, bien sûr qu’il m’a facilité l'accès, parce que j’ai eu les premières discussions avec lui, mes premiers repères avec lui ,c’est plus facile quand Varane te prend sous son aile. Vous n’êtes pas mieux ou moins bien vu mais juste comme quelqu’un qui fait partie de la vie du groupe et c'est trop beau.
D’un point de vue sportif, avez-vous été impressionné par le niveau des joueurs?
Le premier entraînement on l’a fait le mardi et on a fait ce fameux onze contre onze avec les buts penchés. Et à la fin de l’entraînement, je me suis dit: ‘bon ok, j’ai compris ou je mets les pieds’. Ça va très vite, c’est très juste, ça fait tout le temps les bons choix? Quand vous n’avez pas le ballon, vous travaillez physiquement parce que, pour récupérer le ballon, il faut donner dix fois plus que ce qu’on fait d’habitude. La différence est énorme à ce niveau-là.
Quel a été le discours de Didier Deschamps?
Ce fut un discours de mise en confiance d’entrée, en me disant que j'étais là. Maintenant que j’y suis, il faut que je montre ce que je sais faire. Mais il n’avait pas de doutes puisque je le faisais depuis un an et demi. Cet aspect confiance et légitimité, il faut le prendre en compte, et se dire que tu es ta place. Profites-en, essaie de te lâcher au maximum. C’était un discours de père à fils, c’est comme ça que je l’ai pris, je sais ce que tu traverses. Mais je peux aussi te dire comment ça peut éventuellement se passer si tu fais les choses correctement. Et c’est comme ça que ça s’est passé.
Jonathan, parlez-vous de la première à Marseille. La première Marseillaise est-elle un moment fort pour un nouvel international?
Je pense que j’en ai tellement rêvé que lorsque c’est arrivé… J'étais sur le banc. Il y a les hymnes, donc forcément on se lève pour les hymnes adverses, puis vient la Marseillaise. Et là on se prend tous par la taille. J’ai eu un frisson, une montée d’adrénaline, c’était à la fois pesant et prenant. L'intendant qui était à côté de moi me sert par la taille. Je me suis dit ‘waouh, je suis en train de le vivre’. Cette première Marseillaise, elle est extraordinaire. j’en ai chanté, je pense, 200 à travers des écrans, entre potes ou en famille, mais celle-ci est bien plus sensationnelle.
La première titularisation est particulière pour vous, le Lensois, puisque vous jouez dans le stade du LOSC. Vous êtes sifflé au début du match. Mais votre performance fait en sorte de transformer les sifflets en encouragements. Racontez-nous.
Je pense que j’avais eu tellement d’infos dans la semaine que celle des sifflets, je ne l’ai pas prise en compte. C’était dilué dans tout ce qui était en train de se passer. Je touche mon premier ballon. Quand je suis concentré sur le match, j’entends rarement, ou par période. Et là, effectivement, je l’entends, je me dis: ‘bon, c’est parti pour 90 minutes comme ça’. Du coup, ma tête s’est dit: ‘peut-être que ça va durer 90 minutes, donc ne te concentre pas là-dessus, c’est pas grave, c’est comme ça, c’est la vie’. J’ai entendu des applaudissements en même temps qu’on me sifflait, du coup, je me disais, c’est bien, c’est cool, je faisais un peu plus attention. Effectivement, quand je touchais certains ballons, j’entendais de plus en plus d’applaudissements, des choses comme ça, là ça me faisait du bien. Avant, je me coupais du son, pour ne pas que ça me fasse mal, et après je m’en servais pour que ça me fasse du bien. C’est pour ça qu’en deuxième période, je me suis plus lâché. J’ai aussi montré qu’il ne fallait pas que ça m'affecte, qu'il fallait que je réponde sur le terrain pour que la situation change. Je pense que je l’ai plutôt bien fait.
Êtes-vous satisfait de ce que vous avez proposé, démontré, avec l’équipe de France?
J’aurais pu faire certaines choses beaucoup mieux. Mais si on m’avait présenté ce scénario, je l’aurais pris de suite. Je ne m’attendais pas à réagir aussi bien à la situation. Il y a eu beaucoup de nervosité, de stress etc mais je trouve personnellement que je m’en suis bien sorti. J’ai bien géré, j’ai réussi à me libérer totalement sur le match de l’Afrique du Sud, c’est positif pour moi.
Avez-vous l’équipe de France dans un coin de la tête désormais, avec l’envie d’y goûter à nouveau pour les prochains rassemblements?
Ce serait un mensonge si je disais que non. Évidemment que j’y pense maintenant que j’y ai goûté. J’ai envie de tout faire pour y retourner. Après, il y a des échéances qui s'enchaînent, il faut réussir à faire la part des choses. Si je pense trop à l’équipe de France, je vais me griller les ailes et me couper l’herbe sous le pied. Il faut différencier les deux situations, même si c’est dans un coin de ma tête.
Estimez-vous que le regard des autres, du grand public à vos coéquipiers, a changé?
Le regard des gens a changé, ne serait-ce que quand je rentre dans une pharmacie ou dans un restaurant. Le regard des gens a changé à Lens et dans le vestiaire. Je n’ai pas l’impression que les regards aient changé. Je n’ai pas envie que les regards changent. Je n’ai pas envie d’être traité différemment. Il va falloir que je réponde à ces attentes. C’est la vie de footballeur. On a envie d’être plus exigeant avec nous-mêmes. Ce n’est pas pour autant que je ne m’étais pas fixé cette exigence bien avant.