Chaos au Stade de France: un formulaire peu adapté pour les plaintes des spectateurs étrangers

Le club de Liverpool a d’ores et déjà recueilli 9000 témoignages de ses supporters présents à Paris et à Saint-Denis le 28 mai. Combien d’entre eux adresseront également une plainte aux autorités françaises ? Depuis lundi, un formulaire est disponible sur les sites internet des ambassades de France au Royaume-Uni et en Espagne. Il s’adresse aux "ressortissants étrangers victimes d’infractions en marge de finale de la Ligue des Champions". Avec comme en-tête les logos de la Préfecture de Police de Paris et de la police urbaine de proximité, ce formulaire comporte 7 pages, traduites en anglais ou en espagnol.
Il permet de décrire sur une page le déroulé des faits, puis comporte une série de cases à cocher ou à remplir. Parmi les choix proposés pour le délit : vol à la tire, racket, escroquerie ou vol avec arme... Concernant le lieu du délit, les propositions contiennent "dans la rue", "à l’aéroport" ou "dans le musée", mais étonnamment aucun une case "au stade". Une illustration que ce formulaire n’est pas parfaitement adapté aux circonstances de la finale, même si cela peut être précisé près de la case "autre lieu". Les supporters anglais ou espagnols peuvent ensuite détailler les objets volés, et décrire l’auteur du délit. Une fois complété, le formulaire de dépôt de plainte doit être adressé, par courrier postal uniquement, au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bobigny.
RMC Sport a appris son existence à une supportrice des Reds présente au Stade de France ce soir-là, qui a déjà envoyé son témoignage au club de Liverpool. Une autre fan anglaise, présente dans la capitale pour la finale et victime d’un vol à la tire la veille, n’a eu connaissance du formulaire de la justice française ce mercredi que grâce aux réseaux sociaux. Elle pense en remplir un. Pour l’heure, ce dispositif reste largement méconnu des principaux concernés. Le club de Liverpool n’a pas communiqué sur le sujet. Le journaliste britannique Daniel Austin, supporter de Liverpool présent au Stade de France le soir de la finale, regrette le manque de communication des autorités françaises autour de ce dispositif : "Pour le moment, ce sont surtout des journalistes anglais qui ont expliqué qu’il était possible de déposer plainte. Ce n’est pas suffisant de mettre un formulaire en ligne sur le site internet de l’ambassade et de considérer avoir fait le travail. Les autorités françaises devraient se rapprocher des deux clubs, et de la police de Liverpool, pour promouvoir ce formulaire".
Daniel Austin a plusieurs amis qui ont été victimes de vols et d’agressions autour du Stade de France, lui a été poussé par les boucliers des forces de l’ordre sur le parvis du Stade. "La seule raison pour laquelle je pourrais déposer plainte, ce sont les actes de violence commis par la police française. Mais il n’y a pas de considération pour cela dans le formulaire, regrette-t-il. Et que va-t-il se passer après ? On ne sait pas ce que les autorités françaises vont faire de ces plaintes."
Le maire de Liverpool hasite à porter plainte
Le site de l’ambassade de France au Royaume-Uni ne donne pas d’information sur les trois policiers français, anglophones, censés être à Liverpool pour recueillir des témoignages. Contrairement à l’ambassade en Espagne, qui précise que le "dispositif d’assistance en espagnol mis en place par la police française du lundi 6 juin au vendredi 17 juin 2022" est disponible sur rendez-vous, au consulat général de France. Parmi les victimes de pickpockets au Stade de France figure le maire de la Région-Métropole de Liverpool, Steve Rotheram. Son téléphone, son portefeuille et son billet de match lui ont été dérobés sur le parvis de l'enceinte dyonisienne. "J’hésite encore à déposer plainte mais je le ferai probablement, oui. Il y avait des bandes de pickpockets bien organisées qui rodaient et qui ont profité du chaos. Ceux qui m’ont volé étaient de vrais professionnels. J’ai été forcé de grimper par-dessus une grille, et pour y arriver, j'ai dû vider mes poches. C’est à ce moment-là qu’ils m’ont volé mes effets personnels", explique-t-il. S'il finit par envoyer son formulaire de plainte, ce n'est pas pour percevoir un quelconque dédommagement, mais pour que les autorités mesurent bien l'ampleur des faits. "Cela représente des centaines de personnes, probablement plus encore. Il y avait des bandes très bien organisées. Et la police ne semblait pas vouloir sévir contre elles, en tout cas de ce que j’ai pu voir. Certains récits que j’ai entendus sont vraiment effrayants. Il faut que cela serve à éviter aux spectateurs des prochains événements qui auront lieu en France de vivre la même chose."
Parallèlement à ce recueil de plaintes, les sénateurs de la commission des lois et de la commission de culture poursuivent leurs auditions pour comprendre les dysfonctionnements le soir de cette finale. Après avoir interrogé le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, la semaine dernière, ils entendront justement ce jeudi le maire de la Région-Métropole de Liverpool, après le préfet de police de Paris, Didier Lallement, et les représentants de la Fédération Française de Football.