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Les grandes finales de la Ligue des champions: 2005, le miracle de Liverpool

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C'est l'un des plus grands exploits de l'histoire des finales de la C1. A Istanbul, ce 25 mai 2005, le FC Liverpool a réalisé un come-back monumental face au grand Milan. Menés 0-3 après 45 minutes, les Reds ont renversé le match en six minutes avant de l'emporter.

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Liverpool-AC Milan: 3-3 (3 tab à 2)
25 mai 2005, finale de la Ligue des champions - Stade olympique Ataturk (Istanbul, Turquie)

Buts: Paolo Maldini (1er), Hernan Crespo (38e, 44e) / Steven Gerrard (54e), Vladimir Smicer (56e), Xabi Alonso (60e)
Tirs au but réussis: Jon Dahl Tomasson, Kaka / Dietmar Hamann, Djibril Cissé, Vladimir Smicer
Tirs au but ratés: Serginho, Andrea Pirlo, Andriy Shevchenko / John Arne Riise

Liverpool: Dudek - Finnan (Hamann 46e), Carragher, Hyypiä, Traoré - Luis Garcia, Xabi Alonso, Steven Gerrard (c), Riise - Baros (Cissé 85e), Kewell (Smicer 23e)
Entraîneur: Rafael Benitez

Milan: Dida - Cafu, Stam, Nesta, Maldini (c) - Gattuso (Rui Costa 112e), Pirlo, Seedorf (Serginho 86e) - Shevchenko, Kaka, Crespo (Tomasson 85e)
Entraîneur: Carlo Ancelotti

Quand le football bascule dans l'irrationnel et l'irréel. Ce Liverpool-Milan, c'est la finale de tous les superlatifs. C'est le match aussi connu son le nom de "Miracle d'Istanbul". Dans la capitale turque, les Anglais sont passés de l'enfer au paradis. Tout le contraire des Italiens, victimes d'un retournement de situation historique. Ainsi va le sport: le bonheur des uns est le cauchemar des autres...

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Déjà un miracle et un but "fantôme" pour les Reds

Avant de se hisser en finale, Liverpool a déjà connu un petit miracle dès la phase de poules. Dans le groupe A, derrière Monaco, le club de la Mersey est à la lutte avec l’Olympiakos dans la course la deuxième place. Entre Anglais et Grecs, cela va se jouer à la différence de buts particulière. A Athènes, l’Olympiakos l’a emporté 1-0. Alors, à Anfield, lors de l’ultime match, les Reds doivent déjà marquer trois fois en seconde période, car dans le premier acte, Rivaldo a ouvert le score. Florent Sinama-Pongolle et Neil Mellor dessinent l’exploit. Puis, Steven Gerrard lâche une de ses frappes monumentales dont il a le secret pour terrasser l’Olympiakos dans les dernières minutes. Liverpool s’en sort.

Après avoir sorti le Bayer Leverkusen et la Juventus, les hommes de Rafael Benitez ont droit à un très gros morceau en demi-finales: le nouveau Chelsea de José Mourinho. A l’aller, les Reds tiennent bons à Stamford Bridge (0-0). Et au retour, le fameux but "fantôme" de Luis Garcia suffit pour envoyer Liverpool en finale, 20 ans après leur dernière, marquée par le drame Heysel.

L'armada milanaise

L’AC Milan, de son côté, a eu un parcours plus simple et conforme à son statut de favori pour le sacre. Seul le Barça en phase de poule (une défaite au Camp Nou avec un but fabuleux de Ronaldinho à la 89e) et le PSV Eindhoven en demi-finale retour ont battu ces impressionnants Rossoneri. Manchester United n’a rien pu faire, l’Inter Milan a volé en éclats… Deux ans après leur dernier titre, ces Milanais semblent destinés à reconquérir l’Europe.

Carlo Ancelotti s’appuie sur une équipe au top. Devant, il peut compter sur le nouveau Ballon d’or Andriy Shevchenko, sur le futur Ballon d’or Kaka et sur Hernan Crespo. Au milieu de terrain, le Milan est souverain avec Gennaro Gattuso, Andrea Pirlo, Rui Costa, Clarence Seedorf, Massimo Ambrosini… Et derrière, le capitaine Paolo Maldini est à la baguette, aux côtés de Jaap Stam, d’Alessandro Nesta, de Cafu et de Dida. Bref: pour cette final, l’ogre milanais part nettement favori contre un Liverpool reconnu pour son énergie mais moins talentueux et moins pourvu en attaque.

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Quand Milan met Liverpool à l'agonie

Cette première finale de la C1 jouée en Turquie part très fort. Il ne faut qu’une minute pour que l’AC Milan prenne les commandes avec une volée victorieuse de Paolo Maldini. La mission de Liverpool se corse quand Harry Kewell, blessé, doit être remplacé dès la 23e par Vladimir Smicer. La supériorité milanaise se concrétise à nouveau: Hernan Crespo, bien servi par Andriy Shevchenko, fait le break (39e). Et Liverpool sombre juste avant la pause: Kaka adresse une passe en profondeur superbe pour Crespo, qui signe un doublé (44e). A la pause, l’AC Milan mène par trois buts d’écart.

Difficile alors d’imaginer une machine aussi bien huilée perdre le contrôle de cette rencontre à sens unique. Les Scousers ne déméritent pas mais sont nettement dominés par des Rossoneri implacables. Dans les tribunes, toutefois, retentit encore "You’ll Neve Walk Alone". Les supporters de Liverpool sont touchés, mais pas coulés, et ils restent fidèles à leur réputation en chantant à la gloire de leur club. Ils ne le savent peut-être pas encore, mais ils sont sur le point de vivre un moment unique.

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Gerrard lance la révolte, au grand dam de Maldini

Durant la pause, Rafael Benitez opère un changement tactique; il sort Steve Finnan et fait entrer Dietmar Hamman, pour jouer avec une défense à trois (Djibril Cissé, de retour depuis peu après une fracture tibia-péroné, entrera plus tard). Liverpool n’a pas vraiment le choix ; il faut attaquer pour tenter l’impossible. Et comme un symbole, c’est son capitaine Steven Gerrard qui sonne la révolte. 54e: John Arne Riise centre, "Stevie G" s’élève et catapulte le ballon au fond des filets de la tête. Tout de suite, le n°8 se précipite pour reprendre le jeu, tout en haranguant les fans. Cela fait 3-1, et l’histoire est en marche.

Dix ans après, Paolo Maldini a reparlé de ce match avec Jamie Carragher pour le Daily Mail. Le défenseur a senti un basculement: "Quelque chose s’est passé en seconde période. Vos fans ont commencé à chanter et chanter encore. D’habitude, dans le stade, c’est du 50-50, mais là, c’était du 75-25 pour Liverpool. Comme si nos fans avaient vendu leurs places aux fans de Liverpool. Je me rappelle le premier but. Je pouvais voir Gerrard et Stam et j’étais prêt à crier ‘Attention, il arrive !’. Mais je n’ai dit. Le ballon et arrivé et Gerrard a marqué. Et je me suis dit ‘M***, mais pourquoi t’as rien dit ?!’".

Smicer et Xabi Alonso se déchaînent, Milan sous le déluge

Deux minutes après la réduction du score du capitaine, Vladimir Smicer fait mouche à son tour d’une frappe limpide des 25 mètres sur laquelle Nelson Dida n’est pas irréprochable. Milan Baros est à un doigt de toucher le cuir de la main, mais l’attaquant parvient à esquiver. "Ce n’était pas mon plus beau but. Je crois que j’en ai marqués de meilleurs. Mais c’est assurément le plus important de ma carrière. Sans ça, nous n’aurions pas gagné", confiera le Tchèque à l’UEFA. Dès lors, Milan tremble.

Et dans une ambiance survoltée, Liverpool obtient un penalty; Baros talonne pour Gerrard, et Gennaro Gattuso accroche le milieu de terrain qui déboulait dans la surface. L’arbitre, M. Manuel Mejuto Gonzalez, n’hésite pas un instant. Gerrard, préposé aux coups de pied arrêtés, passe son tour cette fois. Sans doute ne veut-il pas frapper un penalty qu’il a lui-même obtenu. C’est donc Xabi Alonso qui se présente face à Dida. Le Brésilien se détend sur sa droite et repousse la frappe de l’Espagnol. Mais le tireur a bien suivi et reprend le ballon repoussé, malgré le tacle désespéré de Nesta. On joue la 60e minute et c’est du délire dans le stade Atatürk: en six minutes, Liverpool a refait son retard!

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La double parade incroyable de Dudek face à Sheva

Le ciel est tombé sur la tête de l’AC Milan, mais les Italiens ont encore de la ressource. Shevchenko et les siens se rebiffent. Dans ce match complétement fou, il faut une défense acharnée de chaque côté pour ne pas céder. Le temps réglementaire s’achève et les deux équipes se retrouvent en prolongation. Les minutes s’égrènent encore jusqu’à cette action incroyable.

118e minute: Serginho adresse un centre parfait dans la surface de Liverpool. Sami Hyppiä est trop court, mais pas Shevchenko. L’Ukrainien, peu en réussite jusque-là, smashe la balle de la tête. Jerzy Dudek repousse droit sur l’attaquant. A un mètre du but, le Ballon d’or frappe puissamment du droit. Mais le gardien polonais s’est redressé et a mis ses deux mains en opposition. Incroyable: il dévie encore le cuir, qui passe au-dessus de la barre transversale ! Les Milanais ont du mal à y croire. "Même quand j’y repense maintenant, je n’arrive pas à croire que le ballon n’est pas rentré dans le but. C’était un arrêt génial", lâche Sheva, dix ans plus tard.

Dudek frustre encore Shevchenko et sacre d'incroyables Reds

Comme en 2003 face à la Juventus, l’AC Milan va se confronter aux tirs au but pour déterminer qui soulèvera la Coupe aux grandes oreilles. Mais cette fois, le scénario dessiné jusque-là sonne comme un présage négatif: ce net avantage perdu, l’ambiance d’Istanbul, cette occasion en or repoussée par Dudek…

La séance commence très mal. Serginho, le premier tireur, envoie son ballon dans les nuages. Dietmar Hamman, dont l’entrée en jeu a eu un impact significatif, ne tremble pas. Second tireur du Milan: Andrea Pirlo. Si doué dans cet exercice, l’Italien bute sur Jerzy Dudek. Et Djibril Cissé transforme derrière et met Liverpool dans un fauteuil. Les Rossoneri sont dos au mur et John Dahl Tomasson marque enfin. Puis, Dida sort la tentative de John Arne Riise et Kaka fait mouche à son tour. 2-2 : le vent tourne-t-il pour les Lombards?

Non. Vladimir Smicer ne tremble pas et conserve l’avantage pris par les Reds. Cela fait 3-2 quand Andriy Shevchenko s’avance. Tout Milan le sait: si l’Ukrainien ne marque pas, c’est fini. Il y a quelques minutes, Jerzy Dudek l’a privé d’un but tout fait. Le Polonais se retrouve à nouveau en duel avec le chasseur. Shevchenko tire dans l’axe ; le gardien, parti sur sa droite, laisse traîner une main, repousse le cuir et libère son équipe. Au bout du bout, à l’issue d’une finale renversante, c’est Liverpool qui remporte cette Ligue des champions.

Le "syndrome d'Istanbul" qui a hanté les Milanais

Inévitablement, ce match est entré dans la légende de Liverpool, club anglais le plus titré de l’histoire (cinq sacres). "C’était un rêve de faire seulement partie de cette aventure et d’aller chercher ce trophée – que nous avons conservé pour toujours – à la fin. Ce match, probablement la plus belle finale de la Ligue des champions, fut un réel miracle", assurera Steven Gerrard au moment de prendre sa retraite.

Côté italien, bien entendu, les sentiments sont bien différents. Andrea Pirlo a pensé à tout plaquer, comme il l’a confié au Daily Mail: "J’ai songé à m’arrêter, parce qu’après Istanbul, plus rien n’avait de sens. Cette finale m’empêchait de respirer. Quand cette rencontre-torture fut terminée, nous nous sommes assis dans le vestiaires et nous ne pouvions parler ou bouger. Ils nous avaient mentalement détruit. Les dégâts étaient déjà sérieux dès le départ, et ça s’est empiré avec le temps: insomnie, rage, dépression, sentiment de néant… Nous avons inventé une nouvelle maladie aux symptômes multiples: le syndrome d’Istanbul." Deux ans plus tard, l’AC Milan pansera ses plaies en prenant sa revanche contre Liverpool en finale.

Nicolas Bamba