Les jeunes du centre de formation comme salut à la crise économique du foot français?

Baisser le plus possible la masse salariale, réduire l'effectif en nombre, plafonner les salaires pour les nouvelles recrues... en cette intersaison, la feuille de route de beaucoup de clubs de Ligue 1 se ressemble et inquiète.
Alors que les auditions redoutées auprès de la DNCG se poursuivent, seul Angers parmi les clubs reçus pour le moment a vu son budget validé avec des restrictions à savoir un encadrement de la masse salariale et des indemnités de transfert. Une décision vue comme un moindre mal par les dirigeants du SCO qui par la voix de son propriétaire Said Chabane avaient déjà annoncé avoir une enveloppe nulle pour recruter.
Comprenez "aucun transfert payant" ne sera possible. Belkhdim, Raolisoa, Kalumba, Ould Khaled, Cherif, Courcoul... déjà sur un fil, Angers s'était beaucoup appuyé sur ses joueurs formés au club pour réussir à se sauver la saison dernière. Il devrait en être de même à la reprise du championnat en août prochain et les Angevins seront sans doute rejoints par pas mal de concurrents.
"On sent aujourd'hui dans les clubs une évolution qui pour moi va dans le bon sens. Hormis les 5-6 clubs qui ne rencontrent pas de problème, la baisse du nombre de joueurs dans les effectifs est indispensable. Si ça peut faire la part belle aux jeunes du centre de formation c'est une bonne chose" affirme Yvon Pouliquen ancien joueur, entraineur aujourd'hui agent de joueurs. "Ces dernières années, les clubs ont eu tendance à se créer des effectifs conséquents avec plusieurs joueurs qui jouaient parfois 3-4-5 matchs pas plus dans la saison. Je ne vois pas où est l'intérêt. On parle de joueurs recrutés pour plusieurs saisons avec des salaires conséquents pour un nombre de matchs limité. J'ai toujours dit aux clubs que les jeunes pouvaient les jouer ces matchs sans affaiblir l'équipe et à un coût bien moindre".
"16 joueurs seulement font plus de 10 matchs par saison"
Le FC Nantes emmené par son nouvel entraineur Luis Castro ira t-il dans ce sens? Le propriétaire des Canaris Waldemar Kita a en tout cas récemment déclaré vouloir faire confiance à la formation. "Le club a toujours promu sa jeunesse. On est le 2ème club à avoir lancé le plus de jeunes en Ligue 1 au XXIe siècle" rappelle Samuel Fenillat le directeur du centre de formation. "Maintenant oui en tant que formateur, on a toujours poussé pour cette voie-là. Avoir 15-16 joueurs et au-dessus des garçons issus de la formation" précise-t-il. "Il y a une statistique qui se confirme dans la majorité des clubs. Seize joueurs seulement en moyenne font plus de 10 matchs dans la saison. Recruter un joueur puis un 2e et un 3e pour un même poste car il y a un nouvel entraîneur, ça va devenir compliqué. Ce ne sera plus la tendance".
Chez les Canaris, le jeune Louis Leroux (19 ans) s'est révélé avec l'équipe première la saison dernière. Herba Guirassy ou Dehmaine Tabibou ont eu du temps de jeu. Une place plus importante pourrait être faite à d'autres gamins issus de la Jonelière alors que la direction nantaise doit faire face elle-aussi à des finances difficiles avec une obligation de vendre avant d'acheter et des salaires limités à 50 000 euros pour les éventuelles recrues.
Le recours à la jeunesse peut en plus être un retour aux sources du club bénéfique pour tout le monde. "Les supporteurs attendent ça dans un club comme Nantes" assure Samuel Fenillat. "Voir des jeunes du club sur le terrain, ça donne un élan, de l'énergie. C'est une culture club. Les meilleurs résultats ont été quand on avait une base importante de jeunes sur le terrain. Les Rongier, Dubois, Harit, Djidji. C'est inexplicable mais ça donne de l'énergie aux gens. C'est palpable au stade".
Et si on convoque l'Histoire, "on peut se souvenir du FC Nantes qui était en grosses difficultés financières aux débuts des années 90 avec déjà l'obligation de faire jouer ses jeunes du centre sur lesquelles il ne fondait pas forcément d'espoir. Cette génération est devenue championne de France deux ans plus tard en 1995" se remémore Yvon Pouliquen. "Aujourd'hui, il y a tellement de mouvements de joueurs incessants dans les clubs que les centres de formation sont délaissés. Seuls les tops joueurs arrivent à intégrer les groupes pros mais je suis certain qu'il y en a d'autres qui pourront le faire si on leur fait confiance".
Une bascule économique potentiellement très intéressante
Et si l'éclosion d'un jeune du centre peut d'abord être une bonne affaire sportive, elle peut en plus permettre une bascule économique très intéressante. "Sur les dix plus grosses ventes de l'histoire du club, six sont des jeunes formés au club" rappelle Samuel Fenillat. Les deux plus récentes sont celles de Rongier et Merlin à Marseille. Cet été, c'est le défenseur Nathan Zézé (20 ans) qui pourrait permettre de renflouer les caisses. "Prenez Rennes qui est un peu le modèle" renchérit Pouliquen. "Les ventes réalisées sont très importantes, bien plus que la revente de joueurs recrutés et revendus après quelques saisons". Doué (50 millions), Camavinga (30 millions), Tel (25 millions) les années précédentes entre autres. Assignon (15 millions) et Truffert (15 millions) pour ce début de mercato.
Attention malgré tout à ne pas faire des jeunes joueurs du cru la solution miracle. "Un jeune aujourd'hui doit être performant rapidement car la confiance qu'on lui montre peut vite baisser avec la pression des résultats. Là, les entraineurs et les dirigeants vont devoir faire preuve de plus de patience" prévient Pouliquen rejoint par Fenillat. "Les gamins auront forcément moins d'expérience que des joueurs pros depuis plusieurs saisons. C'est pour ça qu'il faut bien réfléchir à la constitution de l'effectif. Il faut des joueurs plus matures à côté qui encadrent. Mais si tout est bien étudié, avoir 1/3 de jeunes prêts à grandir et à jouer, c'est faisable". Rendez-vous à la reprise de la Ligue 1 en août pour découvrir peut-être les futurs grands de demain.