L'OL devant la DNCG ce vendredi: les enjeux d'un rendez-vous crucial pour le club

Côté en bourse, l'OL doit la plus stricte transparence sur le volet économique. Et la lecture des résultats annuels, clos au 30 juin 2024 et parus mercredi dernier, le 6 novembre peu avant minuit, a eu l’effet d’une bombe, avec des chiffres clairement établis et une dette à plus de 500 millions d’euros – de la seule structure Eagle Football, ex-OL Groupe -, une masse salariale toujours aussi élevée sur fond de baisse drastique des droits télévisés, le tout agrémenté d’une phrase lourde de sens: "Les commissaires aux comptes ont estimé que les travaux d’audit menés sur les hypothèses structurantes ne leur ont pas permis de se prononcer sur le caractère raisonnable des différentes hypothèses, ni en conséquence sur le bien-fondé de continuité d’exploitation." Immédiatement, sur la toile, les sceptiques multiplient les analyses pour annoncer la fin prochaine du club, à grand renfort de parallèle avec des exemples récents du foot français ou sur la foi de leurs connaissances.
Textor doit tenir ses promesses
Mais en interne, sans nier la problématique générale et se réfugier dans un déni de mauvais aloi, la lecture des chiffres n’ouvre pas la porte à un pessimisme lourd. Il y a d’abord les engagements pris par écrit. Ils sont au nombre de quatre: "apports de 75 millions d’ici le 31 décembre en capitaux propres, cession des parts de Crystal Palace, introduction à la bourse de New York avec son apport de 100 millions d’euros et la réalisation de cessions de joueurs."
Sans dire qu’il y a deux salles, deux ambiances, l’une (extérieure) plus qu’inquiète et l’autre (interne) remplie de sérénité, il en existe une troisième: "Nous travaillons", résume un dirigeant au cœur de la machine. "Tout le monde travaille à son échelle, et notamment le propriétaire John Textor, qui fait en sorte d’aligner les planètes pour que les hypothèses émises dans le document se réalisent."
À ceux qui narrent déjà une chronique d’une faillite annoncée, il réplique par une formule portée par un proche: "Comment imaginer que quelqu’un qui a tout fait en janvier dernier pour réussir un mercato XXL, et donc pour sauver le club, l’abandonnerait sur le chemin au mois de décembre? Ce n’est pas sa philosophie, ni son envie."
Alors, il "est au travail", répète-t-on. Sa tâche principale? Convaincre le marché financier américain pour réussir l’introduction en bourse de New York, qu’il appelle de ses vœux. Une perspective qui n’a pas l’air de lui faire perdre le sourire, (comme celui affiché, avant, pendant et après le derby gagné dimanche) ou le moral (ses réseaux sociaux exposent depuis son avion, de belles stories à son retour chez lui en Floride au-dessus des Bahamas également). Et cette mission, il ne la mène pas en solo, accompagné au board du club par différents profils dont l’ADN, répète-t-on régulièrement à Décines dans les bureaux: "Nous sommes passés d’une habitude de chiffre d’affaires à la recherche de la marge."
Avec une preuve tangible de ce nouveau cap en perspectives: le chiffre d’affaires en constante progression, même si certaines lignes peuvent être en trompe-l’œil puisqu’au 30 juin dernier, sont comptés des événements rares, comme les matchs de la Coupe du Monde de rugby 2023 ou encore les concerts de Taylor Swift, notamment, avec les quelques 70 millions de chiffres d’affaires: "Il doit apporter des éléments probants sur le renforcement de la trésorerie du club", confie-t-on du côté de la DNCG, laquelle peut avoir le glaive vengeur: "L’arme 'atomique' ultime pour elle, c’est la rétrogradation à titre conservatoire. En clair, si vous ne nous apportez pas ce que nous attendons, vous serez rétrogradés en fin de saison."
John Textor l’a appris à ses dépens, en juin 2023, lors d’un premier passage (douloureux) devant cette instance où il n’avait pas daigné se présenter, laissant son bras droit de l’époque (un novice comme lui, Santiago Cucci) batailler pour une décision qui a conduit à une première partie galère avec la lanterne rouge accrochée aux crampons jusqu’à la trêve, avec à la clef un encadrement du mercato. Depuis, l’homme d’affaires américain a tenu ses engagements, même en ne respectant pas les dates qu’il se fixait lui-même: "Il a toujours finalement fait ce qu’il a dit de faire: il fallait juste être patient. L’officialisation de la vente prévue en juin 2022 l’a été qu’en décembre ; la vente de la marque OL Féminin a été faite avec trois mois de retard ; quant aux ventes de la franchise féminine US (OL Reign) et de l’Arena qui jouxte le stade, annoncées imminentes chaque semaine au premier semestre 2024, elles ont été faites en juin."
Ce passé récent peut (doit ? va ?) plaider en sa faveur, même si l’urgence d’amener 100 millions en cash avant la fin de l’année civile va lui être rappelée avec de l’encre rouge vif.
Le poids de la mission de Matthieu Louis-Jean
Dans ces hypothèses de travail, l’une des plus délicates revient au nouveau directeur technique, nommé le 12 novembre: Matthieu Louis-Jean. Celui qui est arrivé comme directeur du recrutement au début de l’ère Textor, en juillet 2023, a pris du galon dans l’organisation sportive à l’américaine. Dans le communiqué annonçant cette promotion, en même temps que la nomination de Daniel Congré, en tant que coordinateur sportif, une petite phrase en dit long sur sa mission à court terme: "Il continuera à s’occuper du recrutement dont il assurera la cohérence."
Une cohérence pour un autre levier à combiner: concilier le sportif et l’économique avec, en ligne de mire, la Ligue des champions en guise de bouffée d’air. Car dans les hypothèses de travail, il y a le mercato de janvier 2025, qui doit apporter du cash en même temps qu’il agisse en quantité et en qualité.
Il doit donc d’abord faire fondre l’effectif de près de 30 professionnels. Une mission (manquée) qui a coûté sa place au directeur sportif, David Friio, remercié le 6 septembre dernier, une semaine après la fin du marché d’été qu’en privé comme en public, John Textor ne se cache pas de dire qu’il avait été manqué dans le sens des sorties. Car il doit aussi ménager la qualité du groupe de l’OL, de nouveau en haut du championnat pour la première fois depuis avant le Covid à ce stade de la compétition. Il devra donc se séparer d’éléments jamais (Akouokou), peu ou pas (Orban, Caqueret, Zaha) utilisés, sans oublier Anthony Lopes, désormais 4ème gardien de but.
Ainsi, "MLJ" va entrer dans un cercle infernal qu’il devra faire pencher du bon côté. Car l’objectif sportif (et financier) reste la Ligue des champions en fin de saison avec ses revenus XXL qui pourraient faire beaucoup de bien. Pour faire rentrer du cash, il faut faire sortir des joueurs " bankable", Malick Fofana, Rayan Cherki … Or, sans eux, la LDC semble illusoire tant les deux jeunes joueurs se sont rendus indispensables dans les bons résultats du groupe de Pierre Sage. Faire de la trésorerie sans toucher à l’efficacité sportive: Mathieu Louis-Jean a jusqu’au 31 janvier pour résoudre l’équation! Il pourra être "aidé" par le caractère "multipropriétés" de l’institution pilotée par John Textor: ainsi, de "Eagle Football Holding", pourront ainsi ruisseler le fruit de ventes de joueurs de Molenbeek ou, plus sûrement, de Botafogo, bien placé pour décrocher le titre de champion du Brésil et en finale de la Copa Libertadores, la Ligue des champions d’Amérique du sud. La porosité des entités peut-elle sauver aussi les finances du club français? Et aider à faire baisser à terme le poids de la dette, en partie refinancée à la fin 2023 (là aussi, une promesse tenue au bout d’un délai largement dépassé …), avec des lignes de crédit pour certaines à deux chiffres.
Les trois (ou quatre?) solutions
En interne, on ne cache pas qu’il y avait trois hypothèses sur la table en entrant ce vendredi matin à 11h dans les bureaux de la DNCG: l’une à vite balayer: "Tout va bien …" ; l’autre, à l’extrême opposée: "Une rétrogradation à titre conservatoire." "Nous avons travaillé à montrer que nous sommes crédibles", entend-t-on au sein du board lyonnais. Reste, la troisième: "OK, M. Textor, vos promesses sont belles, mais maintenant il faudrait passer à l’action pour qu’on vous croit." Avec une précision qui sort des bureaux parisiens du gendarme financier du foot français: "Plus vite les engagements seront remplis, meilleure et plus fluide sera la relation entre les deux entités."
Dans tous les cas, l’OL ne s’attend pas à sortir indemne de ce rendez-vous avec, au minimum, des demandes appuyées de documents supplémentaires. Quant à ses dirigeants, ils continuent à s’atteller en parallèle à faire baisser le train de vie du navire OL. Un projet de plan de départs volontaires a démarré en septembre et des mesures de rationalisations des dépenses occupent les esprits de tous les directeurs généraux, face à des équipes qui tremblent devant un régime minceur de grand ampleur envisagé pour faire passer les effectifs qui sont montés jusqu'à 700 emplois à moins de 500, en même temps que des emplois sont transférés du stade à la LDLC Arena, vendue en juin à Jean Michel Aulas.
Car au-delà des aléas sportifs, l’OL trimbale un déficit structurel qui en cumulé, depuis cinq saisons, se chiffre à plus de 300 millions de perte, la faute notamment au Covid et l’arrêt du championnat, sans oublier la faillite de Mediapro. Il faut remonter à 2018 (+7,3 millions) et 2019 (+6,4 millions) avec l’année de l’accident industriel, en 2020-2021: - 107,51 millions d’euros.